Fausses/représentations : Cheikh Bouamama et l’Algérie dans la presse française, 1881-1908

Qui était Bouamama?

Une rapide recherche en ligne nous apprend que la guerre en Algérie, également connue sous le nom de révolution algérienne, s’est déroulée de 1954 à 1962. Cependant, les Algériens luttaient pour leur indépendance, c’est-à-dire contre le projet colonial français, depuis les années 1830, lorsque la France s’est emparée d’Alger, mettant fin à 300 ans d’existence de l’Algérie en tant que province autonome de l’Empire ottoman.

Ces mouvements de résistance ont été propulsés par des personnalités telles que Cheikh Bouamama ou Shaykh Bu ‘ Amamah, qui était une figure historique, un personnage mystique et un combattant notable de la résistance révolutionnaire algérienne contre la colonisation française. Il est né en 1833 à Figuig, au Maroc, et il est mort en 1908. Il est notamment connu pour avoir dirigé un vaste mouvement de résistance dans le sud-ouest de l’Algérie de 1881 à 1908, en mobilisant et en dirigeant une tribu appelée Awlad Sidi Shaykh.

Il est difficile de trouver des illustrations de Bouamama à son époque. En revanche, voici d’autres illustrations parues dans les journaux français de l’époque, dont celle-ci, datant de 1894, qui glorifie les chemins de fer en Algérie mis en place par les Français de l’époque afin d’étendre le projet colonial.

Dans ce projet de recherche, j’utiliserai des sources telles que Britannica et BBC pour obtenir des informations historiques, des dates et des calendriers sur la période coloniale française en Algérie, et RetroNews pour examiner les sources primaires et la rédaction des journaux français à l’époque de Bouamama en Algérie. Je vais me concentrer sur deux questions principales : que disaient les journaux français sur Cheikh Bouamama pendant qu’il était au pouvoir, et comment cela a-t-il pu influencer l’opinion publique française sur l’Algérie à l’époque ?

À partir de ces questions principales, d’autres idées vont émerger en relation avec les différentes positions adoptées par les journalistes français quand ils représentent l’Algérie dans les journaux. La façon dont les gens sont représentés dans les médias est importante aujourd’hui, et cela a toujours été le cas. Grâce à une étude de la représentation, nous pouvons voir où la politique, le pouvoir et la presse se croisent, et les articles sur Cheikh Bouamama seront un reflet de la fausse représentation et des injustices brutales dans le cadre du projet colonial français en Algérie au sens large.

Algériens devant une habitation, photo de Jean Geiser, 1880-1890 – source : Gallica-BnF

Informations historiques :

Le premier affrontement militaire entre Cheikh Bouamama et les forces françaises a lieu à Sfissifa le 27 avril 1881. Il s’est conclu par la défaite de l’armée française, même s’il y a eu des morts et des blessés de part à d’autre.

Citations de journaux français


Le fameux Bou-Amama, dont la presse opposante a fait une sorte de prophète et de chef militaire capable de renouveler contre nous les exploits d’Abd-el-Kader, n’a point les moyens d’action nécessaires, ni même l’ambition assez haute pour remplir ce rôle.

(La Situation en Algérie, La Petite Gironde, 1 Septembre 1881). 

La guerre que nous fait Bou-Amama a bien plutôt le caractère d’une expédition de pillards que celui d’une insurrection véritable, et jusqu’à présent on peut même dire qu’il n’a réussi à réunir autour de lui aucune tribu importante.

(La Situation en Algérie, La Petite Gironde, 1 Septembre 1881).

Analyse : nous pouvons voir que de nombreux journalistes et politiciens français n’ont pas prédit ou compris les capacités de Bouamama et son pouvoir d’organisation.


C’est que les rebelles ne se battent aujourd’hui que pour les vivres, ou plutôt pour vivre.

(Guy de Maupassant, Le Gaulois, 26 juillet 1881)

On les a chassés de chez eux sous prétexte de sécurité; on les a poussés à bout et affamés. Ils sont partis vers le désert avec leurs trois mille chameaux. Puis de là ils ont écrit pour demander l’aman, arguant qu’ils ne s’étaient pas révoltés, qu’ils n’avaient commis aucune action contraire à nos lois, qu’ils demeuraient nos sujets dévoués, mais demandant à rentrer chez eux, refusant de mourir de faim, réclamant simplement ce qui est un droit pour tous, la vie. Et, même ici, on leur donne raison. Je sais des militaires, des hommes énergiques mais sages, qui m’ont dit: “Ils ont raison, ces gens, mille fois raison.” Et, si le gouvernement ne cède pas, voici quelques centaines de cavaliers de plus pour suivre Bou-Amama et piller nos convois de vivres.

(Guy de Maupassant, Le Gaulois, 26 juillet 1881)

Analyse : Il est intéressant de lire les chroniques de Maupassant datant de son séjour en Algérie, parce qu’il a le ton et les origines du colonisateur, et pourtant il y a des moments d’empathie dans ses écrits. La lecture est parfois étrange, car il qualifie les Algériens de « sujets dévoués » aux Français et utilise d’autres termes dégradants, mais il défend aussi leur droit de vivre, d’être nourris, d’avoir un maison.


Depuis quelque temps, l’opinion publique, en France, avait un peu délaissé la question du Sud oranais pour ne plus s’occuper que de la question tunisienne. Il ne restait plus chez nous, en dépit des émotions de la première heure, qu’un assez vague souvenir des massacres d’Espagnols commis à Saïda par le marabout Bou-Amama et les bandes d’indigènes qu’il avait fanatisées, des déprédations auxquelles il s’était livré, des meurtres d’officiers et de soldats isolés, de la confusion qui régna au début dans la répression de ces brigandages.

(La Petite Gironde, 9 avril 1882).

Analyse: L’opinion publique française s’est rapidement désintéressée de l’Algérie. Le public français est clairement influencé par le projet colonial de son pays, notamment parce que les journalistes écrivent sur les pays d’Afrique du Nord comme s’il s’agissait de modes de vêtements. Ils se fatiguent d’entendre parler de l’Algérie et discutent alors de la Tunisie. En outre, les journalistes décrivent Bouamama comme un homme faible et confus, ce qui contraste avec les batailles intenses qui ont eu lieu, au cours desquelles Bouamama a mené et les Algériens ont gagné. 


Reportage posthume sur Bouamama :

Analyse : Le même titre concis annonçant la mort de Bouamama aux lecteurs français a été reproduit à des dizaines d’exemplaires. Ce sont des copies les unes des autres, qui disent toutes la même chose, en insistant sur des termes comme « assassinat », « agitateur grossier », « révolte dangereuse », « déprédations de toutes sortes ». Le terme « l’homme au turban » est toujours utilisé, c’est-à-dire l’homme différent. On cherche à le faire passer pour un « autre », un ennemi.

Ils le décrivent comme « toujours hostile à la France ». «Il se réfugia sur le territoire marocain, où, dès lors, il vécut, toujours hostile à la France, cherchant toutes les occasions de nous nuire et appuyant de son autorité, comme par exemple à Ber-Rechid, les entreprises qui étaient dirigées contre nous. »

« Contre nous ». Dans les journaux français, il y a toujours cette rhétorique de l’altérité contre les pays nord-africains, en particulier le Maroc et l’Algérie. Nous et eux. Nous contre eux. Est-ce que la distance est irrémédiable? La France a changé cette relation pour toujours quand ils ont colonisé l’Algérie pendant des années sanglantes, brutes, et injustifiées. Ces écrits nécrologiques après la mort de Bouamama montre comment les phrases et le terminologie créent les histoires variées et préjuger, ce qui dépend sur l’auteur… on écrit ce qu’on veut croire. En France, même aujourd’hui, on veut oublier l’histoire de douleur, des souffrances qu’on a directement facilité pour des millions de personnes. Comment compter avec ces faits… et comment les personnes au pouvoir—comme les français et les journalistes—d’aujourd’hui peuvent reconnaître leur rôle et faire des efforts contre la perpétuation des préjugés et des divisions qui nous séparent et nous fracturent? 

À ce moment dans l’histoire, je crois que nous sommes obligées de parler des injustices qui ont passées, et de comprendre qu’ils continuent même maintenant. Il faut ouvrir nos yeux et voir les perspectives différentes—les perspectives des peuples qui ont volé de leur pouvoir et humanité et qui souffrent des conséquences infinis à cause de ces colonisateurs. Mais je ne veux pas dire que Bouamama et ses contemporains étaient les victimes—non, ils étaient les révolutionnaires, les humains imparfaits comme nous qui voulait se protéger ; protéger la culture, la communauté, le pays, la terre, et la vie. Les journaux français ont joué un rôle profond dans le perpétuité et représentation du colonialisme Français en Algérie. J’espère que ce portrait de Cheikh Bouamama à travers le regard des journalistes français contribue à une petite partie de cette histoire douloureuse et forte. Il y a toujours des motivations sous les lignes des écrits journalistiques. 

On écrit ce que l’on veut croire.

Fausses/représentations : Cheikh Bouamama et l’Algérie dans la presse française, 1881-1908

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By Habib kaki – Own work, CC0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=58209681
Film: L’Épopée du Cheikh Bouamama, dir. Benamar Bakhti, 1985

La révolution algérienne

  • S’est déroulée de 1954 à 1962
  • Cependant, les Algériens luttaient pour leur indépendance, c’est-à-dire contre le projet colonial français, depuis les années 1830, lorsque la France s’est emparée d’Alger, mettant fin à 300 ans d’existence de l’Algérie en tant que province autonome de l’Empire ottoman.

Qui est Cheikh Bouamama?

  • Ces mouvements de résistance ont été propulsés par des personnalités telles que Cheikh Bouamama, qui était une figure historique, un personnage mystique et un combattant notable de la résistance révolutionnaire algérienne contre la colonisation française.
  • Il est né en 1833 à Figuig, au Maroc, et il est mort en 1908.
  • Il est notamment connu pour avoir dirigé un vaste mouvement de résistance dans le sud-ouest de l’Algérie de 1881 à 1908, en mobilisant et en dirigeant une tribu appelée Awlad Sidi Shaykh.

Questions de recherche

  • Que disaient les journaux français sur Cheikh Bouamama pendant qu’il était au pouvoir…
  • …et comment cela a-t-il pu influencer l’opinion publique française sur l’Algérie à l’époque ?

Quelques extraits de recherche


Analyse : nous pouvons voir que de nombreux journalistes et politiciens français n’ont pas prédit ou compris les capacités de Bouamama et son pouvoir d’organisation.

“C’est que les rebelles ne se battent aujourd’hui que pour les vivres, ou plutôt pour vivre.”

(Guy de Maupassant, Le Gaulois, 26 juillet 1881)

Analyse: Il est intéressant de lire les chroniques de Maupassant datant de son séjour en Algérie, parce qu’il a le ton et les origines du colonisateur, et pourtant il y a des moments d’empathie dans ses écrits. La lecture est parfois étrange, car il qualifie les Algériens de « sujets dévoués » aux Français et utilise d’autres termes dégradants, mais il défend aussi leur droit de vivre, d’être nourris, d’avoir un maison.

Conclusion : Ceci n’est qu’un extrait de textes concernant Bouamama à l’époque de son leadership et de sa révolution. Les représentations de l’Algérie dans la presse française sont pleines de contradictions et de désinformation. Il est intéressant de l’observer d’un point de vue extérieur et de voir à quel point la plupart des Français étaient biaisés par rapport à la révolution algérienne parce qu’ils ne pouvaient lire que des informations venant de sources d’information françaises. Ce processus se perpétue aujourd’hui avec l’actualité, et je me sens poussée à remettre en question mes propres préjugés et à développer mes sources d’information.

Geneviève de Carcassonne: Réveillez-vous

Il est temps de vous réveiller et de réaliser que les hommes se servent de vous, et il est temps de les repousser. Au cours de mes voyages sur la terre, j’ai rencontré des dizaines d’hommes, tantôt voraces, tantôt aimants comme des chiots, tantôt mystérieux, assurés, timides. Je suis sortie avec des hommes riches et pauvres, communistes et monarchistes, jeunes et vieux. Mais je ne leur donne jamais ce qu’ils veulent, c’est-à-dire que je ne leur donne jamais de véritable pouvoir sur moi. Bien sûr, nous pouvons nous amuser ensemble, mais je n’abandonnerai pas le reste de ma vie pour un homme, et je ne le laisserai pas voler mon temps, mon argent et mon énergie. Ne l’oubliez pas. Mais quand je dis cela, je ne veux pas dire que nous devons aimer comme si nous étions des hommes, c’est-à-dire aimer avec avidité et avec de grandes attentes. Gardons notre empathie, notre compassion et nos charmes, quels qu’ils soient, mais souvenons-nous de ne donner, vraiment donner, que quand ils ont montré qu’ils étaient dignes de confiance. Autrement dit : lorsqu’il a sacrifié des choses pour vous, qu’il a consacré du temps et de l’énergie à vous, et qu’il a montré qu’il ne vous volerait pas.

Avez-vous déjà lu « Bel-Ami » de Guy de Maupassant ? Il m’a coupé le souffle. C’est cru, oui, et dérangeant, mais n’est-ce pas là le but ? Dans Le Gaulois, M. Quisait se plaint : « Quelle société ! Bons dieux ! Quel milieu ! Quel monde ! » Oui, quel monde, et c’est bien là le problème. Nous devons nous interroger sur le monde dans lequel nous vivons et sur la façon dont les hommes utilisent les femmes. Ils nous mâchent et nous rejettent, et le fait que Maupassant le souligne en décrivant Bel-Ami comme un serpent subtilement complice est une bonne chose. Cela montre que les écrivains s’éveillent à la ruse des hommes, et même si j’aimerais qu’un livre connaissant un tel succès soit écrit par une femme, je pense qu’il s’agit d’une histoire qui doit être racontée. M. Quisait est furieux que « Bel-Ami n’ait jamais connu ni remords, ni repentir, ni même le regret… » Il poursuit : « Il a beaucoup de talent, M. de Maupassant ; mais son Bel-Ami est bien répugnant, et, dût-on me trouver bien arriéré, j’aimerais mieux le voir choisir des sujets plus propres. » Oui, Bel-Ami est répugnant, mais Maupassant a créé un personnage qui n’est pas seulement fictif, mais qui représente les hommes de Paris et du monde d’aujourd’hui.

Nous devrions considérer le discours de Norbert de Varenne, qui dit que « vivre enfin, c’est mourir ». Nous pourrions prendre cela à notre manière : ne pas vivre une vie vide, mais s’aimer avec soin, et nourrir nos amitiés et nos amours avec douceur. Nous ne devons jamais devenir comme Clotilde, qui paie pour qu’un jeune homme libertin vive, alors qu’il séduit d’autres femmes. Aujourd’hui, je me promenais dans le parc des Buttes Chaumont et j’ai été frappée par la solidarité des femmes, la façon dont elles aident les autres quand l’une d’entre elles laisse tomber son écharpe, ou la façon dont elles s’accrochent fermement aux bras des autres, ancrées au milieu de la tempête de la ville. Même si j’aime m’amuser avec les hommes, je veux que mes lectrices se souviennent d’elles-mêmes. Rappelez-vous que tout ce dont vous avez besoin est en vous et que vous avez du pouvoir, même si vous n’en avez pas toujours l’impression. Je soutiens le récit cinglant de Maupassant sur le jeune Bel-Ami, qui pourrait être n’importe quel bel homme que nous connaissons, jeune, manipulateur et charismatique. Nous devons nous faire confiance et faire confiance à nos sœurs, et profiter du pouvoir de la curiosité, de l’aventure et de la joie de vivre sans trop nous trahir. C’est la leçon que j’ai tirée du nouveau roman, ou plutôt de la non-fiction, « Bel-Ami ».

Atelier V: Josie et Hannah

Le journal: Le Figaro. Titre de la rubrique: Échos de Paris – La Politique. Le pseudonyme qui signe: F.M.

Un autre pseudonyme: le masque de fer.

Nos impressions: on parle beaucoup de gens de politique (la ministre de la justice, l’académie française, l’ambassadeur). Aussi on parle des mariages, mais toujours entre les gens ‘importants’ ou célèbre (un prince par exemple). On parle d’une grève, les prix — les personnes qui gagnent les prix.

Geneviève de Carcassonne: Une belle femme sans amant

« La Presse. Le Journaliste ». En tant que femme écrivant dans un monde dominé par les hommes, je suis ici pour dire que je suis une femme, que je suis un écrivain, et que je vais devenir de plus en plus audacieuse avec les développements modernes de la société. Je n’attendrai pas que les choses changent, je suis le changement. En tant que défenseur du modernisme, du mouvement et de la croissance dans un sens gauchiste, je suis la candidate idéale pour apprécier la position futuriste de Monsieur Pierre Giffard sur le reportage. Cependant, je ne suis pas intéressé par « les chemins de fer, les télégraphes et les téléphones » qui, comme Giffard nous le rappelle, ont transformé le monde. De plus, je ne suis pas intéressé par une forme scientifique, formelle et sans passion de faux journalisme déguisé sous le pseudonyme de « Monsieur Reportage ». Oui, j’apprécie la facilité. Mais je refuse de sacrifier l’amour, le soin et l’inventivité de mon travail. La lettre d’amour à l’écriture désordonnée, l’enveloppe fermée par un baiser rouge, sont devenues le télégraphe stérile d’un jeune homme à son amante. L’odeur des fleurs qui s’épanouissent lors d’une promenade dans Paris est devenue l’odeur de la pisse et de la fumée des chemins de fer. Je veux la liberté politique, j’aime le progrès et la justice, mais dans ce débat, je suppose que Geneviève de Carcassonne prend la forme d’une vieille dame grincheuse.

Si nous continuons à défendre et à accepter le reportage, nous ne ferons que contribuer à la nouvelle ère de la littérature industrielle, qui empoisonne notre société et vide ce monde de toute trace d’imagination. Je suis une personne positive, passionnée et joyeuse, et je recule devant la progression de ce petit enfant faible et affamé qu’est le monde de la vraie littérature à l’heure présente. Merci, Millaud, pour votre résumé éloquent et concis : « Le journalisme à tué la littérature et le reportage est en train de tuer le journalisme ». Nous ne devons pas prendre la forme de Médée et tuer notre fille. Nous ne devons pas non plus l’oublier ou la laisser derrière nous. Le reportage est une déclaration sans opinion, sans commentaire. C’est une belle femme sans amant, une bouteille de vin avec un trou au fond, un radis sans beurre, un vieil homme qui marche sans son écharpe par une froide nuit d’hiver. 

Où est le feu ? Où est l’amour ? Je propose un challenge à tous mes lecteurs, mais surtout aux femmes : prenez un cahier. Quittez la maison. Quittez vos enfants, votre mari, tout. Dites que vous faites les courses s’il le faut. Allez marcher le plus longtemps possible dans Paris. Souriez à ceux que vous voyez, engagez la conversation. Regardez avec vos yeux, mais aussi avec vos autres sens. Pensez à ce que vous sentez, à la sensation de l’air sur vos joues, à la sensation des pavés sous vos pieds. Notez tout cela et précisez vos descriptions. Si vous remarquez quelqu’un d’intéressant, de charmant ou un peu bizarre, parlez avec lui, posez des questions. Notez ce que la personne dit. Mais ici, mes amis, allez plus loin. Écrivez ce que vous pensez de ce qu’ils disent, et écrivez pourquoi ils l’ont dit. 

Quel est le contexte ? Pourquoi les gens sont-ils comme ils sont ? Tout le monde peut être chroniqueur, à condition de pousser son esprit jusqu’à la réflexion, jusqu’à l’attention véritable. Le reportage est construit sur une rhétorique du mensonge. La vérité ne se trouve que quand nous regardons au-delà de la surface, quand nous nous interrogeons et écrivons non seulement pour divertir mais aussi pour comprendre, et pour nourrir nos imaginations et nos âmes. Je suis d’accord avec Millaud sur sa position contre le reportage, et j’espère que chacun de mes chers lecteurs va créer ses propres histoires face à cette sécheresse de la vraie littérature. Je reviendrai la semaine prochaine avec une autre chronique animée – la prochaine fois, je vous assure que je redeviendrai coquin, indulgent et joyeux. Pour l’instant, mes amis, je vous remercie d’avoir lu une autre chronique de Geneviève de Carcassonne.

Atelier IV

Cette article est dans le première page de Le Gaulois, le 11 Mai 1886. Il s’agit d’un article plus long qui utilise plusieurs colonnes. l’auteur défend l’idée que le reportage est révolutionnaire et qu’il s’agit d’une bonne chose. Il dit que le reportage “a opéré une révolution comparable à l’influence exercée par l’école du plein air dans la peinture.” Il dit que “le reportage a implanté l’amour et l’étude des réalités dans le journalisme.”

Maupassant et l’Algérie

Guy de Maupassant

Je ne vais pas parler de la vie entière de Maupassant, car je suis sûre que nous l’aurons vu dans l’exposé de Mary Virginia lundi. Nous commencerons donc directement par Maupassant et l’Algérie.

l’Algérie

Il a été envoyé en Algérie comme correspondant pour le journal Le Gaulois pendant l’été de 1881, où il écrit une série d’articles critiquant la colonisation française de l’Algérie.

 « Alger à vol d’oiseau », Le Gaulois, 17 juillet 1881

  • Il a d’abord écrit ces lettres sous un pseudonyme, « Un colon »
  • Il est audacieux et critique sévèrement la colonisation en Algérie

Il encourage les Français à se préoccuper de la situation des Algériens :

Les bêtises, énormes à première vue, débitées par les phraseurs avocats attitrés de notre colonie ; le point de vue étroit, patriotique si l’on veut, mais odieusement inhumain où ils se placent, donnent un désir ardent de tenter de comprendre quelque chose à cette situation unique au monde des populations algériennes.

Pensez-vous que Maupassant devrait être permis à écrire sur ce sujet en tant que non-algérien?

Quel est l’effet d’un homme blanc français écrivant sur l’Algérie de cette manière pour son public français ?

Intermède pour l’actualité :

En ce moment, par exemple, toute l’attention se porte vers Géryville, Saïda et autres lieux que fréquente en ses promenades inattendues le vagabond Bou-Amama.

  • Cheikh Bouamama a mené une résistance populaire contre l’occupation française en Algérie de 1881 à 1908. Il est devenu un cheikh, un chef religieux et un guerrier mystique. Sa résistance était une combinaison d’actions religieuses et politiques, dans le but d’arrêter l’expansion coloniale française dans le sud de l’Oranie. Sa résistance a été l’une des plus longues et des plus importantes révoltes contre le colonialisme français en Algérie. 

Pensez-vous que Maupassant était révolutionnaire et anticolonialiste, ou qu’il était critique à propos du colonialisme français en Algérie ? Quelle est la différence ?

En traversant l’Algérie, province par province, je m’efforcerai de saisir, si c’est possible, la situation exacte où se trouvent le colon et l’indigène.

C’est nous qui avons l’air de barbares au milieu de ces barbares, brutes il est vrai, mais qui sont chez eux et auxquels les siècles ont appris des coutumes dont nous semblons n’avoir pas encore compris le sens. Napoléon III a dit un mot (peut-être soufflé par un ministre) : — « Ce qu’il faut à l’Algérie, ce n’est pas des conquérants, mais des initiateurs. » — Nous sommes restés des conquérants brutaux, maladroits, infatués de nos idées toutes faites. Nos mœurs imposées, nos maisons parisiennes, nos usages choquent sous ce ciel comme des fautes grossières d’art, de sagesse et de compréhension. Tout ce que nous faisons semble un contresens, un défi à ce pays, non pas tant à ses habitants qu’à la terre elle-même.

Quels sont les mots qu’il utilise pour décrire le peuple algérien et le pays ? Comment certains de ces mots sont-ils problématiques ?

Des gueux innombrables, vêtus d’une simple chemise ou de deux tapis cousus en forme de chasuble, ou d’un vieux sac percé de trous pour la tête et les bras, toujours nu-jambes et nu-pieds vont, viennent, s’injurient, se battent, vermineux, loqueteux, barbouillés de fange et puant la bête.

Maupassant parle de la mauvaise odeur des Algériens, ce qui évoque une scène du film Parasite où le père riche se plaint des domestiques de sa maison :

Ils sentent tous la même odeur. 

En décrivant les Algériens, Maupassant a renforcé les tropes problématiques concernant une nation entière. En même temps, ses écrits ont révélé l’horreur et le mal de la colonisation française, ce qui était extrêmement rare pour un écrivain français à l’époque.

Dans « Bel-Ami », comment Maupassant se critique-t-il lui-même à travers le personnage de Duroy dans le chapitre 3 ?

Il murmura, en hésitant : –Voilà… mais vraiment… je n’ose pas… C’est que j’ai travaillé hier soir très tard… et ce matin… très tôt… pour faire cet article sur l’Algérie que M. Walter m’a demandé… et je n’arrive à rien de bon… j’ai déchiré tous mes essais… Je n’ai pas l’habitude de ce travail-là, moi ; et je venais demander à Forestier de m’aider… pour une fois…

p. 82

Geneviève de Carcassonne: La Reine de la Rue Mouffetard

À mes chers lecteurs,

Je ne vous écris pas depuis les sources d’eau chaude d’Islande, le désert du Maroc ou les marchés du Liban, mais depuis une rue de Paris qui représente un vaste éventail de goûts, de sons, d’odeurs et de sensation. Cette rue, c’est la mouffe, ou pour mes lecteurs étrangers – et par étrangers, j’entends non parisiens, et par non parisiens, je veux dire malchanceux – la rue Mouffetard. Cette rue du 5ème existe depuis que les Romains étaient là, il y a près de 2000 ans, et je les imagine occupés sur les pavés. Et me voilà, flânant sur la colline Sainte-Geneviève, me sentant la reine du monde, ou du moins la reine des patrons de la mouffe. 

Ah Place Monge, pourquoi me narguer avec vos vins chers ? Le vigneron, avec sa cape couleur de minuit et ses yeux verts étincelants, crie comme un faucon :

«Femme ravissante, goûte ce cabernet sauvignon, je t’en supplie ! »

« Chéri, il est seulement l’heure de déjeuner, essaie plus tard,» je rigole, mais il m’attrape par le bras, m’attire à lui et me verse dans le gosier un verre du plus somptueux des vins rubis. Mais alors, le voyage doit continuer, j’ai une petite chronique à faire pour mes adorables lecteurs, et elle ne peut pas s’arrêter au vigneron.

Je continue à remonter la rue étroite, et l’odeur incroyablement piquante des fromages envahit mes sens. J’ai l’impression d’être dans un champ fleuri de toutes sortes de fleurs sauvages. Si le vendeur de vin pensait avoir la meilleure chance, il ne sait pas que le marchand de fromage a bien plus de chances de gagner mon cœur, même s’il est petit, jovial et rose comme une tomate trop mûre. 

« Fromage de chèvre infusé à la lavande pour la bella donna, » s’exclame-t-il en plaçant dans ma main tendue un épais morceau de fromage crémeux sur une brochette.

J’ai les genoux qui tremblent à l’idée de manger ce fromage corsé qui embaume la rue et nous bénit tous. Les chèvres doivent manger l’herbe la plus fine de toute la France pour produire un tel nectar. 

Je continue. Le fruitier, avec son stand à quatre roues et son pantalon en lambeaux, tire sur ma jupe. C’est le mercredi des cendres ? Non, ce n’est qu’un peu de terre de la ferme sur son front. 

Sa bouche est cousue de timidité. « Oui, mon cher ? » Je lui demande.

Il me regarde comme un chiot.  « Madame veut-elle goûter une figue ? »

Au moment où il me tend une figue massive, l’apiculteur, grand et fort, dépose une cuillerée de miel doré sur le fruit, en me faisant un clin d’œil.

Je ne peux pas m’en empêcher. Je demande : « Monsieur, vos bras sont-ils couverts de piqûres d’abeilles ou êtes-vous simplement incroyablement fort ? »

Il devient rouge vif et les coins de sa bouche se retroussent, mais sa femme, la fabricante de bougies, s’avance vers nous, l’air de vouloir me verser de la cire chaude sur la tête. 

« Bon après-midi, alors, » je crie joyeusement, mes bottes brillantes claquant sur la route pavée et vers de nouveaux délices. Il y aura des foulards de soie de toutes les couleurs, des parfums à essayer, des crêpes à dévorer, du tabac à goûter et bien d’autres personnes intéressantes à rencontrer au cours de ce voyage.

À mes chers lecteurs : citoyens du monde, bohèmes, intellectuels, hommes et femmes, chats et chiens… Je vous exhorte à sortir et à vous pavaner dans les rues de Paris, en particulier sur les marchés. Il y a tant de personnages fascinants à rencontrer, et nous pouvons apprendre beaucoup les uns des autres. Plus important encore, nous pouvons rapprocher nos classes et nos identités en cultivant le sens de l’amusement, du plaisir et de la joie. Je quitte la rue Mouffetard en sentant l’odeur d’un saloon, d’un champ de chèvres, d’un vignoble, d’une ruche. Je suis plus léger et j’ai le ventre plein. Maintenant, il est temps de me détendre dans mon appartement et de lire les derniers écrits de Delphine de Girardin, ma chère amie. 

Bisous,

Geneviève de Carcassonne