Atelier V: Josie et Hannah

Le journal: Le Figaro. Titre de la rubrique: Échos de Paris – La Politique. Le pseudonyme qui signe: F.M.

Un autre pseudonyme: le masque de fer.

Nos impressions: on parle beaucoup de gens de politique (la ministre de la justice, l’académie française, l’ambassadeur). Aussi on parle des mariages, mais toujours entre les gens ‘importants’ ou célèbre (un prince par exemple). On parle d’une grève, les prix — les personnes qui gagnent les prix.

Geneviève de Carcassonne: Une belle femme sans amant

« La Presse. Le Journaliste ». En tant que femme écrivant dans un monde dominé par les hommes, je suis ici pour dire que je suis une femme, que je suis un écrivain, et que je vais devenir de plus en plus audacieuse avec les développements modernes de la société. Je n’attendrai pas que les choses changent, je suis le changement. En tant que défenseur du modernisme, du mouvement et de la croissance dans un sens gauchiste, je suis la candidate idéale pour apprécier la position futuriste de Monsieur Pierre Giffard sur le reportage. Cependant, je ne suis pas intéressé par « les chemins de fer, les télégraphes et les téléphones » qui, comme Giffard nous le rappelle, ont transformé le monde. De plus, je ne suis pas intéressé par une forme scientifique, formelle et sans passion de faux journalisme déguisé sous le pseudonyme de « Monsieur Reportage ». Oui, j’apprécie la facilité. Mais je refuse de sacrifier l’amour, le soin et l’inventivité de mon travail. La lettre d’amour à l’écriture désordonnée, l’enveloppe fermée par un baiser rouge, sont devenues le télégraphe stérile d’un jeune homme à son amante. L’odeur des fleurs qui s’épanouissent lors d’une promenade dans Paris est devenue l’odeur de la pisse et de la fumée des chemins de fer. Je veux la liberté politique, j’aime le progrès et la justice, mais dans ce débat, je suppose que Geneviève de Carcassonne prend la forme d’une vieille dame grincheuse.

Si nous continuons à défendre et à accepter le reportage, nous ne ferons que contribuer à la nouvelle ère de la littérature industrielle, qui empoisonne notre société et vide ce monde de toute trace d’imagination. Je suis une personne positive, passionnée et joyeuse, et je recule devant la progression de ce petit enfant faible et affamé qu’est le monde de la vraie littérature à l’heure présente. Merci, Millaud, pour votre résumé éloquent et concis : « Le journalisme à tué la littérature et le reportage est en train de tuer le journalisme ». Nous ne devons pas prendre la forme de Médée et tuer notre fille. Nous ne devons pas non plus l’oublier ou la laisser derrière nous. Le reportage est une déclaration sans opinion, sans commentaire. C’est une belle femme sans amant, une bouteille de vin avec un trou au fond, un radis sans beurre, un vieil homme qui marche sans son écharpe par une froide nuit d’hiver. 

Où est le feu ? Où est l’amour ? Je propose un challenge à tous mes lecteurs, mais surtout aux femmes : prenez un cahier. Quittez la maison. Quittez vos enfants, votre mari, tout. Dites que vous faites les courses s’il le faut. Allez marcher le plus longtemps possible dans Paris. Souriez à ceux que vous voyez, engagez la conversation. Regardez avec vos yeux, mais aussi avec vos autres sens. Pensez à ce que vous sentez, à la sensation de l’air sur vos joues, à la sensation des pavés sous vos pieds. Notez tout cela et précisez vos descriptions. Si vous remarquez quelqu’un d’intéressant, de charmant ou un peu bizarre, parlez avec lui, posez des questions. Notez ce que la personne dit. Mais ici, mes amis, allez plus loin. Écrivez ce que vous pensez de ce qu’ils disent, et écrivez pourquoi ils l’ont dit. 

Quel est le contexte ? Pourquoi les gens sont-ils comme ils sont ? Tout le monde peut être chroniqueur, à condition de pousser son esprit jusqu’à la réflexion, jusqu’à l’attention véritable. Le reportage est construit sur une rhétorique du mensonge. La vérité ne se trouve que quand nous regardons au-delà de la surface, quand nous nous interrogeons et écrivons non seulement pour divertir mais aussi pour comprendre, et pour nourrir nos imaginations et nos âmes. Je suis d’accord avec Millaud sur sa position contre le reportage, et j’espère que chacun de mes chers lecteurs va créer ses propres histoires face à cette sécheresse de la vraie littérature. Je reviendrai la semaine prochaine avec une autre chronique animée – la prochaine fois, je vous assure que je redeviendrai coquin, indulgent et joyeux. Pour l’instant, mes amis, je vous remercie d’avoir lu une autre chronique de Geneviève de Carcassonne.

Atelier IV

Cette article est dans le première page de Le Gaulois, le 11 Mai 1886. Il s’agit d’un article plus long qui utilise plusieurs colonnes. l’auteur défend l’idée que le reportage est révolutionnaire et qu’il s’agit d’une bonne chose. Il dit que le reportage “a opéré une révolution comparable à l’influence exercée par l’école du plein air dans la peinture.” Il dit que “le reportage a implanté l’amour et l’étude des réalités dans le journalisme.”

Maupassant et l’Algérie

Guy de Maupassant

Je ne vais pas parler de la vie entière de Maupassant, car je suis sûre que nous l’aurons vu dans l’exposé de Mary Virginia lundi. Nous commencerons donc directement par Maupassant et l’Algérie.

l’Algérie

Il a été envoyé en Algérie comme correspondant pour le journal Le Gaulois pendant l’été de 1881, où il écrit une série d’articles critiquant la colonisation française de l’Algérie.

 « Alger à vol d’oiseau », Le Gaulois, 17 juillet 1881

  • Il a d’abord écrit ces lettres sous un pseudonyme, « Un colon »
  • Il est audacieux et critique sévèrement la colonisation en Algérie

Il encourage les Français à se préoccuper de la situation des Algériens :

Les bêtises, énormes à première vue, débitées par les phraseurs avocats attitrés de notre colonie ; le point de vue étroit, patriotique si l’on veut, mais odieusement inhumain où ils se placent, donnent un désir ardent de tenter de comprendre quelque chose à cette situation unique au monde des populations algériennes.

Pensez-vous que Maupassant devrait être permis à écrire sur ce sujet en tant que non-algérien?

Quel est l’effet d’un homme blanc français écrivant sur l’Algérie de cette manière pour son public français ?

Intermède pour l’actualité :

En ce moment, par exemple, toute l’attention se porte vers Géryville, Saïda et autres lieux que fréquente en ses promenades inattendues le vagabond Bou-Amama.

  • Cheikh Bouamama a mené une résistance populaire contre l’occupation française en Algérie de 1881 à 1908. Il est devenu un cheikh, un chef religieux et un guerrier mystique. Sa résistance était une combinaison d’actions religieuses et politiques, dans le but d’arrêter l’expansion coloniale française dans le sud de l’Oranie. Sa résistance a été l’une des plus longues et des plus importantes révoltes contre le colonialisme français en Algérie. 

Pensez-vous que Maupassant était révolutionnaire et anticolonialiste, ou qu’il était critique à propos du colonialisme français en Algérie ? Quelle est la différence ?

En traversant l’Algérie, province par province, je m’efforcerai de saisir, si c’est possible, la situation exacte où se trouvent le colon et l’indigène.

C’est nous qui avons l’air de barbares au milieu de ces barbares, brutes il est vrai, mais qui sont chez eux et auxquels les siècles ont appris des coutumes dont nous semblons n’avoir pas encore compris le sens. Napoléon III a dit un mot (peut-être soufflé par un ministre) : — « Ce qu’il faut à l’Algérie, ce n’est pas des conquérants, mais des initiateurs. » — Nous sommes restés des conquérants brutaux, maladroits, infatués de nos idées toutes faites. Nos mœurs imposées, nos maisons parisiennes, nos usages choquent sous ce ciel comme des fautes grossières d’art, de sagesse et de compréhension. Tout ce que nous faisons semble un contresens, un défi à ce pays, non pas tant à ses habitants qu’à la terre elle-même.

Quels sont les mots qu’il utilise pour décrire le peuple algérien et le pays ? Comment certains de ces mots sont-ils problématiques ?

Des gueux innombrables, vêtus d’une simple chemise ou de deux tapis cousus en forme de chasuble, ou d’un vieux sac percé de trous pour la tête et les bras, toujours nu-jambes et nu-pieds vont, viennent, s’injurient, se battent, vermineux, loqueteux, barbouillés de fange et puant la bête.

Maupassant parle de la mauvaise odeur des Algériens, ce qui évoque une scène du film Parasite où le père riche se plaint des domestiques de sa maison :

Ils sentent tous la même odeur. 

En décrivant les Algériens, Maupassant a renforcé les tropes problématiques concernant une nation entière. En même temps, ses écrits ont révélé l’horreur et le mal de la colonisation française, ce qui était extrêmement rare pour un écrivain français à l’époque.

Dans « Bel-Ami », comment Maupassant se critique-t-il lui-même à travers le personnage de Duroy dans le chapitre 3 ?

Il murmura, en hésitant : –Voilà… mais vraiment… je n’ose pas… C’est que j’ai travaillé hier soir très tard… et ce matin… très tôt… pour faire cet article sur l’Algérie que M. Walter m’a demandé… et je n’arrive à rien de bon… j’ai déchiré tous mes essais… Je n’ai pas l’habitude de ce travail-là, moi ; et je venais demander à Forestier de m’aider… pour une fois…

p. 82

Geneviève de Carcassonne: La Reine de la Rue Mouffetard

À mes chers lecteurs,

Je ne vous écris pas depuis les sources d’eau chaude d’Islande, le désert du Maroc ou les marchés du Liban, mais depuis une rue de Paris qui représente un vaste éventail de goûts, de sons, d’odeurs et de sensation. Cette rue, c’est la mouffe, ou pour mes lecteurs étrangers – et par étrangers, j’entends non parisiens, et par non parisiens, je veux dire malchanceux – la rue Mouffetard. Cette rue du 5ème existe depuis que les Romains étaient là, il y a près de 2000 ans, et je les imagine occupés sur les pavés. Et me voilà, flânant sur la colline Sainte-Geneviève, me sentant la reine du monde, ou du moins la reine des patrons de la mouffe. 

Ah Place Monge, pourquoi me narguer avec vos vins chers ? Le vigneron, avec sa cape couleur de minuit et ses yeux verts étincelants, crie comme un faucon :

«Femme ravissante, goûte ce cabernet sauvignon, je t’en supplie ! »

« Chéri, il est seulement l’heure de déjeuner, essaie plus tard,» je rigole, mais il m’attrape par le bras, m’attire à lui et me verse dans le gosier un verre du plus somptueux des vins rubis. Mais alors, le voyage doit continuer, j’ai une petite chronique à faire pour mes adorables lecteurs, et elle ne peut pas s’arrêter au vigneron.

Je continue à remonter la rue étroite, et l’odeur incroyablement piquante des fromages envahit mes sens. J’ai l’impression d’être dans un champ fleuri de toutes sortes de fleurs sauvages. Si le vendeur de vin pensait avoir la meilleure chance, il ne sait pas que le marchand de fromage a bien plus de chances de gagner mon cœur, même s’il est petit, jovial et rose comme une tomate trop mûre. 

« Fromage de chèvre infusé à la lavande pour la bella donna, » s’exclame-t-il en plaçant dans ma main tendue un épais morceau de fromage crémeux sur une brochette.

J’ai les genoux qui tremblent à l’idée de manger ce fromage corsé qui embaume la rue et nous bénit tous. Les chèvres doivent manger l’herbe la plus fine de toute la France pour produire un tel nectar. 

Je continue. Le fruitier, avec son stand à quatre roues et son pantalon en lambeaux, tire sur ma jupe. C’est le mercredi des cendres ? Non, ce n’est qu’un peu de terre de la ferme sur son front. 

Sa bouche est cousue de timidité. « Oui, mon cher ? » Je lui demande.

Il me regarde comme un chiot.  « Madame veut-elle goûter une figue ? »

Au moment où il me tend une figue massive, l’apiculteur, grand et fort, dépose une cuillerée de miel doré sur le fruit, en me faisant un clin d’œil.

Je ne peux pas m’en empêcher. Je demande : « Monsieur, vos bras sont-ils couverts de piqûres d’abeilles ou êtes-vous simplement incroyablement fort ? »

Il devient rouge vif et les coins de sa bouche se retroussent, mais sa femme, la fabricante de bougies, s’avance vers nous, l’air de vouloir me verser de la cire chaude sur la tête. 

« Bon après-midi, alors, » je crie joyeusement, mes bottes brillantes claquant sur la route pavée et vers de nouveaux délices. Il y aura des foulards de soie de toutes les couleurs, des parfums à essayer, des crêpes à dévorer, du tabac à goûter et bien d’autres personnes intéressantes à rencontrer au cours de ce voyage.

À mes chers lecteurs : citoyens du monde, bohèmes, intellectuels, hommes et femmes, chats et chiens… Je vous exhorte à sortir et à vous pavaner dans les rues de Paris, en particulier sur les marchés. Il y a tant de personnages fascinants à rencontrer, et nous pouvons apprendre beaucoup les uns des autres. Plus important encore, nous pouvons rapprocher nos classes et nos identités en cultivant le sens de l’amusement, du plaisir et de la joie. Je quitte la rue Mouffetard en sentant l’odeur d’un saloon, d’un champ de chèvres, d’un vignoble, d’une ruche. Je suis plus léger et j’ai le ventre plein. Maintenant, il est temps de me détendre dans mon appartement et de lire les derniers écrits de Delphine de Girardin, ma chère amie. 

Bisous,

Geneviève de Carcassonne

Geneviève de Carcassonne

Geneviève de Carcassonne

Bonjour à mes adorables lecteurs. Je suis Geneviève de Carcassonne, un pseudonyme pour un nom que je n’ose pas divulguer. Je viens de la cité médiévale de Carcassonne, mais je suis vraiment une citoyenne du monde, une voyageuse, une femme étrange et audacieuse en quête d’une chronique de ses aventures mondiales. Je vous écris depuis des wagons de train en ébullition, des bancs publics fendus, des salons enfumés et mon humble refuge dans le nord de Paris. Je suis intelligente et pleine d’entrain, et je vis seule parce que je voyage souvent, mais cela ne m’empêche pas de m’amuser avec de beaux hommes venus de pays lointains… Bref. Après avoir hérité des bijoux médiévaux de mes parents décédés, je les ai vendus, ainsi que la plupart de mes affaires, pour vivre une vie de voyage, car c’est mon véritable amour et ma passion. Dans cette chronique, je vous offre de riches descriptions des gens, des lieux, des sons et des odeurs des endroits où je me rends. Préparez-vous à des moments poétiques, mais aussi comiques, notamment à propos des différents hommes qui entament une conversation avec moi. J’adore la gastronomie, alors je décrirai aussi les délices culinaires notables de mes voyages. Aux bohèmes libertins, aux intellectuels et à tous ceux qui ont envie de voyager, joignez-vous à moi pour des voyages inattendus. Je serai dans La Presse tous les mardis. À bientôt, mes chers lecteurs.