Le Paulois Eveillé: Portrait d’un Paris qui suffoque sous le poids de ses ambitions

Maupassant ne pouvait mieux choisir qu’un pseudonyme évocateur tel que Bel-Ami pour son roman phare. Cet ouvrage, que j’ai dévoré dans le vacarme de Paris, m’a laissée oscillant entre admiration pour la plume de l’auteur et répulsion pour son tableau de notre société. Les critiques sont partagées, comme j’ai pu le constater dans les colonnes des journaux tels que Le Gaulois et Gil Blas. Certains saluent son talent indéniable, tandis que d’autres dénoncent l’intensité de son naturalisme, créant un portrait aussi intense qu’il en devient un miroir dérangeant de notre époque​. Ce commentaire rejoint mon propre malaise : est-il nécessaire de peindre le vice avec autant de détails pour le dénoncer ? En tant qu’enfant du Sud-Ouest, attachée aux valeurs de simplicité et d’authenticité, je me demande si ce roman n’incarne pas justement ce que Maupassant critique : l’appât du gain et l’opportunisme, même dans les hautes sphères littéraires.

Au cœur du récit se trouve Georges Duroy, ou plutôt Bel-Ami, ce séducteur implacable qui, par le biais de ses conquêtes féminines et de sa ruse, escalade les échelons du journalisme parisien. Dès ses débuts modestes, il manipule et charme son entourage, à commencer par Mme Forestier, qui lui offre non seulement un accès au métier mais aussi ses premiers articles. Maupassant ne fait preuve d’aucune clémence envers son personnage. Bel-Ami est un opportuniste qui, bien qu’ironique et charismatique, manque cruellement de conscience morale. En somme, un reflet cru de ce que la société, dans sa quête de succès rapide, peut produire.

Dans Gil Blas, Maupassant lui-même répond aux critiques en affirmant que Bel-Ami n’est pas une attaque contre toute la presse, mais une exploration d’un milieu interlope où la corruption règne​. Pourtant, en lisant cette défense, je m’interroge sur la frontière entre la critique sociale et l’encouragement implicite. Car si le vice triomphe si facilement dans les pages du roman, qu’est-ce que cela dit de notre propre lutte contre ces forces ?

À travers Duroy, Maupassant explore un Paris rongé par l’ambition et la soif de pouvoir, une ville où les principes de respect et d’éthique semblent relégués au second plan. Cela me rappelle l’œuvre de Balzac, notamment Illusions perdues, où le jeune Lucien de Rubempré, bien que talentueux, succombe aux mêmes travers d’un monde où tout s’achète. Mais là où Balzac laisse entrevoir une rédemption ou du moins un espoir pour ses personnages, Maupassant, lui, semble déclarer que la corruption est omniprésente et difficile à surmonter.

À ceux qui louent Bel-Ami comme une critique audacieuse, je réponds : le courage ne réside-t-il pas aussi dans la recherche d’un équilibre entre vérité et inspiration ? Si nous voulons construire une société où le respect de la nature humaine peut s’épanouir, peut-être devons-nous aussi exiger des auteurs qu’ils montrent, non seulement les ténèbres, mais aussi une lumière, aussi fragile soit-elle.

Ainsi, malgré ma reconnaissance pour le talent de Maupassant, je m’interroge : Bel-Ami est-il une œuvre qui appelle à l’éveil des consciences ou simplement un tableau où le spectateur, fasciné par l’horreur, reste figé dans l’inaction ? Il appartient à chacun de décider. Quant à moi, dans mon combat contre les injustices, je choisis de rêver d’un monde où la plume peut transformer la boue en espoir.

Journalisme engagé : Sévérine et les mineurs

Au Pays du Grisou

Séverine, journaliste engagée, se distingue par son style émotionnel et immersif dans sa série d’articles publiée en décembre 1891 dans L’Éclair, relatant la catastrophe minière de Saint-Étienne. Son écriture, à la fois poignante et critique, transcende le simple reportage pour devenir un acte politique et humanitaire. En alliant narration immersive, engagement personnel et critique sociale, Séverine réussit à éveiller l’empathie et à stimuler les consciences de ses lecteurs.

Style narratif et technique journalistique

Séverine adopte un style narratif immersif qui plonge ses lecteurs au cœur de la tragédie. Ses descriptions saisissantes rendent la catastrophe palpable. Elle n’hésite pas à utiliser des images frappantes :

  • Les corps et les chevaux : « Cinquante-six hommes, cinquante-six chevaux. On emporte les hommes à l’hôpital du Soleil; on dépèce les chevaux que l’on remonte quartier par quartier. » Cette juxtaposition entre les victimes humaines et animales souligne l’inhumanité des conditions de travail.
  • Le chaos et la lutte des secouristes : « Lors de la première tentative de descente à 20 mètres de profondeur, il avait fallu s’arrêter, faire remonter la cage sous peine d’asphyxie. » Ici, elle décrit l’impuissance des sauveteurs face à l’ampleur de la catastrophe.
  • L’image des cadavres à l’hôpital : « Ils sont allongés à la file, tout habillés, leur numéro d’ordre épinglé sur la poitrine, sur une couche de paille. » Cette image macabre donne une dignité austère aux mineurs tout en soulignant l’ampleur de la perte humaine.
  • Les scènes des funérailles collectives : Dans un autre article, elle évoque les « cinquante et un cercueils alignés sous un ciel pluvieux, escortés par des familles brisées. » Cette description amplifie l’impact émotionnel et le sentiment d’une tragédie collective.

L’usage du pronom personnel « je » renforce la proximité avec le lecteur. Séverine s’implique dans le récit, créant un lien émotionnel direct :

  • Participation active : « De ce cortège-là, je serai. » Elle ne se contente pas d’observer ; elle prend part à la douleur collective des familles.
  • Engagement moral: « Nous ressortons de l’hôpital le cœur chaviré. » Par cet usage du pluriel inclusif, elle inclut le lecteur dans l’expérience vécue.
  • Récit direct et émotionnel : « J’interroge Colombet, tandis qu’au grand trot la voiture nous emmène vers le treuil. » Cette phrase illustre comment elle emmène les lecteurs avec elle sur le terrain.

Son style oscille entre des phrases longues, riches en détails, et des phrases courtes, abruptes, qui créent un rythme dramatique et maintiennent la tension :

  • Phrases longues pour le détail: « Une lampe à reflets de phare éclaire ce terrifiant spectacle, ce naufrage de tant d’existences, cette flotte de barques à couvercles en route pour l’éternité. » Les détails amplifient l’impact visuel et émotionnel.
  • Phrases courtes pour la tension : « Enfin, quand on croyait tout fini, il a fallu se mettre à allonger le câble… » La brièveté de ces phrases exprime la fatigue et l’urgence.
  • Le détail qui choque : Elle écrit dans l’article du 11 décembre le passage : « Sous la pluie battante, on voyait des enfants au visage grave, déjà orphelins, tenant la main de mères en deuil. » Ces observations humanisent encore davantage les scènes décrites.

Comparaison avec d’autres articles

En parallèle, les journaux contemporains, comme Le Cri du Peuple, Le Petit Clermontois, et Le Radical abordent également la catastrophe de manière très différente. Ces publications s’attachent principalement à des faits bruts, des statistiques et des explications techniques, souvent dénuées de l’émotion et de l’introspection que Séverine insuffle à ses récits.

  • Le Soleil: Ce journal propose une analyse technique du grisou, expliquant en détail ses propriétés chimiques et les causes possibles de l’explosion. Bien que ces informations soient éducatives, elles laissent peu de place à la narration des expériences humaines des mineurs ou de leurs familles.
  • Le Cri du Peuple: L’article exprime une indignation claire contre les conditions de travail des mineurs, en dénonçant les propriétaires de mines comme responsables directs des catastrophes. Cependant, il manque de détails immersifs, comme dans cette phrase : « La responsabilité des propriétaires de mines est donc bien entière ; toutes les catastrophes leur incombent uniquement. » Cette déclaration forte manque de récits individuels pour renforcer l’impact émotionnel.
  • Le Petit Clermontois: Cet article met en avant des descriptions techniques, comme l’importance des lampes de sûreté et des ventilateurs, mais en restant éloigné des drames humains. Par exemple, il discute des solutions technologiques en déclarant : « Il y a donc mieux à faire, et pour sauvegarder des milliers d’existences, il faut être prêts à tous les sacrifices. » L’emphase est mise sur les améliorations techniques sans explorer la souffrance immédiate des familles.
  • Le Radical: Tout en dénonçant les négligences des propriétaires de mines, Le Radical reste généraliste, avec des critiques comme : « Encore le grisou et son terrifiant cortège de victimes. Ce sinistre bassin houiller de la Loire augmente chaque année son sanglant martyrologe. » Le ton est critique mais ne plonge pas dans des récits individuels, préférant une vue d’ensemble des tragédies.

En revanche, Séverine adopte une approche profondément humaniste et émotionnelle. Elle ne se contente pas de rapporter les faits ; elle les transforme en une expérience vécue pour ses lecteurs. Par exemple, alors que Le Soleil se concentre sur les détails techniques des effets chimiques du grisou, Séverine décrit les cadavres alignés à l’hôpital, plongeant ses lecteurs dans la réalité brutale de la tragédie.

Un journalisme efficace

L’efficacité du journalisme dépend de son objectif. Si l’objectif est d’informer de manière technique et objective, les articles comme ceux de Le Soleil ou La Presse remplissent leur rôle en fournissant des explications détaillées sur les causes et les conséquences du grisou. Cependant, pour éveiller l’empathie et provoquer un changement social, le style de Séverine s’avère bien plus puissant.

Elle donne une voix aux mineurs et à leurs familles, dépeignant leur douleur et leur dignité avec un respect et une compassion qui manquent dans les articles plus techniques. Son approche transforme une tragédie locale en un plaidoyer universel contre les inégalités sociales et les conditions de travail indignes.

Impact émotionnel et politique

L’écriture de Séverine suscite des réactions émotionnelles fortes. Les scènes d’adieu, telles que « Sous la pluie, dans l’ombre, des femmes se tiennent le front appuyé… », capturent la douleur collective et forcent les lecteurs à ressentir l’ampleur de la tragédie.

En même temps, elle dénonce les structures sociales qui perpétuent ces injustices, appelant à une réflexion sur les conditions de vie des ouvriers. En montrant la négligence des patrons et des autorités, elle transforme le récit en un plaidoyer pour la dignité humaine.

Elle conclut l’un de ses articles en appelant à un changement systémique, écrivant : « Ces hommes ne sont pas morts pour rien si nous pouvons tirer des leçons et empêcher que cela ne se répète. » Ce ton militant illustre sa volonté d’utiliser son travail journalistique pour provoquer un changement.

Conclusion

Les écrits de Séverine sur la catastrophe de Saint-Étienne incarnent l’essence du journalisme engagé. Par son style immersif, ses critiques sociales et son appel à l’empathie, elle transcende le simple reportage pour devenir une actrice du changement. Son travail illustre l’importance de donner une voix à ceux qui en sont privés, rappelant que le journalisme peut être un outil puissant de justice sociale.

Citations (sur RetroNews):

  1. Séverine. “Au pays du grisou.” L’Éclair, 9 December 1891.
  2. Séverine. “Au pays du grisou.” L’Éclair, 10 December 1891.
  3. Séverine. “Au pays du grisou.” L’Éclair, 11 December 1891.
  4. Séverine. “Au pays du grisou.” L’Éclair, 12 December 1891.
  5. “La catastrophe de Saint-Étienne.” Le Soleil, 9 December 1891.
  6. “Sécurité dans les mines.” Le Petit Clermontois, 11 December 1891.”Encore une tragédie minière.”
  7. Le Radical, 11 December 1891.”Quelle tristesse!” Le Cri du Peuple, 14 December 1891.

La voix des sans voix: Sévérine et les mineurs

Extraits et Sources

  • 4 Articles originaux de Sévérine publiés dans L’Éclair en décembre 1891 sur la catastrophe de la mine à Saint-Étienne.
  • Articles contemporains consultés via RetroNews, analysant la couverture médiatique du drame et les réactions aux écrits de Sévérine.

Résumé des Points Clés que portera mon analyse:

  • Sévérine : une approche narrative et engagée :
    • Sévérine humanise les victimes et donne une voix aux mineurs et leurs familles.
    • Son style narratif mêle descriptions poignantes et dénonciation implicite des inégalités sociales.
  • Un contraste avec la presse de l’époque :
    • Là où de nombreux articles contemporains se contentaient de rapporter des faits techniques (nombre de morts, causes de l’effondrement), Sévérine offre une lecture socio-politique qui interpelle les lecteurs.
    • Cela la distingue comme une pionnière du journalisme engagé, particulièrement dans le traitement des questions ouvrières.
  • Impact et réactions :
    • Ses articles ont provoqué des débats intenses dans la presse, entre critiques et soutien.
    • Ils ont également attiré l’attention sur les conditions de travail des mineurs, contribuant à alimenter les discussions sur les réformes sociales et politiques à une époque de lutte pour les droits des ouvriers.

Conclusions Provisoires :

  • Sévérine illustre le pouvoir du journalisme engagé pour influencer l’opinion publique et les débats politiques.
  • Son style innovant et sa voix unique restent des exemples frappants de l’impact que peut avoir une plume engagée dans la dénonciation des inégalités sociales.

Le Paulois Engagé: Le Reportage, Arme du Progrès Social

Paris, cette ville où les puissants dictent les règles, où les classes populaires s’efforcent de respirer, a besoin d’un nouveau souffle. Et ce souffle, c’est le reportage. Oui, je parle bien de ce genre journalistique que certains, comme Millaud, méprisent. Mais moi, je vois en lui un outil puissant, une arme de la vérité au service des opprimés, un moyen de dénoncer les injustices écolo-sociales qui gangrènent notre capitale.

Le reportage est la clé pour donner une voix à ceux qui n’en ont jamais eu. Quand je pense aux quartiers ouvriers de Paris, étouffés par les fumées industrielles, je ne peux m’empêcher de penser à tous ces hommes, ces femmes et ces enfants que la société oublie. Qui les écoute? Qui s’en soucie? Certainement pas ces grands écrivains qui, bien à l’abri dans leurs salons bourgeois, écrivent pour une élite. Non, ceux qui s’intéressent au sort de ces familles, ce sont les reporters qui s’aventurent dans les ruelles sombres, qui prennent des notes sur les conditions de vie inhumaines et qui portent ces réalités à la connaissance du public.

Giffard a raison: le reportage est le journalisme du présent et de l’avenir. Il ne se contente pas de raconter des anecdotes amusantes pour divertir quelques lecteurs aisés. Non, il plonge dans la réalité, il capte la misère, l’injustice, la souffrance, et les montre au grand jour. C’est cette vérité que nous devons défendre, c’est cette vérité qui changera les choses. Quand un reporter s’aventure dans une usine, qu’il décrit les vapeurs toxiques que les ouvriers respirent, qu’il montre les enfants malades, il fait plus que du journalisme: il fait un acte politique, il appelle à la justice.

Millaud parle d’un temps où la littérature était reine, où les chroniques avaient “forme et ragoût littéraire”. Mais de quelle utilité est cette beauté littéraire si elle ne sert qu’à orner les étagères des bourgeois? Le reportage, lui, a une utilité concrète: il informe, il alerte, il mobilise. Ce n’est pas seulement une question de style, c’est une question de justice. Je préfère mille fois un article qui décrit la réalité crue d’un quartier populaire, à un texte littéraire, aussi beau soit-il, qui ne parle que des préoccupations que la majorité de la population ne s’identifie pas.

La nouvelle presse que défend Giffard est celle qui va sur le terrain, qui se salit les mains, qui se confronte à la réalité. Elle n’a pas peur de dire les choses telles qu’elles sont, de montrer la laideur du monde quand il le faut. Et c’est précisément cette honnêteté qui permettra de changer les choses. Le reportage est une forme de littérature engagée, une littérature qui agit. Pour moi, le vrai courage n’est pas d’écrire de belles phrases, mais de s’aventurer dans les endroits où personne ne veut aller, de parler aux gens que personne n’écoute, de montrer ce que personne ne veut voir.

Il est facile de critiquer le reportage, de le qualifier de “potin” ou d'”indiscrétion”. Mais ceux qui parlent ainsi n’ont jamais mis les pieds dans les quartiers ouvriers, ils n’ont jamais respiré l’air empoisonné des faubourgs, ils n’ont jamais vu les enfants jouer dans des rues noires de suie. Le reporter, lui, y va. Il y va pour voir, pour comprendre, pour raconter. Et c’est cette honnêteté, cette volonté de montrer la réalité, qui fait du reportage un outil de changement.

Je le dis sans détour: le reportage est l’arme la plus puissante dont dispose le journalisme moderne pour combattre les injustices. Il est le moyen de rendre visible l’invisible, de donner une voix aux sans-voix, de faire entendre le cri de ceux que l’on veut faire taire. Et c’est pour cela que je soutiens le reportage, que je soutiens Giffard, que je me tiens aux côtés de tous ceux qui, plume en main, n’ont pas peur d’affronter la réalité.

Le journalisme n’est pas un simple divertissement, il est un engagement. Et moi, M. Le Paulois Engagé, je continuerai à me battre pour une presse qui défend la justice, qui défend les opprimés, qui ne se contente pas de raconter des histoires mais qui change la réalité. Parce que Paris a besoin de justice, parce que Paris a besoin de vérité, parce que Paris a besoin de reporters.

M. Le Paulois Engagé

Le Paulois Engagé: Paris éttouffé

Ah, Paris ! Ville de promesses et de périls. Dans cette capitale où chaque pierre murmure des rêves, une ombre pesante s’étend sur les trottoirs : celle des cheminées d’usines. On les voit partout désormais, ces colonnes de fumée, dressées comme des griffes de fer qui lacèrent le ciel. Elles portent le sceau du “progrès”, mais à quel prix ?

Les rues qui jadis résonnaient des cris des marchands, des rires des enfants et du pas rapide des artisans sont aujourd’hui envahies par une atmosphère lourde et grise. Dans les quartiers industriels, il ne s’agit plus de trottoirs peuplés de promeneurs élégants ou d’ouvriers joyeux. Non, c’est le royaume des ombres : hommes et femmes aux visages noircis, leurs traits effacés par la fatigue et la suie. Ce sont les serviteurs silencieux des machines modernes, ces monstres insatiables qui dévorent les heures, la santé et même l’espoir.

Voyez-les, ces ouvriers ! La chemise trempée de sueur, le dos courbé, ils sortent à peine des usines que déjà leur souffle est court, leur regard vide. À leur place, nous promenerions-nous dans les rues de Paris avec le même orgueil ? Nous oserions peut-être répondre, comme les bourgeois au balcon : “Tout cela est nécessaire.” Mais que nous enseigne cette “nécessité”? Que la richesse d’un petit nombre doit être bâtie sur la misère des masses ? Que le ciel bleu de notre jeunesse peut se ternir sans regrets ?

Le pire, chers lecteurs, n’est pas ce que l’on voit. C’est ce que l’on respire. Ces fumées âcres, qui semblent flotter au-dessus des toits comme des nuages rebelles, s’immiscent partout. Dans chaque souffle pris par un ouvrier, dans chaque repas partagé par une famille, se cache un poison lent. Les médecins s’alarment, mais leurs voix sont étouffées par le bruit des marteaux et des machines. Les industriels, eux, parlent d’ “innovation” et de “modernité”, détournant les regards des maux qu’ils infligent.

Prenons l’exemple de cette usine pétrochimique récemment installée aux portes de la ville. Sous prétexte de produire des lampes à gaz, elle produit surtout des veuves et des orphelins. Les travailleurs y inhalent des vapeurs toxiques tout en manipulant des substances qu’ils ne comprennent pas, car personne ne leur explique. Pourquoi le ferait-on ? Leur vie vaut-elle le coût d’une précaution ? Apparemment non. Leur existence est comptée en heures d’efforts, non en années de bonheur.

Et les rivières ? Ah, la Seine ! Ce fleuve majestueux, jadis miroir des ponts et des palais, est devenu le réceptacle des eaux usées et des débris industriels. Les poissons meurent, les berges puent, et pourtant, on ferme les yeux. Ce n’est qu’un “dommage collatéral”, dit-on. Les ouvriers, eux, voient cette eau comme leur dernier luxe, leur seul moyen de se rafraîchir après une journée harassante. Mais qu’ils osent y plonger un pied, et c’est leur santé qui en paiera le prix.

Devons-nous accepter cette tyrannie des machines et de leurs maîtres ? Moi, Le Paulois Engagé, je dis non. Non à ce mépris des corps et des âmes. Non à cette destruction insidieuse de la nature qui nous a tous nourris, moi y compris, dans ma jeunesse béarnaise. À Pau, nous respections la terre parce qu’elle nous donnait tout. Ici, à Paris, on la méprise comme si elle était une servante fatiguée.

Alors, que faire ? Peut-être commencer par parler. Par nommer ces injustices qui s’abattent sur les plus faibles. Par écrire, toujours écrire, pour que la fumée ne recouvre pas la vérité. Ce n’est qu’un début, mais un début nécessaire. Car si les ouvriers sont forcés au silence, nous, qui avons encore une plume et une voix, devons hurler pour eux.

Je vous invite, chers lecteurs, à regarder cette ville autrement. Ne voyez pas seulement ses belles avenues, ses lumières éclatantes et ses vitrines luxueuses. Voyez aussi ses ombres, ses poumons noirs et ses rivières souillées. Paris suffoque, et avec elle, ses habitants. Si nous n’agissons pas, bientôt, ce ne sera plus la “Ville Lumière”, mais un tombeau fumant pour les rêves de ses enfants.

Le progrès ne vaut rien s’il coûte l’humanité. Paris doit respirer, et ses ouvriers aussi. Pour cela, il faudra lutter. Et moi, Le Paulois Engagé, je lutterai. Avec ma plume pour arme, je continuerai à dénoncer, pour que le souffle coupé des opprimés devienne un cri qui résonne dans toutes les rues de cette capitale.

À la semaine prochaine, sous une lumière que nous aurons peut-être sauvée.

Le Paulois Engagé

La Commune de Paris

I. Contexte historique de 1871

Pour mieux comprendre la prévalence et l’impact de ce que représentait la Commune pour le peuple parisien, je vous propose une brève chronologie des événements historiques marquants de cette époque:

  1. 26 janvier 1871 – Signature de l’armistice franco-allemand: L’armistice met fin à la guerre franco-prussienne dans la douleur et l’humiliation, imposant à la France des conditions sévères.
  2. 1er mars 1871 – Défilé des troupes prussiennes à Paris: Les soldats prussiens défilent dans la capitale, un événement humiliant qui ravive le mécontentement populaire et la colère des Parisiens.
  3. Mars 1871 – Mesures économiques du gouvernement Thiers: Le gouvernement de Thiers prend des mesures économiques qui appauvrissent encore plus la population parisienne, exacerbant les tensions sociales et nourrissant le ressentiment contre l’autorité.
  4. 18 mars 1871 – Tentative de récupération des canons de Montmartre: Le gouvernement de Thiers envoie l’armée récupérer les canons de Paris, stockés sur la butte Montmartre, mais la population fait barrage et refuse de se soumettre, ce qui marque le début de la révolte.
  5. 26 mars 1871 – Proclamation de la Commune de Paris: Après l’échec de l’armée, les Parisiens organisent des élections, et la Commune est proclamée, composée de républicains, socialistes et anarchistes, tous engagés dans une révolte populaire.
  6. 21 mai 1871 – Entrée des troupes versaillaises dans Paris: Les troupes du gouvernement de Versailles, menées par les généraux Mac Mahon et Galliffet, pénètrent dans la capitale pour écraser les insurgés et rétablir l’ordre.
  7. 21-28 mai 1871 – La “Semaine sanglante”: La répression atteint son apogée avec la “Semaine sanglante”, durant laquelle plus de 20 000 Parisiens sont tués et près de 38 000 sont arrêtés. Les soldats versaillais mènent des exécutions sommaires et des massacres de masse pour écraser toute résistance.
  8. Après le 28 mai 1871 – Répression et exil des communards: Après la chute de la Commune, les autorités versaillaises poursuivent la répression des survivants. Des milliers de communards sont exécutés, emprisonnés ou envoyés en déportation.

II. Jules Vallès

Atelier Nadar, Paris, 1900 – source : Gallica-BnF
  • Né le 10 juin 1832 à Le Puy-en-Velay, dans une famille modeste.
  • Journaliste d’extrême-gauche et républicain, engagé contre le régime impérial de Napoléon III.
  • Publie La Rue et Le Réfractaire à la fin du Second Empire, des journaux où il critique vigoureusement le gouvernement impérial.
  • En février 1871, fonde Le Cri du Peuple, un journal radical qui soutient la révolte de la Commune de Paris.
  • Ses principaux ouvrages: L’Enfant (1879), Le Bachelier (1881) et L’Insurgé (1882)
  • Son style littéraire est marqué par un ton sévère et une dénonciation de l’injustice sociale, notamment des souffrances des classes populaires.

III. Rôle du journalisme de Vallès dans la resistance

1. Instrument de mobilisation et d’unité populaire :

  • Le Cri du Peuple, dirigé par Jules Vallès, joue un rôle crucial dans la mobilisation des masses populaires de Paris, en particulier après la signature de l’armistice avec la Prusse, perçu comme une trahison par une grande partie de la population.
  • Le journal devient un porte-voix des insurgés, un moyen d’expression et de résistance face à la défaite et à l’humiliation subies par la France.
  • Il offre un espace de réflexion et de soutien aux idéaux révolutionnaires, en particulier la lutte pour l’autonomie et la liberté de Paris.

Comment Vallès définit-il le concept de “liberté” et de “révolution” dans ces textes, et quel impact cela a-t-il sur la perception de la Commune à l’époque ?

  • Vallès voit la liberté comme un concept collectif et non individuel. Dans la Commune de Paris, il s’agit de la liberté du peuple, de la masse, des travailleurs et des opprimés.
  • La liberté reside dans la capacité pour un peuple tout entier de s’autodéterminer, de se libérer de l’oppression et d’établir son propre ordre social, politique et économique.

  • Vallès oppose la liberté du peuple révolutionnaire à celle d’une bourgeoisie qui, sous couvert de liberté, opprime les masses populaires
  • Selon lui, la liberté est inséparable de l’égalité sociale et de l’autogestion des classes populaires.

2. Création d’une solidarité et d’un sentiment d’appartenance:

  • Le Cri du Peuple forge une conscience collective parmi les insurgés.
  • Le peuple parisien, représenté comme un tout uni face à l’oppression, trouve dans les pages de ce journal un moyen de s’identifier à la cause de la Commune.

Dans ce passage, l’usage du mot ‘Paris’ sert à désigner un peuple insurgé uni par une expérience commune d’oppression, une population qui lutte ensemble pour une société plus égalitaire.

Y’a t-il des passages que vous avez trouvé qui contribuent à forger un sentiment de solidarité et d’unité parmi les Parisiens pendant la Commune, et en quoi selon vous cette mobilisation a-t-elle renforcé l’idée d’une ‘Paris libre’ ?

3. Un journal de résistance face à la censure :

  • Dans les documents supplémentaires, nous sommes également informés que le journal devient également un symbole de résistance contre la répression exercée par le nouveau gouvernement de Versailles.
  • En effet, Le 11 mars, après 18 numéros, la publication du journal est interdite par le général Vinoy ce qui visiblement apparait comme une tentative de reduire le peuple au silence et l’hostilite du pouvoir versaillais à l’égard de toute forme d’opposition.
  • Pourtant, malgré ces interdictions et cette répression, Le Cri du Peuple persiste en tant qu’instrument de résistance, continuant de dénoncer l’injustice et la tyrannie des autorités versaillaises.
  • Ce journal devient un moyen pour les Parisiens de continuer à s’informer, à se rassembler et à se renforcer moralement face à la violence de la répression.

IV. La Commune: fête nuptiale de l’idée et de la Révolution

Extrait du journal Le Cri du peuple: « La Fête » parue le 30 mars 1871:

« La Commune est proclamée. Elle est sortie de l’urne électorale, triomphante, souveraine et armée […].

La Commune est proclamée. L’artillerie, sur les quais, tonnait ses salves au soleil, qui dorait leur fumée grise sur la place. Derrière les barricades, où se tenait debout une foule : hommes saluant du chapeau, femmes saluant du mouchoir, le défilé triomphal, les canons abaissant leurs gueules de bronze, humbles et paisibles, craignant de menacer cette foule joyeuse […].
 
La Commune est proclamée. C’est aujourd’hui la fête nuptiale de l’idée et de la Révolution. »

Que représente La Commune de Paris (18 mars – 28 mai 1871) pour le peuple?

  • La Commune est une tentative de faire face à la répression et de revendiquer l’autonomie de Paris face à un gouvernement autoritaire
  • La Commune représente une révolution sociale, un projet d’édification d’une société plus juste et plus égalitaire. Elle incarne les idéaux d’un régime naissant qui prônait la redistribution des richesses, l’égalité et la solidarité.
  • La Commune représente un modèle où le peuple pouvait prendre directement part à la gestion de la cité, à travers des assemblées et des élections locales.
  • C’était une forme de gouvernance horizontale, où les décisions étaient prises directement par les citoyens, loin de la centralisation de l’État traditionnel.

Atelier de recherche II

Faits Divers

Première étape

Titre et Date du Journal: Le Petit Parisien, 12 Juillet 1989

Les faits divers de ce journal sont une collection de paragraphes sous le titre de Paris. Ils parlent principalement d’histoires de crime, meurtre, d’escroquerie et de cas de vols.

Seconde étape

Je n’ai pas pu trouver un autre journal parlant du même événement.

Le Paulois Eveillé

Gallica

Je m’appelle Pauline LeBreton et je viens de la charmante ville de Pau. Mon enfance a été riche d’expériences, même si l’on a souvent des préjugés sur ceux qui viennent de la classe ouvrière. En tant qu’aînée d’une famille de cinq enfants, j’ai appris l’importance du partage et du courage dans tout ce que j’entreprends. Une autre valeur qui m’est précieuse est le respect de la nature. Dans le doux climat du sud-ouest de la France, mes sœurs et moi avons eu la chance de profiter d’activités en plein air, célébrant ainsi la beauté et la générosité de notre environnement.

C’est cette passion pour la nature qui m’a poussée à quitter Pau pour Paris. J’ai appris par ma cousine Charlène qu’une nouvelle industrie pétrochimique se développe, causant la souffrance et même la mort de nombreux habitants. Je souhaite m’unir à d’autres jeunes de la région pour dénoncer ces injustices, souvent étouffées par des bourgeois plus soucieux de leurs profits que du bien-être des gens. Nous avons déjà réussi à mobiliser des sponsors prêts à soutenir notre cause, et nous prévoyons de lancer un journal hebdomadaire pour partager nos découvertes et nos actions.

Je choisirai d’écrire sous le pseudonyme de M. Le Paulois Eveillé, car révéler mon vrai nom m’a déjà causé des soucis par le passé. Je pense que cela facilitera la séparation entre ma vie personnelle et professionnelle dans cette grande et nouvelle ville qu’est Paris.