Les débats sur la presse dans la presse

Tous ces textes, publiés dans la presse entre 1881 (Zola) et 1886 (Millaud et Giffard), renvoie à un débat autour du journalisme au XIXe siècle en France : ses qualités littéraires, son son caractère quotidien et commercial, son rapport à l’information. Par cela ces articles renvoient également à Bel-Ami et aux réponses de certains critiques envers ce roman qu’ils trouvaient trop cynique, trop pessimiste à l’égard du journalisme français.

Échos du débat

Qu’en restera-t-il de tout cela ! Rien ? […]

Il aura été aussi inutile de chroniquer pendant des semaines, des années, qu’il est inutile d’écrire son nom sur le sable. […]

L’actualité, l’actualité ! Il faut courir après elle, où elle se trouve. On est son galérien, moins que cela, son domestique.

Jules Vallès, «Hier-Demain», Le Nain Jaune, 14 février 1867

Tous parurent étonnés de trouver à Lucien des scrupules et achevèrent de mettre en lambeaux sa robe prétexte pour lui passer la robe virile des journalistes.

Balzac, Illusions perdues, p. 422

Autres articles intéressants :

La chronique—son nom l’indique—n’est que la fleur d’un jour, et le lendemain elle est fanée. Et c’est grand’pitié de penser que tant d’hommes de talent qui auraient pu, peut-être, doter la littérature française de beaux et nobles ouvrages, ne laisseront derrière eux que des chroniques, c’est-à-dire une fumée qui se dissipe, un parfum qui s’évapore, un bruit qui rentre bientôt dans le grand silence des choses mortes — c’est-à-dire rien.

Octave Mirbeau, «Bâtons rompus», Le Gaulois, 24 mai 1886

Il y avait, parmi nous, des romancières de valeur incontestée, des nouvellistes de talent reconnu ; des chroniqueuses même acceptées hospitalièrement, je n’ose point vraiment dire par le vilain sexe… Mais, cela, c’est, en quelque sorte du journalisme assis. Aurait-on du journalisme debout, courant, alerte, s’assouplissant à l’actualité : du reportage, de l’information ?

Séverine, «Un An!», La Fronde, 9 décembre 1898

Émile Zola et la presse

En 1881, Émile Zola annonce qu’il quitte le journalisme dans un article intitulé « Adieux ». Un texte qui s’affirme comme une véritable déclaration d’indépendance de l’artiste engagé, en même temps qu’un plaidoyer en faveur de la presse.

Pierre Ancery, RetroNews, «Le manifeste pionnier de Zola en faveur d’un journalisme engagé»

À côté de l’œuvre considérable du romancier, dix volumes pleins de sève et de combativité nous rappellent qu’Émile Zola fut tour à tour, pendant seize années, chroniqueur, critique d’art, critique littéraire et critique dramatique. Et sans grossièreté, sans injurier personne, il n’y allait pas de main morte, je vous prie de le croire. (…) S’il était entré dans le journalisme pour gagner sa vie, il avait fini par l’aimer comme une vieille maîtresse à laquelle il demeurait fidèle et qui l’assistait, le cas échéant. Dans ses campagnes au Figaro, il fit sentir bec et ongles à ses adversaires. Mais il les choisissait. Il frappait à la tête et négligeait, dans la polémique, les pieds.

Le Journal, 16 juin 1924, cité dans Marina Bellot, RetroNews – «Zola journaliste»

Voir aussi ces autres sources intéressantes :

Dessin montrant Émile Zola rendant hommage à Balzac
Pour Zola, Balzac incarne la modernité littéraire. L’une des plus spirituelles caricatures d’André Gill montre Émile Zola, les Rougon-Macquart sous le bras, rendant hommage à son modèle tandis que celui-ci répond au salut de son digne héritier. Source BnF

Balzac, la presse, les Illusions perdues

Balzac en robe de moine est juché sur des échasses, il regarde par-dessus le "mur de la vie privée" et prend des notes.
Gilbert-Martin, Charles, gravure, 1868 : “Balzac écrivant de nos jours les Scènes de la vie privée”. Planche gravée d’après un dessin de Cham pour “Nos jeux et nos ris”, 1868. Collection de la Maison de Balzac.

Introduction au roman

Ce roman sur l’ambition littéraire et le monde impitoyable de la presse est aujourd’hui considéré comme un des chefs-d’œuvre de Balzac. Lui-même le considérait comme « l’œuvre capitale dans l’œuvre ». De nombreux personnages de La Comédie humaine s’y croisent, le roman étant à la charnière des Scènes de la vie parisiennes et des Scènes de la vie de province. Le héros Lucien vit tour à tour à Angoulême et à Paris. Mais les contemporains de Balzac l’ont d’abord lu sous la forme de trois romans, publiés séparément en 1837 (Illusions perdues), 1839 (Un grand homme de province à Paris) et 1843 (Ève et David).

BnF Essentiels

Nos deux héros, le beau poète Lucien de Rubempré [note de la prof : nos extraits se concentrent sur Lucien] et son ami l’inventeur-imprimeur David Séchard, sont jeunes, talentueux, idéalistes mais sans argent. Ils aiment la littérature et caressent l’espoir de « s’y faire un nom et une fortune ».

Soutenu financièrement par David, l’ambitieux Lucien quitte Angoulême aux côtés de Mme de Bargeton, sa protectrice, pour faire ses débuts littéraires à Paris. Il y découvre les séductions et les dangers de la société parisienne, la « réalité désespérante » de la presse et l’impitoyable milieu du journalisme, les coulisses du théâtre et les transactions mesquines de la librairie (l’édition). Son succès est aussi fulgurant que fragile et là où un Rastignac réussit, Rubempré trébuche et succombe face aux jaloux et aux intrigants.

Aussi, la chute de Lucien est-elle à la hauteur de ses illusions. Les dettes s’accumulent et les revers se succèdent : ses amis l’abandonnent, l’actrice Coralie, sa jeune maîtresse, meurt de chagrin dans ses bras, et Lucien, acculé, détourne l’argent de David qu’il compromet, et ruine sa famille.

France Culture

Sainte-Beuve à propos de la deuxième partie des Illusions perdues (celle dont nous lisons un extrait) :

Ce qui est certain (et en réduisant toujours notre point de vue), c’est que la moralité littéraire de la presse en général a baissé depuis lors d’un cran. Si l’on peignait au complet le détail de ces mœurs, on ne le croirait pas. M. de Balzac a rassemblé, dernièrement, beaucoup de ces vilainies dans un roman qui a pour titre un Grand Homme de Province, mais en les envéloppant de son fantastique ordinaire: comme dernier trait qu’il a omis, toutes ces révélations curieuses ne l’ont pas brouillé avec les gens en question, dès que leurs intérêts sont redevenus communs.

Sainte-Beuve, De la littérature industrielle, p. 684

Les personnages

  • Lucien Chardon / de Rubempré : jeune poète et écrivain de province qui vient tenter ses chances à Paris
  • D’Arthez, Fulgence, Chrestien, Giraud, etc. : jeunes écrivains du «Cénacle», un groupe littéraire ; idealistes, ils dédaignent le commerce et le journalisme et croient en «l’art pour l’art»
  • Finot : un directeur de journal
  • Étienne Lousteau : un journaliste
  • Raoul Nathan : un poète et écrivain, tour à tour ami et rival de Lucien
  • Dauriat : un libraire/éditeur (il publie des libres)

Lucien à Paris

La réaction de Lucien quand Madame de Bargeton, sa maîtresse, l’invite à Paris :

Lucien, hébété par le rapide coup d’œil qu’il jeta sur Paris, en entendant ces séduisantes paroles, crut n’avoir jusqu’alors joui que de la moitié de son cerveau ; il lui sembla que l’autre moitié se découvrait, tant ses idées s’agrandirent : il se vit, dans Angoulême, comme une grenouille sous sa pierre au fond d’un marécage. Paris et ses splendeurs, Paris, qui se produit dans toutes les imaginations de province comme un Eldorado, lui apparut avec sa robe d’or, la tête ceinte de pierreries royales, les bras ouverts aux talents. Les gens illustres allaient lui donner l’accolade fraternelle. Là tout souriait au génie. Là ni gentillâtres jaloux qui lançassent des mots piquants pour humilier l’écrivain, ni sotte indifférence pour la poésie. De là jaillissaient les œuvres des poètes, là elles étaient payées et mises en lumière. Après avoir lu les premières pages de l’Archer de Charles IX [son recueil de poèmes qu’il veut faire publier], les libraires ouvriraient leurs caisses et lui diraient : Combien voulez-vous ?

Balzac, Illusions perdues

Pour la biographie, voir par exemple Balzac en 30 dates ou Les Essentiels de la littérature

Traité de son temps non sans ironie comme « le plus fécond de nos romanciers », craint des potaches de tous âges pour ses longues descriptions, Balzac (1799-1850) est aujourd’hui considéré comme le plus grand romancier français de tous les temps. Mieux encore, c’est lui qui a inventé le roman sous sa forme moderne, en lui donnant pour tâche première de peindre les mœurs, sans pour autant rompre avec sa dimension proprement romanesque. Il est l’auteur d’une somme monumentale qui, en 1842, prend pour titre : La Comédie humaine, inachevée à sa mort en 1850. Balzac fut aussi une personnalité littéraire haute en couleurs, tirant parti de l’originalité de sa manière de vivre, quitte à être réduit à quelques clichés : travail nocturne, consommation excessive de café, canne merveilleuse, robe de moine, habitations excentriques. Une aubaine pour les feuilletonistes, les biographes et les caricaturistes.

BnF Les Essentiels

Quelques articles intéressants sur Balzac et la critique de la presse dans Illusions perdues :

Charles Baudelaire et la presse

Le poète des Fleurs du Mal entretient un rapport constant avec la presse de son époque, rapport qui influence certains aspects de sa production artistique. Écrivain-journaliste, comme nombre de ses contemporains, Baudelaire a toutefois un parcours singulier, multipliant les collaborations tout en faisant preuve d’une indépendance qui ne le lie à aucun journal.

Laurent Arzel, Baudelaire et la presse (Blog Gallica 1/2)

Voir aussi :

Portrait de Baudelaire : à mi-corps, assis, de trois quarts à gauche, une main glissée dans sa veste.
Portrait de Baudelaire. Photographie – Nadar. Source BnF

Le roman-feuilleton, la publicité, la vie quotidienne

Affiches pour romans-feuilletons (fichier avec images)

On ne s’abonne plus à un journal à cause de son opinion semblable à la sienne; on s’y abonne, toutes couleurs indifférentes, suivant que le feuilleton est plus ou moins amusant.

Un député en 1845, cité dans Palmer, Des petits journaux aux grandes agences, p. 2

Le « feuilleton » d’un journal, c’est avant tout une rubrique qui se situe en bas de page – et pas forcément de la première – d’un quotidien et qui est séparée du reste du texte (en général plus sérieux et politique) par une fine ligne. Cet élément, également appelé « rez-de-chaussée », est un des premiers rubricages clairs dans la presse de l’époque (il se développe dans les années 1830). Il est d’abord consacré à des textes de « Variétés » et autres « Revues » : on y trouve surtout de la critique littéraire, artistique et dramatique. Théophile Gautier et Alexandre Dumas, par exemple, en écrivent beaucoup.

Au cours du siècle, l’utilisation de cette rubrique se spécialise : on y fait paraître des extraits littéraires, puis des romans dans leur totalité, publiés par tranches, en parallèle d’articles de critique.

Le roman-feuilleton est alors caractérisé par une publication morcelée, par la mention « À suivre » ou encore « La suite à demain » et par sa localisation dans la section « feuilleton » du quotidien. En même temps qu’il se développe, le genre se normalise.

Certains textes sont écrits spécifiquement pour ce mode de publication : souvent longs, ce sont des romans populaires qui exploitent le suspens des interruptions programmées, et n’hésitent pas à ajouter des péripéties, à réutiliser des personnages d’un roman à l’autre, afin de conserver l’attention des lecteurs : Alexandre Dumas et ses mousquetaires, Eugène Sue avec Les Mystères de Paris ou encore Ponson du Terrail et ses nombreux romans où l’on retrouve Rocambole, en sont d’excellents exemples.

Le roman-feuilleton, qu’est-ce que c’est? (Blog de Gallica)

Le roman-feuilleton et la vie quotidienne

Qui lisait quoi dans le journal? Comment lisait-on? Quel rapport à la vie quotidienne? Voici ce qu’en disait des Françaises qui étaient jeunes vers 1900 :

— Ma mère, comme toutes les dames, elle lisait moins le journal que mon père. Les femmes ne s’intéressaient pas à la politique ; elles lisaient les faits divers, les procès, les choses comme ça. (Femme née à Paris en 1893 ; père vendeur au Bon Marché, mère sans profession).

— Bien sûr que oui ! Ma mère lisait le feuilleton; comme toutes les femmes, ça l’intéressait ! (Femme née en 1888 dans un bourg agricole des Vosges; père employé des chemins de fer, mère sans profession.)

— Tous les matins, on déposait à notre porte le Matin. Mon père le lisait à fond, après le repas de midi. Mais il ne lisait pas le feuilleton, oh non ! Sûrement pas ! Ma mère, elle aussi, lisait le journal mais elle ne se passionnait pas pour la politique; ce qu’elle lisait, bien sûr, c’était le feuilleton. (Femme née en 1897 à Paris; père petit entrepreneur en maçonnerie, mère sans profession.)

— La voisine de mes parents ne savait pas lire. Tous les soirs elle appelait ma mère en criant : «Venez, venez donc!», pour qu’elle vienne lui lire son feuilleton. (Homme né en 1888 dans un bourg de l’Ardèche ; mère scolarisée.)

— Ma mère savait à peine lire. Alors tous les soirs, elle me disait : «Eh bien ! Tu ne me le lis pas, aujourd’hui, le feuilleton?» (Femme née à Paris en 1900; parents émigrés de l’Auvergne; mère femme de ménage.)

— Ma mère découpait le feuilleton, bien sûr ! Elle le reliait aussi: c’étàit une femme très ordonnée. (Femme née en 1899 à Pans; pere jardinier de la ville de Paris, mère sans profession.)

Propos recueillis dans Anne-Marie Thiesse, Le roman du quotidien

Relier les romans-feuilletons et les livraisons

Voir ces exemples de feuilletons reliés ici.


La réclame (voir le Lexique) et la critique littéraire

Voici un commentaire intéressant d’un critique littéraire en 1884:

Ici on apprend que les nouveaux livres arrivent aux rédactions des journaux avec des réclames toutes faites collées à l’intérieur du livre – il suffit de les copier !

Eugène Sue et les Mystères de Paris

Le roman Les Mystères de Paris a d’abord paru en feuilleton dans le journal Le Journal des DébatsVoici le premier chapitre dans le journal, le 19 juin 1842.

Les Mystères de Paris est l’œuvre majeure d’Eugène Sue, celle qui le fait réellement percer. Il s’agit d’un texte que l’on considère comme fondateur pour le genre du roman-feuilleton. Son héros est Rodolphe, un jeune homme riche qui passe son temps et sa fortune à aider les moins fortunés : il est une sorte de justicier social dans Paris.

Au début du roman, il rencontre deux personnages qui auront un rôle important dans le roman : le Chourineur, un homme au passé trouble, et une jeune fille surnommée la Goualeuse ou encore Fleur-de-Marie – généreuse quoique pauvre, elle se trouve dans une situation très difficile. Rodolphe rachète les dettes de la Goualeuse et la place hors de Paris. Néanmoins, Rodolphe s’avère ne pas être un ouvrier, mais un homme de plus noble extraction. Il retourne à Paris, à la recherche d’un certain François Germain… et dans ces aventures, il est secouru par le Chourineur qu’il s’est attaché. Il vient surtout en aide à tous ceux qu’il considère comme traités de façon injuste. Son parcours lui permettra également de découvrir la véritable identité de la Goualeuse, mais celle-ci reste irrévocablement marquée par son passé. 

Les Mystères de Paris en feuilleton, Gallica

Il y a énormément d’éditions différentes des Mystères de Paris en volume :

Quelques articles intéressants sur RetroNews et sur Gallica :

Théophile Gautier

  • Voici l’intégralité de sa chronique, dans la rubrique feuilleton de La Pressedisponible sur RetroNews. La chronique est écrite à l’occasion de l’adaptation théatrâle des Mystères de Paris.

Sainte-Beuve et la littérature industrielle

La fondation de La Presse par Girardin et du Siècle par Dutacq révolutionnent la presse en 1836. Ils s’appuient sur la publicité pour faire baisser de moitié le prix de l’abonnement. Pour attirer des annonceurs, ils doivent réussir à augmenter de façon conséquente le nombre d’abonnés. C’est le rôle assigné au roman-feuilleton qui doit permettre d’élargir et de fidéliser un nouveau lectorat et trouve sa place au rez-de-chaussée du journal, délimité par un trait noir et dévolu à la matière non politique. Les grands quotidiens se battent pour attirer des écrivains célèbres (Balzac, Hugo, Sand) : Eugène Sue se voit offrir 100 000 francs pour publier Le Juif errant dans le Constitutionnel en 1844-1845 (25 juin 1844) et fait gagner plus de 20 000 abonnements au journal. Le triomphe du roman-feuilleton va de pair avec le développement de la presse moderne.

Sainte-Beuve dénonce le roman-feuilleton comme une « littérature industrielle », devenue une marchandise standardisée, de faible qualité, faite pour plaire au plus grand nombre. Derrière ces arguments se dessine une conception de la littérature élitiste, hostile au roman-feuilleton et à son ouverture à un public plus large (plus jeune, plus féminin, plus populaire). « Au lieu de s’adresser à l’élite des intelligences, on s’adressa plus qu’aux instincts de la foule, non pour les corriger mais pour les satisfaire ; la littérature fut mise à la portée des épiciers ».

Julian Ebersold, La parution des « Mystères de Paris » en 1842, RetroNews

Les faits divers

COURS 7

Définir le fait divers

Sous cette rubrique, les journaux groupent avec art et publient régulièrement les nouvelles de toutes sortes qui courent le monde : petits scandales, accidents de voiture, crimes épouvantables, suicides d’amour, couvreur tombant d’un cinquième étage, vol à main armée, pluie de sauterelles ou de crapauds, naufrages, incendies, inondations, aventures cocasses, enlèvement mystérieux, exécutions à mort, cas d’hydrophobie, d’anthropophagie, de somnambulisme et de léthargie, les sauvetages y entrant pour une large part et les phénomènes de la nature tels que veaux à deux têtes, crapauds âgés de quatre mille ans, jumeaux soudés par la peau du ventre, enfants à trois yeux, nains extraordinaires.
Grand Dictionnaire Larousse du 21e siècle

Nouvelles peu importantes d’un journal.
Petit Robert, 1983.

Les événements du jour (ayant trait aux accidents, délits, crimes) sans lien entre eux, faisant l’objet d’une rubrique dans le journal.
Petit Robert, 1995.

Accident, délit ou événement de la vie sociale qui n’entre dans aucune des catégories de l’information.
Glossaire des termes de presse

BnF Essentiels, Définir le fait divers

Tenus par les contemporains pour des formes spécifiques de leur modernité culturelle, fait divers et roman criminel sont ainsi désignés comme les deux types privilégiés de récits signalant l’entrée progressive du pays dans l’ère «médiatique».

Dominique Kalifa, Crime et culture au XIXe siècle, pp. 131-132

Exemples de faits divers :

Questions de réflexion

  • Pourquoi le fait divers signifierait-il l’entrée du pays dans «l’ère médiatique», comme le dit Kalifa ci-dessus ?
  • Discutez du lien entre les faits divers et la rue et les boulevards et ce qu’on peut appeler, en adaptant Baudelaire, «le spectacle de la vie moderne».
  • Expliquez le lien entre les faits divers et la popularisation de la presse après 1863 (Petit Journal et journaux à un sou). [voir Schwartz p. 37, 39]
  • Expliquez le lien entre les faits divers et les romans-feuilletons. [voir Schwartz p. 43]

D’autres articles intéressants sur le fait divers dans la rubrique presse du site BnF Essentiels :


En 1884 a apparu, très brièvement (dix numéros seulement) le Journal des Assassins, un journal hebdomadaire satirique et blagueur qui faisait référence à beaucoup de criminels et de crimes connus et très médiatisés. Le sous-titre était “Organe officiel des chourineurs et des voleurs” !

Lexique de la presse

LEXIQUE GÉNÉRAL

Les mots marqués d’un * pourront figurer sur le Quiz Lexique II.

Actualité :

Ce qui est réputé «d’actualité», est-ce seulement ce qui vient d’avoir lieu? Non, c’est tout ce qui inspire actuellement un intérêt général, alors même que ce serait un fait ancien. […] Et n’est pas «d’actualité» ce qui est récent, mais négligé actuellement par l’attention publique détournée ailleurs.

Gabriel Tarde, “Le Public et la foule,” L’Opinion et la foule, pp. 4-5

L’actualité, l’actualité!
Il faut courir après elle, où elle se trouve! On est son galérien, moins que cela, son domestique.
On doit être à l’affût, à toute heure, le jour, la nuit; on ferait bien d’avoir une sonnette à sa porte comme les apothicaires ou les gardes-malades.
Il s’agit, dans ce steeple-chase à la nouvelle, d’arriver premier!

Jules Vallès, «Hier-Demain» (Le Nain jaune, 1867)

Quotidien 

Le journal quotidien – un périodique publié tous les jours.

Journal à un sou (cinq centimes) :

Avec la fondation du Petit Journal en 1863, et suite à une modification de la loi sur la liberté de la presse, les journaux non-politiques se vendent au numéro (et non par abonnement) pour un prix de 5¢, ou un sou.

La fondation du Petit Journal par Moïse Polydore Millaud fait entrer la presse dans l’ère de la massification. Il créé un quotidien apolitique, visant autant à informer, qu’à distraire et édifier le lecteur. Destiné à être lu par tous les milieux, il cible un lectorat citadin et populaire (boutiquiers, artisans et ouvriers), plutôt ignoré par les grands journaux politiques, encore très élitistes.

Julien Ebersold, «La fondation du Petit Journal en 1863», RetroNews

Rez-de-chaussée :

Le « feuilleton » d’un journal, c’est avant tout une rubrique qui se situe en bas de page – et pas forcément de la première – d’un quotidien et qui est séparée du reste du texte (en général plus sérieux et politique) par une fine ligne. Cet élément, également appelé « rez-de-chaussée », est un des premiers rubricages clairs dans la presse de l’époque (il se développe dans les années 1830). Il est d’abord consacré à des textes de « Variétés » et autres « Revues » : on y trouve surtout de la critique littéraire, artistique et dramatique. Théophile Gautier et Alexandre Dumas, par exemple, en écrivent beaucoup.

Le roman-feuilleton, qu’est-ce que c’est? (Blog de Gallica)

LES GENRES JOURNALISTIQUES : QUE CONTIENT UN JOURNAL ?

Feuilleton :

«On appelle feuilleton, c’est-à-dire, petite feuille, la partie littéraire, formant comme une sorte de feuille à part dans les journaux et qui se trouve encadrée dans la portion inférieure de leurs colonnes, au rez-de-chaussée, pour nous servir d’une expression consacrée par l’usage. Pendant que la politique s’étale orgueilleusement à tous les étages, que les nouvelles étrangères, les dépêches télégraphiques, les comptes rendus des chambres, les chroniques, les correspondances, les faits divers meublent et emplissent les coins et recoins, que les annonces s’étalent envahissantes sur le derrière, le feuilleton, balancé par la fantaisie aux ailes de pourpre et d’or, s’avance sur le seuil et souriant, babillard, un peu folâtre, habille de petites phrases éclatantes les drames et les vaudevilles du jour, les ouvrages de littérature, de science et d’art, et le plus souvent entreprend de longues histoires de cape et d’épée, des nouvelles amoureuses, des contes à faire dresser les cheveux sur la tête… ou à dormir debout» (Larousse du XIXe siècle).

Avant de devenir un genre, le feuilleton a d’abord été un espace à remplir, une case que s’ouvrent Le PropagateurLe Journal du commerce puis le Journal des débats le 8 pluviôse, an VIII. Le feuilleton est en fait né d’un « subterfuge fiscal ». L’innovation du feuilleton vient du fait que l’augmentation du format de la feuille de journal (et donc la création d’un espace supplémentaire en haut ou bas de page) du quarto traditionnel (11,3 dm2) au petit in-folio (16,1 dm2) pouvait se faire sans augmentation du timbre de trois centimes ni de la taxe postale. De cette augmentation du format découle la création d’un nouvel espace indépendant au sein du journal. Les quotidiens adoptent plus ou moins rapidement ce nouvel espace : la Gazette de France en quelques mois, le Journal de Paris, le 1er octobre 1811 (il avait jusque-là privilégié un supplément feuilletonesque par encart), le Constitutionnel créé en 1815, seulement en 1832.

«Petit lexique des microformes journalistiques», Études françaises, volume 44, numéro 3, 2008, p. 13–22. 

*Chronique :

Le Larousse du XIXe siècle rappelle que la chronique réfère «à ce qui a rapport au temps» […] la chronique est «l’article de journal où se trouvent les faits, les nouvelles du jour et les bruits de la ville».

Larousse du XIXe siècle, cité dans Marie-Ève Thérenty, La littérature au quotidien, Seuil, 2007, p. 236

En un style souvent léger et humoristique, quelquefois grave, toujours vif, alerte et châtié, le chroniqueur touche à tout sans riens approfondir. Son art consiste à effleurer les questions, à improviser une causerie aussi ingénieuse et intéressante que possible sur n’importe quel sujet. Accident ou crime sensationnel, mort ou naissance, divorce ou mariage, bal ou duel, concert ou scène scandaleuse, succès dramatique ou succès de librairie, salon des beaux-arts ou champ de courses, expérience ou découverte scientifique, tout lui sert de canevas, tout lui est matière à article. Et, en effet, ces faits sociaux et moraux sont des manifestations aussi importantes de la vie nationale que tel acte de la Chambre ou tel avatar ministériel.

A. de Chambure, À travers la presse, 1914, p. 438, cité dans Marie-Ève Thérenty, La littérature au quotidien, Seuil, 2007, pp. 236-237

Exemple d’une chronique, de la célèbre Delphine de Girardin (sous le pseudonyme du Vicomte de Launay):

*Roman-feuilleton :

«Le « feuilleton » d’un journal, c’est avant tout une rubrique qui se situe en bas de page – et pas forcément de la première – d’un quotidien et qui est séparée du reste du texte (en général plus sérieux et politique) par une fine ligne. […]

Au cours du siècle, l’utilisation de cette rubrique se spécialise : on y fait paraître des extraits littéraires, puis des romans dans leur totalité, publiés par tranches, en parallèle d’articles de critique.

Le roman-feuilleton est alors caractérisé par une publication morcelée, par la mention « À suivre » ou encore « La suite à demain » et par sa localisation dans la section « feuilleton » du quotidien. En même temps qu’il se développe, le genre se normalise.

Certains textes sont écrits spécifiquement pour ce mode de publication : souvent longs, ce sont des romans populaires qui exploitent le suspens des interruptions programmées, et n’hésitent pas à ajouter des péripéties, à réutiliser des personnages d’un roman à l’autre, afin de conserver l’attention des lecteurs : Alexandre Dumas et ses mousquetaires, Eugène Sue avec Les Mystères de Paris ou encore Ponson du Terrail et ses nombreux romans où l’on retrouve Rocambole, en sont d’excellents exemples.»

Le roman-feuilleton, qu’est-ce que c’est? (Blog de Gallica)

*Faits divers :

[…] le fait divers n’est rien d’autre q’une forme de récit, et non un type d’événement qui existerait indépendamment du discours qui le porte et lui donne sens. […] la masse des faits divers n’est d’alors constituée ni de «bouchers assassins» ni de malles sanglantes ou de parricides monstrueux. Face à ces quelques «beaux crimes» s’agite dans les journaux une multitude d’occurences atones, de petits faits sans relief et d’événements insignifiants: rixes et altercations, vols à la tire ou escroqueries, conflits minuscules et souvent ordinaires. Une sorte d’infiniment petit du fait divers, qui ne trouve de raison d’être que dans l’accumulation et la répétition.

Dominique Kalifa, «Faits divers et romans criminels au XIXe siècle», pp. 135-136

On peut pour atténuer la fantaisie que Larousse [le dictionnaire du XIXe siècle] donne au fait divers, ajouter quelques lignes de l’introduction d’Anne-Claude Ambroise-Rendu à son essai sur le fait divers:

«Récit commun d’une vie partagée, avec ses aléas, ses péripéties burlesques et ses déboires, ses horreurs aussi, la colonne des faits divers peut être approchée comme la narration fragmentée mais continue du quotidien où communie toute une société par-delà ses multiples motifs de division. Si le spectaculaire est ainsi quotidiennement au rendez-vous, ce serait cependant à tort qu’on réduirait les faits divers aux seuls récits de crime dont le lecteur est certainement friand. Car ce sont, sans hiérarchisation de valeurs, tous les petits événements ordinaires de l’existence quotidienne qui font l’objet de cette élaboration narrative, dont la principale caractéristique est la diversité des faits relatés.» (Anne-Claude Ambroise-Rendu, Petits récits des désordres ordinaires, Paris, Seli Arslan, 2004, p. 10-11)

Quelques exemples :

Le nommé Georges Buisson, garçon de recettes, rue du cardinal Fesch, 9, a trouvé hier, dans la rue du Faubourg Montmartre, un porte-monnaie contenant 155 francs. Il s’est empressé de déposer cette trouvaille au bureau de M. Lanet, commissaire de police du quartier. (Le Petit Journal, 10 janvier 1870)

Frappée de quatorze coups de couteau. Le ménage Fouillet qui demeure rue des Rosiers à Saint-Ouen n’était pas le modèle des ménages. Le mari, Louis Fouillet âgé de 35 ans, n’avait pas de profession bien définie, et la conduite de la femme s’en ressentait. Mais jusqu’ici, à part des discussions dues à l’ivrognerie de Fouillet, le ménage vivait tant bien que mal. La nuit dernière, Fouillet et sa femme revenaient de chez des amis quand le mari, surexcité par de nombreuses libations, fit de violents reproches à sa femme. Comme celle-ci lui répliquait, Louis Fouillet, au comble de la fureur, se précipita sur elle et la frappa de quatorze coups de couteau à la tête et à la poitrine. Puis Fouillet prit la fuite. La victime dont l’état est grave, a été transportée à l’hôpital Beaujon. (Le Petit Journal, 7 janvier 1910)

«Petit lexique des microformes journalistiques», Études françaises, volume 44, numéro 3, 2008, p. 13–22. 

Les faits divers se lisent généralement à la page 2 ou 3 du journal.

*Reportage :

L’exemple de la presse anglo-saxonne et plus spécialement américaine, dont provient le mot de reporter, a pris également sa part dans l’émergence du genre, en ayant fortement imposé dans les esprits comme dans la pratique, dès 1830-1840 [aux États-Unis], une conception du journalisme opposant l’ordre des faits (facts), des nouvelles (news) et du récit (story) au régime du commentaire et des opinions (views), sur fond de démocratisation de la vie publique et de marchandisation de l’information. 

Pascal Durand, «Le reportage», La Civilisation du journal, p. 1013.

Le «reporter» est un produit de la vie moderne. Se rend-on compte de la souplesse, de l’énergie, et souvent de l’héroïsme professionnel, qu’ont demandés à leurs auteurs quelques-uns des grands reportages modernes? Et d’abord, se souvient-on seulement de tous les événements d’importance mondiale dont, au cours de ces trente dernières années — à ne parler que des faits intéressant les lecteurs français — la curiosité publique surexcitée a été tenue au courant jour par jour, incident par incident, grâce au dévouement professionnel, à l’initiative hardie, à l’ingéniosité toujours en éveil de nos grands reporters […]

A. de Chambure, À travers la presse, 1914, p. 443.

Exemples de reportage (les deux de reporters envoyés loin de Paris – mais n’oubliez pas que les reportages peuvent aussi être des enquêtes locales, dans les quartiers mêmes de la ville) :

*Interview :

— C’est une chose excessivement grave qui, pour être bien faite, exige d’énormes connaissances.  Il faut avoir l’usage de la vie, savoir où l’on va, connaître – au moins par ses œuvres – l’homme chez qui l’on se rend, approfondir la question qu’on doit lui soumettre, savoir écouter, prendre tout ce que l’on vous dit, mais dans le sens où on le dit, interpréter avec sagacité et ne pas se contenter de reproduire textuellement. […] Non, l’interviewer ne doit pas être un vulgaire perroquet, il lui faut tout rétablir, le milieu, les circonstances, la physionomie de son interlocuteur, enfin faire œuvre d’homme de talent, tout en respectant la pensée d’autrui.

— L’interview est une chose très compliquée, extrêmement délicate, pas facile du tout. […] Les journaux devraient donc confier les interviews à des têtes de ligne, à des écrivains de premier ordre, des romanciers extrêmement habiles, qui, eux, sauraient tout remettre au point. Mais voilà : les hommes de grand talent sont employés à autre chose… Heureusement pour eux !

— Alors ?

— Alors, que voulez-vous ? Si l’interview, telle qu’elle est pratiquée par ce temps de journalisme à la vapeur, bâclée en vingt minutes, rédigée à la va comme-je-te-pousse, écrite au galop sur une table de café, à côté d’un vermout ou d’une absinthe, si elle est le plus souvent un fleuve d’erreurs, elle n’en reste pas moins l’un des principaux éléments du journalisme contemporain : d’abord parce qu’elle en est la partie la plus vivante, ensuite parce qu’elle est le joujou préféré du public !

Émile Zola, interviewé sur l’interview dans Le Figaro en 1893

*Réclame :

« Petit article de journal, payé par celui qui le fait insérer, en dehors de la place assignée aux annonces, et qui contient l’éloge d’un objet mis dans le commerce […] Qu’elle se présente dans les journaux ou sur les affiches murales, la réclame, annonce déguisée, attire les chalands par l’énumération toujours exagérée et trop souvent menteuse d’avantages illusoires et fait la fortune des vendeurs » (Larousse du XIXe siècle).

On trouve ainsi dans la rubrique Agriculture-industrie-commerce de La Presse du 10 avril 1837 cette réclame qui est à lire en écho avec les nombreuses annonces pour le même produit parues dans la quatrième page des publicités :

« M. de Langrenier, propriétaire du Racahout des Arabes, signale à nos lecteurs les nombreuses imitations ou contrefaçons grossières de cet aliment. Ces contrefaçons, inventées par la cupidité ou par le charlatanisme, n’ont aucune autorisation légale ; elles ne sont point approuvées par l’Académie royale de musique, seul savant justifié pour examiner et autoriser les produits de ce genre reconnus supérieurs, et pour rejeter au contraire ceux qui pourraient nuire à la santé. »

«Petit lexique des microformes journalistiques», Études françaises, volume 44, numéro 3, 2008, p. 13–22. 

*Écho :

«Titre sous lequel on désigne dans les journaux, les nouvelles qui circulent dans la ville, dans les salons et dans les lieux publics» (Larousse du XIXe siècle). Par exemple, les «échos de Paris».

Un exemple:

Encore un clubman qui va disparaître ! On raconte que le jeune de X…, dont les couleurs sont connues sur le turf, est complètement ruiné ! Ses chevaux de course doivent être vendus prochainement. Quant au propriétaire, il part, dit-on, pour le Canada. (Gil Blas, 10 février 1888)

«Petit lexique des microformes journalistiques», Études françaises, volume 44, numéro 3, 2008, pp. 13–22. 

Autre exemple d’un écho :

Les échos se trouvent généralement à la une du journal, après une chronique ou un reportage dans les premières colonnes.

Les chroniqueuses et les chroniqueurs

Introduction aux chroniqueurs·ses (diaporama)


Voici “La Vie à Paris” de Claretie dans le journal Le Temps du 9 mars 1880.


Delphine de Girardin [pseudonyme : le vicomte de Launay]

Quand il ne s’est rien passé dans la semaine, le vicomte ne laisse pas tomber la conversation pour cela, il la soutient à lui tout seul, et avec quel esprit étincelant, quelle ironie incisive, quelle finesse pénétrante! Que de vérités ingénieuses, que de frivolités profondes, et à travers ce babil qui affecte d’être léger, quelle droiture de coeur, quelle hauteur d’âme, quel parfait sens moral! Comme le mondain vicomte cingle de sa badine tout ce qui est lâche, tout ce qui est laid, tout ce qui est hypocrite! comme il fait la guerre aux mensonges, aux bassesses, aux turpitudes, sans jamais prendre le ton déclamatoire! avec quel art il sertit le ridicule dans une monture de plaisanteries !

Théophile Gautier, Introduction aux Œuvres complètes de Delphine de Girardin (1857)
  • Les chroniques de Delphine de Girardin ont apparu sous le titre «Courrier de Paris», signé du pseudonyme «Le vicomte de Launay», dans le journal La Presse (fondé en 1836 et dirigé par son mari, Émile de Girardin), et ont été publiées en volume plus tard sous le titre Lettres parisiennes.
  • Voici sa première chronique telle qu’elle apparassait dans La Presse le 29 septembre 1836, en bas de la première page, dans la rubrique ‘feuilleton’.
  • Article très intéressant sur RetroNews au sujet de Delphine de Girardin et le genre de la chronique.

Léo Lespès [pseudonyme : Timothée Trimm]

Timothée Trimm était le pseudonyme de Léo Lespès, le chroniqueur très populaire—dans les deux sens du terme—au Petit Journal aux années 1860:

Pseudonyme de Léo Lespès, de son vrai prénom, Joseph Napoléon, journaliste et romancier dont le rôle de chroniqueur dans Le Petit Journal l’a assuré d’une renommée sans égale. Après avoir travaillé au Figaro de Villemessant, il fait sa première chronique le 26 juillet 1863 sans discontinuité jusqu’à son départ pour Le Petit Moniteur en 1869. Il est remplacé par Thomas Grimm (pseudonyme collectif regroupant Henri Escoffier et ses collaborateurs). Méprisé par l’intelligentsia de l’époque, ses chroniques prenaient la forme de conversation avec le lecteur pour aborder des sujets de la vie quotidienne et des faits-divers

Julien Ebersold, «La fondation du Petit Journal en 1863», RetroNews

Quant au chroniqueur du Petit Journal, pourquoi le peuple ne l’aimerait-il pas, comment pourrait-il ne pas l’aimer? Dédaigneux des règles, méprisant la solennité, il sait accommoder l’événement du matin, l’accident du soir, au goût des lecteurs, saupoudrant toutes les tartines avec un sel gris piquant comme celui que les ménagères jettent à poignées dans la marmite honnête du pot-au-feu.

[…] sans savoir comme d’autres aiguiser les mots, ciseler les phrases, il est devenu le chroniqueur aimé, le journaliste indispensable. Ils sont des millions en France qui n’ont été qu’à la mutuelle ou à la primaire, point au collège; il ne faut pas avec eux être trop instruit ou trop brillant, jeter de l’éclat ou faire de la majesté; on doit leur parler de choses qu’ils savent, des gens qu’ils connaissent. A ce prix-là on est populaire, et je comprends cette popularité, sans être fou de cette littérature.

Jules Vallès au sujet de Trimm dans Le Figaro, 1866 (RetroNews)
Diogène avec sa lanterne, avec légende qui lit en partie "Messieurs, je cherche un homme, et de mon œil lent terne, je n'en vois pas"
Daumier – caricature montrant Diogène, «Bon mot du temps» (Boston Public Library)

Jules Vallès

Les activités journalistiques de Jules Vallès (1832-1885) sont inséparables de son engagement politique. Celui qui fut l’un des élus de la Commune est aussi le fondateur de l’éphémère Cri du peuple, journal emblématique de l’insurrection de 1871.

Le Cri du Peuple, premier grand quotidien socialiste (RetroNews)

«Hier-Demain», déclaration de mission journalistique, dans Le Nain jaune en 1867 :


Caroline Rémy [Séverine]

Il y avait des grandes femmes journalistes avant Séverine, au 19ème siècle : des chroniqueuses d’une part, des publicistes d’autre part. Mais Séverine a inauguré une nouvelle lignée, celle des femmes reporters. Elle va inventer autre chose. Elle met en scène un corps émotif, un corps exposé, en montrant qu’elle prend les mêmes risques les hommes, c’est un journalisme total, de terrain. La peur est instrument de validation du reportage. Elle la met en scène, et va même plus loin que les hommes, en pratiquant pour la première fois en France un journalisme d’identification. Elle choisit de prendre la place du sujet dont elle écrit l’histoire.

Marie-Ève Thérenty

Images de Séverine: