LEXIQUE GÉNÉRAL
Les mots marqués d’un * pourront figurer sur le Quiz Lexique II.
Actualité :
Ce qui est réputé «d’actualité», est-ce seulement ce qui vient d’avoir lieu? Non, c’est tout ce qui inspire actuellement un intérêt général, alors même que ce serait un fait ancien. […] Et n’est pas «d’actualité» ce qui est récent, mais négligé actuellement par l’attention publique détournée ailleurs.
Gabriel Tarde, “Le Public et la foule,” L’Opinion et la foule, pp. 4-5
L’actualité, l’actualité!
Il faut courir après elle, où elle se trouve! On est son galérien, moins que cela, son domestique.
On doit être à l’affût, à toute heure, le jour, la nuit; on ferait bien d’avoir une sonnette à sa porte comme les apothicaires ou les gardes-malades.
Il s’agit, dans ce steeple-chase à la nouvelle, d’arriver premier!
Jules Vallès, «Hier-Demain» (Le Nain jaune, 1867)
Quotidien
Le journal quotidien – un périodique publié tous les jours.
Journal à un sou (cinq centimes) :
Avec la fondation du Petit Journal en 1863, et suite à une modification de la loi sur la liberté de la presse, les journaux non-politiques se vendent au numéro (et non par abonnement) pour un prix de 5¢, ou un sou.
La fondation du Petit Journal par Moïse Polydore Millaud fait entrer la presse dans l’ère de la massification. Il créé un quotidien apolitique, visant autant à informer, qu’à distraire et édifier le lecteur. Destiné à être lu par tous les milieux, il cible un lectorat citadin et populaire (boutiquiers, artisans et ouvriers), plutôt ignoré par les grands journaux politiques, encore très élitistes.
Julien Ebersold, «La fondation du Petit Journal en 1863», RetroNews
Rez-de-chaussée :
Le « feuilleton » d’un journal, c’est avant tout une rubrique qui se situe en bas de page – et pas forcément de la première – d’un quotidien et qui est séparée du reste du texte (en général plus sérieux et politique) par une fine ligne. Cet élément, également appelé « rez-de-chaussée », est un des premiers rubricages clairs dans la presse de l’époque (il se développe dans les années 1830). Il est d’abord consacré à des textes de « Variétés » et autres « Revues » : on y trouve surtout de la critique littéraire, artistique et dramatique. Théophile Gautier et Alexandre Dumas, par exemple, en écrivent beaucoup.
Le roman-feuilleton, qu’est-ce que c’est? (Blog de Gallica)
LES GENRES JOURNALISTIQUES : QUE CONTIENT UN JOURNAL ?
Feuilleton :
«On appelle feuilleton, c’est-à-dire, petite feuille, la partie littéraire, formant comme une sorte de feuille à part dans les journaux et qui se trouve encadrée dans la portion inférieure de leurs colonnes, au rez-de-chaussée, pour nous servir d’une expression consacrée par l’usage. Pendant que la politique s’étale orgueilleusement à tous les étages, que les nouvelles étrangères, les dépêches télégraphiques, les comptes rendus des chambres, les chroniques, les correspondances, les faits divers meublent et emplissent les coins et recoins, que les annonces s’étalent envahissantes sur le derrière, le feuilleton, balancé par la fantaisie aux ailes de pourpre et d’or, s’avance sur le seuil et souriant, babillard, un peu folâtre, habille de petites phrases éclatantes les drames et les vaudevilles du jour, les ouvrages de littérature, de science et d’art, et le plus souvent entreprend de longues histoires de cape et d’épée, des nouvelles amoureuses, des contes à faire dresser les cheveux sur la tête… ou à dormir debout» (Larousse du XIXe siècle).
Avant de devenir un genre, le feuilleton a d’abord été un espace à remplir, une case que s’ouvrent Le Propagateur, Le Journal du commerce puis le Journal des débats le 8 pluviôse, an VIII. Le feuilleton est en fait né d’un « subterfuge fiscal ». L’innovation du feuilleton vient du fait que l’augmentation du format de la feuille de journal (et donc la création d’un espace supplémentaire en haut ou bas de page) du quarto traditionnel (11,3 dm2) au petit in-folio (16,1 dm2) pouvait se faire sans augmentation du timbre de trois centimes ni de la taxe postale. De cette augmentation du format découle la création d’un nouvel espace indépendant au sein du journal. Les quotidiens adoptent plus ou moins rapidement ce nouvel espace : la Gazette de France en quelques mois, le Journal de Paris, le 1er octobre 1811 (il avait jusque-là privilégié un supplément feuilletonesque par encart), le Constitutionnel créé en 1815, seulement en 1832.
«Petit lexique des microformes journalistiques», Études françaises, volume 44, numéro 3, 2008, p. 13–22.
*Chronique :
Le Larousse du XIXe siècle rappelle que la chronique réfère «à ce qui a rapport au temps» […] la chronique est «l’article de journal où se trouvent les faits, les nouvelles du jour et les bruits de la ville».
Larousse du XIXe siècle, cité dans Marie-Ève Thérenty, La littérature au quotidien, Seuil, 2007, p. 236
En un style souvent léger et humoristique, quelquefois grave, toujours vif, alerte et châtié, le chroniqueur touche à tout sans riens approfondir. Son art consiste à effleurer les questions, à improviser une causerie aussi ingénieuse et intéressante que possible sur n’importe quel sujet. Accident ou crime sensationnel, mort ou naissance, divorce ou mariage, bal ou duel, concert ou scène scandaleuse, succès dramatique ou succès de librairie, salon des beaux-arts ou champ de courses, expérience ou découverte scientifique, tout lui sert de canevas, tout lui est matière à article. Et, en effet, ces faits sociaux et moraux sont des manifestations aussi importantes de la vie nationale que tel acte de la Chambre ou tel avatar ministériel.
A. de Chambure, À travers la presse, 1914, p. 438, cité dans Marie-Ève Thérenty, La littérature au quotidien, Seuil, 2007, pp. 236-237
Exemple d’une chronique, de la célèbre Delphine de Girardin (sous le pseudonyme du Vicomte de Launay):
*Roman-feuilleton :
«Le « feuilleton » d’un journal, c’est avant tout une rubrique qui se situe en bas de page – et pas forcément de la première – d’un quotidien et qui est séparée du reste du texte (en général plus sérieux et politique) par une fine ligne. […]
Au cours du siècle, l’utilisation de cette rubrique se spécialise : on y fait paraître des extraits littéraires, puis des romans dans leur totalité, publiés par tranches, en parallèle d’articles de critique.
Le roman-feuilleton est alors caractérisé par une publication morcelée, par la mention « À suivre » ou encore « La suite à demain » et par sa localisation dans la section « feuilleton » du quotidien. En même temps qu’il se développe, le genre se normalise.
Certains textes sont écrits spécifiquement pour ce mode de publication : souvent longs, ce sont des romans populaires qui exploitent le suspens des interruptions programmées, et n’hésitent pas à ajouter des péripéties, à réutiliser des personnages d’un roman à l’autre, afin de conserver l’attention des lecteurs : Alexandre Dumas et ses mousquetaires, Eugène Sue avec Les Mystères de Paris ou encore Ponson du Terrail et ses nombreux romans où l’on retrouve Rocambole, en sont d’excellents exemples.»
Le roman-feuilleton, qu’est-ce que c’est? (Blog de Gallica)
*Faits divers :
[…] le fait divers n’est rien d’autre q’une forme de récit, et non un type d’événement qui existerait indépendamment du discours qui le porte et lui donne sens. […] la masse des faits divers n’est d’alors constituée ni de «bouchers assassins» ni de malles sanglantes ou de parricides monstrueux. Face à ces quelques «beaux crimes» s’agite dans les journaux une multitude d’occurences atones, de petits faits sans relief et d’événements insignifiants: rixes et altercations, vols à la tire ou escroqueries, conflits minuscules et souvent ordinaires. Une sorte d’infiniment petit du fait divers, qui ne trouve de raison d’être que dans l’accumulation et la répétition.
Dominique Kalifa, «Faits divers et romans criminels au XIXe siècle», pp. 135-136
On peut pour atténuer la fantaisie que Larousse [le dictionnaire du XIXe siècle] donne au fait divers, ajouter quelques lignes de l’introduction d’Anne-Claude Ambroise-Rendu à son essai sur le fait divers:
«Récit commun d’une vie partagée, avec ses aléas, ses péripéties burlesques et ses déboires, ses horreurs aussi, la colonne des faits divers peut être approchée comme la narration fragmentée mais continue du quotidien où communie toute une société par-delà ses multiples motifs de division. Si le spectaculaire est ainsi quotidiennement au rendez-vous, ce serait cependant à tort qu’on réduirait les faits divers aux seuls récits de crime dont le lecteur est certainement friand. Car ce sont, sans hiérarchisation de valeurs, tous les petits événements ordinaires de l’existence quotidienne qui font l’objet de cette élaboration narrative, dont la principale caractéristique est la diversité des faits relatés.» (Anne-Claude Ambroise-Rendu, Petits récits des désordres ordinaires, Paris, Seli Arslan, 2004, p. 10-11)
Quelques exemples :
Le nommé Georges Buisson, garçon de recettes, rue du cardinal Fesch, 9, a trouvé hier, dans la rue du Faubourg Montmartre, un porte-monnaie contenant 155 francs. Il s’est empressé de déposer cette trouvaille au bureau de M. Lanet, commissaire de police du quartier. (Le Petit Journal, 10 janvier 1870)
Frappée de quatorze coups de couteau. Le ménage Fouillet qui demeure rue des Rosiers à Saint-Ouen n’était pas le modèle des ménages. Le mari, Louis Fouillet âgé de 35 ans, n’avait pas de profession bien définie, et la conduite de la femme s’en ressentait. Mais jusqu’ici, à part des discussions dues à l’ivrognerie de Fouillet, le ménage vivait tant bien que mal. La nuit dernière, Fouillet et sa femme revenaient de chez des amis quand le mari, surexcité par de nombreuses libations, fit de violents reproches à sa femme. Comme celle-ci lui répliquait, Louis Fouillet, au comble de la fureur, se précipita sur elle et la frappa de quatorze coups de couteau à la tête et à la poitrine. Puis Fouillet prit la fuite. La victime dont l’état est grave, a été transportée à l’hôpital Beaujon. (Le Petit Journal, 7 janvier 1910)
«Petit lexique des microformes journalistiques», Études françaises, volume 44, numéro 3, 2008, p. 13–22.
Les faits divers se lisent généralement à la page 2 ou 3 du journal.
*Reportage :
L’exemple de la presse anglo-saxonne et plus spécialement américaine, dont provient le mot de reporter, a pris également sa part dans l’émergence du genre, en ayant fortement imposé dans les esprits comme dans la pratique, dès 1830-1840 [aux États-Unis], une conception du journalisme opposant l’ordre des faits (facts), des nouvelles (news) et du récit (story) au régime du commentaire et des opinions (views), sur fond de démocratisation de la vie publique et de marchandisation de l’information.
Pascal Durand, «Le reportage», La Civilisation du journal, p. 1013.
Le «reporter» est un produit de la vie moderne. Se rend-on compte de la souplesse, de l’énergie, et souvent de l’héroïsme professionnel, qu’ont demandés à leurs auteurs quelques-uns des grands reportages modernes? Et d’abord, se souvient-on seulement de tous les événements d’importance mondiale dont, au cours de ces trente dernières années — à ne parler que des faits intéressant les lecteurs français — la curiosité publique surexcitée a été tenue au courant jour par jour, incident par incident, grâce au dévouement professionnel, à l’initiative hardie, à l’ingéniosité toujours en éveil de nos grands reporters […]
A. de Chambure, À travers la presse, 1914, p. 443.
Exemples de reportage (les deux de reporters envoyés loin de Paris – mais n’oubliez pas que les reportages peuvent aussi être des enquêtes locales, dans les quartiers mêmes de la ville) :
*Interview :
— C’est une chose excessivement grave qui, pour être bien faite, exige d’énormes connaissances. Il faut avoir l’usage de la vie, savoir où l’on va, connaître – au moins par ses œuvres – l’homme chez qui l’on se rend, approfondir la question qu’on doit lui soumettre, savoir écouter, prendre tout ce que l’on vous dit, mais dans le sens où on le dit, interpréter avec sagacité et ne pas se contenter de reproduire textuellement. […] Non, l’interviewer ne doit pas être un vulgaire perroquet, il lui faut tout rétablir, le milieu, les circonstances, la physionomie de son interlocuteur, enfin faire œuvre d’homme de talent, tout en respectant la pensée d’autrui.
— L’interview est une chose très compliquée, extrêmement délicate, pas facile du tout. […] Les journaux devraient donc confier les interviews à des têtes de ligne, à des écrivains de premier ordre, des romanciers extrêmement habiles, qui, eux, sauraient tout remettre au point. Mais voilà : les hommes de grand talent sont employés à autre chose… Heureusement pour eux !
— Alors ?
— Alors, que voulez-vous ? Si l’interview, telle qu’elle est pratiquée par ce temps de journalisme à la vapeur, bâclée en vingt minutes, rédigée à la va comme-je-te-pousse, écrite au galop sur une table de café, à côté d’un vermout ou d’une absinthe, si elle est le plus souvent un fleuve d’erreurs, elle n’en reste pas moins l’un des principaux éléments du journalisme contemporain : d’abord parce qu’elle en est la partie la plus vivante, ensuite parce qu’elle est le joujou préféré du public !
Émile Zola, interviewé sur l’interview dans Le Figaro en 1893
*Réclame :
« Petit article de journal, payé par celui qui le fait insérer, en dehors de la place assignée aux annonces, et qui contient l’éloge d’un objet mis dans le commerce […] Qu’elle se présente dans les journaux ou sur les affiches murales, la réclame, annonce déguisée, attire les chalands par l’énumération toujours exagérée et trop souvent menteuse d’avantages illusoires et fait la fortune des vendeurs » (Larousse du XIXe siècle).
On trouve ainsi dans la rubrique Agriculture-industrie-commerce de La Presse du 10 avril 1837 cette réclame qui est à lire en écho avec les nombreuses annonces pour le même produit parues dans la quatrième page des publicités :
« M. de Langrenier, propriétaire du Racahout des Arabes, signale à nos lecteurs les nombreuses imitations ou contrefaçons grossières de cet aliment. Ces contrefaçons, inventées par la cupidité ou par le charlatanisme, n’ont aucune autorisation légale ; elles ne sont point approuvées par l’Académie royale de musique, seul savant justifié pour examiner et autoriser les produits de ce genre reconnus supérieurs, et pour rejeter au contraire ceux qui pourraient nuire à la santé. »
«Petit lexique des microformes journalistiques», Études françaises, volume 44, numéro 3, 2008, p. 13–22.
*Écho :
«Titre sous lequel on désigne dans les journaux, les nouvelles qui circulent dans la ville, dans les salons et dans les lieux publics» (Larousse du XIXe siècle). Par exemple, les «échos de Paris».
Un exemple:
Encore un clubman qui va disparaître ! On raconte que le jeune de X…, dont les couleurs sont connues sur le turf, est complètement ruiné ! Ses chevaux de course doivent être vendus prochainement. Quant au propriétaire, il part, dit-on, pour le Canada. (Gil Blas, 10 février 1888)
«Petit lexique des microformes journalistiques», Études françaises, volume 44, numéro 3, 2008, pp. 13–22.
Autre exemple d’un écho :
Les échos se trouvent généralement à la une du journal, après une chronique ou un reportage dans les premières colonnes.