Le roman-feuilleton, la publicité, la vie quotidienne

Affiches pour romans-feuilletons (fichier avec images)

On ne s’abonne plus à un journal à cause de son opinion semblable à la sienne; on s’y abonne, toutes couleurs indifférentes, suivant que le feuilleton est plus ou moins amusant.

Un député en 1845, cité dans Palmer, Des petits journaux aux grandes agences, p. 2

Le « feuilleton » d’un journal, c’est avant tout une rubrique qui se situe en bas de page – et pas forcément de la première – d’un quotidien et qui est séparée du reste du texte (en général plus sérieux et politique) par une fine ligne. Cet élément, également appelé « rez-de-chaussée », est un des premiers rubricages clairs dans la presse de l’époque (il se développe dans les années 1830). Il est d’abord consacré à des textes de « Variétés » et autres « Revues » : on y trouve surtout de la critique littéraire, artistique et dramatique. Théophile Gautier et Alexandre Dumas, par exemple, en écrivent beaucoup.

Au cours du siècle, l’utilisation de cette rubrique se spécialise : on y fait paraître des extraits littéraires, puis des romans dans leur totalité, publiés par tranches, en parallèle d’articles de critique.

Le roman-feuilleton est alors caractérisé par une publication morcelée, par la mention « À suivre » ou encore « La suite à demain » et par sa localisation dans la section « feuilleton » du quotidien. En même temps qu’il se développe, le genre se normalise.

Certains textes sont écrits spécifiquement pour ce mode de publication : souvent longs, ce sont des romans populaires qui exploitent le suspens des interruptions programmées, et n’hésitent pas à ajouter des péripéties, à réutiliser des personnages d’un roman à l’autre, afin de conserver l’attention des lecteurs : Alexandre Dumas et ses mousquetaires, Eugène Sue avec Les Mystères de Paris ou encore Ponson du Terrail et ses nombreux romans où l’on retrouve Rocambole, en sont d’excellents exemples.

Le roman-feuilleton, qu’est-ce que c’est? (Blog de Gallica)

Le roman-feuilleton et la vie quotidienne

Qui lisait quoi dans le journal? Comment lisait-on? Quel rapport à la vie quotidienne? Voici ce qu’en disait des Françaises qui étaient jeunes vers 1900 :

— Ma mère, comme toutes les dames, elle lisait moins le journal que mon père. Les femmes ne s’intéressaient pas à la politique ; elles lisaient les faits divers, les procès, les choses comme ça. (Femme née à Paris en 1893 ; père vendeur au Bon Marché, mère sans profession).

— Bien sûr que oui ! Ma mère lisait le feuilleton; comme toutes les femmes, ça l’intéressait ! (Femme née en 1888 dans un bourg agricole des Vosges; père employé des chemins de fer, mère sans profession.)

— Tous les matins, on déposait à notre porte le Matin. Mon père le lisait à fond, après le repas de midi. Mais il ne lisait pas le feuilleton, oh non ! Sûrement pas ! Ma mère, elle aussi, lisait le journal mais elle ne se passionnait pas pour la politique; ce qu’elle lisait, bien sûr, c’était le feuilleton. (Femme née en 1897 à Paris; père petit entrepreneur en maçonnerie, mère sans profession.)

— La voisine de mes parents ne savait pas lire. Tous les soirs elle appelait ma mère en criant : «Venez, venez donc!», pour qu’elle vienne lui lire son feuilleton. (Homme né en 1888 dans un bourg de l’Ardèche ; mère scolarisée.)

— Ma mère savait à peine lire. Alors tous les soirs, elle me disait : «Eh bien ! Tu ne me le lis pas, aujourd’hui, le feuilleton?» (Femme née à Paris en 1900; parents émigrés de l’Auvergne; mère femme de ménage.)

— Ma mère découpait le feuilleton, bien sûr ! Elle le reliait aussi: c’étàit une femme très ordonnée. (Femme née en 1899 à Pans; pere jardinier de la ville de Paris, mère sans profession.)

Propos recueillis dans Anne-Marie Thiesse, Le roman du quotidien

Relier les romans-feuilletons et les livraisons

Voir ces exemples de feuilletons reliés ici.


La réclame (voir le Lexique) et la critique littéraire

Voici un commentaire intéressant d’un critique littéraire en 1884:

Ici on apprend que les nouveaux livres arrivent aux rédactions des journaux avec des réclames toutes faites collées à l’intérieur du livre – il suffit de les copier !

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