Ah, Paris ! Ville de promesses et de périls. Dans cette capitale où chaque pierre murmure des rêves, une ombre pesante s’étend sur les trottoirs : celle des cheminées d’usines. On les voit partout désormais, ces colonnes de fumée, dressées comme des griffes de fer qui lacèrent le ciel. Elles portent le sceau du “progrès”, mais à quel prix ?
Les rues qui jadis résonnaient des cris des marchands, des rires des enfants et du pas rapide des artisans sont aujourd’hui envahies par une atmosphère lourde et grise. Dans les quartiers industriels, il ne s’agit plus de trottoirs peuplés de promeneurs élégants ou d’ouvriers joyeux. Non, c’est le royaume des ombres : hommes et femmes aux visages noircis, leurs traits effacés par la fatigue et la suie. Ce sont les serviteurs silencieux des machines modernes, ces monstres insatiables qui dévorent les heures, la santé et même l’espoir.
Voyez-les, ces ouvriers ! La chemise trempée de sueur, le dos courbé, ils sortent à peine des usines que déjà leur souffle est court, leur regard vide. À leur place, nous promenerions-nous dans les rues de Paris avec le même orgueil ? Nous oserions peut-être répondre, comme les bourgeois au balcon : “Tout cela est nécessaire.” Mais que nous enseigne cette “nécessité”? Que la richesse d’un petit nombre doit être bâtie sur la misère des masses ? Que le ciel bleu de notre jeunesse peut se ternir sans regrets ?
Le pire, chers lecteurs, n’est pas ce que l’on voit. C’est ce que l’on respire. Ces fumées âcres, qui semblent flotter au-dessus des toits comme des nuages rebelles, s’immiscent partout. Dans chaque souffle pris par un ouvrier, dans chaque repas partagé par une famille, se cache un poison lent. Les médecins s’alarment, mais leurs voix sont étouffées par le bruit des marteaux et des machines. Les industriels, eux, parlent d’ “innovation” et de “modernité”, détournant les regards des maux qu’ils infligent.
Prenons l’exemple de cette usine pétrochimique récemment installée aux portes de la ville. Sous prétexte de produire des lampes à gaz, elle produit surtout des veuves et des orphelins. Les travailleurs y inhalent des vapeurs toxiques tout en manipulant des substances qu’ils ne comprennent pas, car personne ne leur explique. Pourquoi le ferait-on ? Leur vie vaut-elle le coût d’une précaution ? Apparemment non. Leur existence est comptée en heures d’efforts, non en années de bonheur.
Et les rivières ? Ah, la Seine ! Ce fleuve majestueux, jadis miroir des ponts et des palais, est devenu le réceptacle des eaux usées et des débris industriels. Les poissons meurent, les berges puent, et pourtant, on ferme les yeux. Ce n’est qu’un “dommage collatéral”, dit-on. Les ouvriers, eux, voient cette eau comme leur dernier luxe, leur seul moyen de se rafraîchir après une journée harassante. Mais qu’ils osent y plonger un pied, et c’est leur santé qui en paiera le prix.
Devons-nous accepter cette tyrannie des machines et de leurs maîtres ? Moi, Le Paulois Engagé, je dis non. Non à ce mépris des corps et des âmes. Non à cette destruction insidieuse de la nature qui nous a tous nourris, moi y compris, dans ma jeunesse béarnaise. À Pau, nous respections la terre parce qu’elle nous donnait tout. Ici, à Paris, on la méprise comme si elle était une servante fatiguée.
Alors, que faire ? Peut-être commencer par parler. Par nommer ces injustices qui s’abattent sur les plus faibles. Par écrire, toujours écrire, pour que la fumée ne recouvre pas la vérité. Ce n’est qu’un début, mais un début nécessaire. Car si les ouvriers sont forcés au silence, nous, qui avons encore une plume et une voix, devons hurler pour eux.
Je vous invite, chers lecteurs, à regarder cette ville autrement. Ne voyez pas seulement ses belles avenues, ses lumières éclatantes et ses vitrines luxueuses. Voyez aussi ses ombres, ses poumons noirs et ses rivières souillées. Paris suffoque, et avec elle, ses habitants. Si nous n’agissons pas, bientôt, ce ne sera plus la “Ville Lumière”, mais un tombeau fumant pour les rêves de ses enfants.
Le progrès ne vaut rien s’il coûte l’humanité. Paris doit respirer, et ses ouvriers aussi. Pour cela, il faudra lutter. Et moi, Le Paulois Engagé, je lutterai. Avec ma plume pour arme, je continuerai à dénoncer, pour que le souffle coupé des opprimés devienne un cri qui résonne dans toutes les rues de cette capitale.
À la semaine prochaine, sous une lumière que nous aurons peut-être sauvée.
Le Paulois Engagé