Il est temps de vous réveiller et de réaliser que les hommes se servent de vous, et il est temps de les repousser. Au cours de mes voyages sur la terre, j’ai rencontré des dizaines d’hommes, tantôt voraces, tantôt aimants comme des chiots, tantôt mystérieux, assurés, timides. Je suis sortie avec des hommes riches et pauvres, communistes et monarchistes, jeunes et vieux. Mais je ne leur donne jamais ce qu’ils veulent, c’est-à-dire que je ne leur donne jamais de véritable pouvoir sur moi. Bien sûr, nous pouvons nous amuser ensemble, mais je n’abandonnerai pas le reste de ma vie pour un homme, et je ne le laisserai pas voler mon temps, mon argent et mon énergie. Ne l’oubliez pas. Mais quand je dis cela, je ne veux pas dire que nous devons aimer comme si nous étions des hommes, c’est-à-dire aimer avec avidité et avec de grandes attentes. Gardons notre empathie, notre compassion et nos charmes, quels qu’ils soient, mais souvenons-nous de ne donner, vraiment donner, que quand ils ont montré qu’ils étaient dignes de confiance. Autrement dit : lorsqu’il a sacrifié des choses pour vous, qu’il a consacré du temps et de l’énergie à vous, et qu’il a montré qu’il ne vous volerait pas.
Avez-vous déjà lu « Bel-Ami » de Guy de Maupassant ? Il m’a coupé le souffle. C’est cru, oui, et dérangeant, mais n’est-ce pas là le but ? Dans Le Gaulois, M. Quisait se plaint : « Quelle société ! Bons dieux ! Quel milieu ! Quel monde ! » Oui, quel monde, et c’est bien là le problème. Nous devons nous interroger sur le monde dans lequel nous vivons et sur la façon dont les hommes utilisent les femmes. Ils nous mâchent et nous rejettent, et le fait que Maupassant le souligne en décrivant Bel-Ami comme un serpent subtilement complice est une bonne chose. Cela montre que les écrivains s’éveillent à la ruse des hommes, et même si j’aimerais qu’un livre connaissant un tel succès soit écrit par une femme, je pense qu’il s’agit d’une histoire qui doit être racontée. M. Quisait est furieux que « Bel-Ami n’ait jamais connu ni remords, ni repentir, ni même le regret… » Il poursuit : « Il a beaucoup de talent, M. de Maupassant ; mais son Bel-Ami est bien répugnant, et, dût-on me trouver bien arriéré, j’aimerais mieux le voir choisir des sujets plus propres. » Oui, Bel-Ami est répugnant, mais Maupassant a créé un personnage qui n’est pas seulement fictif, mais qui représente les hommes de Paris et du monde d’aujourd’hui.
Nous devrions considérer le discours de Norbert de Varenne, qui dit que « vivre enfin, c’est mourir ». Nous pourrions prendre cela à notre manière : ne pas vivre une vie vide, mais s’aimer avec soin, et nourrir nos amitiés et nos amours avec douceur. Nous ne devons jamais devenir comme Clotilde, qui paie pour qu’un jeune homme libertin vive, alors qu’il séduit d’autres femmes. Aujourd’hui, je me promenais dans le parc des Buttes Chaumont et j’ai été frappée par la solidarité des femmes, la façon dont elles aident les autres quand l’une d’entre elles laisse tomber son écharpe, ou la façon dont elles s’accrochent fermement aux bras des autres, ancrées au milieu de la tempête de la ville. Même si j’aime m’amuser avec les hommes, je veux que mes lectrices se souviennent d’elles-mêmes. Rappelez-vous que tout ce dont vous avez besoin est en vous et que vous avez du pouvoir, même si vous n’en avez pas toujours l’impression. Je soutiens le récit cinglant de Maupassant sur le jeune Bel-Ami, qui pourrait être n’importe quel bel homme que nous connaissons, jeune, manipulateur et charismatique. Nous devons nous faire confiance et faire confiance à nos sœurs, et profiter du pouvoir de la curiosité, de l’aventure et de la joie de vivre sans trop nous trahir. C’est la leçon que j’ai tirée du nouveau roman, ou plutôt de la non-fiction, « Bel-Ami ».