Nos Échos, Le Gaulois

Sophie et Miriam

Voici deux extraits des échos dans Le Gaulois, le 2 janvier 1884 et le 3 janvier 1884. Les échos sont trouvés sur la première page en bas sous le titre, Nos Échos, et le pseudonyme d’auteur est Un Domino. Les échos comprisent des bourses, des expositions du théâtre, des événements dans l’eglise catholique, une lettre d’un abonné, un musée rouvert, et des déesses et des maladies des personnes célèbres. Le ton de cette rubrique est très détendu.

Réponse à M. Millaud

Mes amis,

J’en ai tellement assez des hommes et de leurs opinions. Un homme forme une pensée cohérente, et tout à coup il croit qu’il est Socrate. Cette semaine, mon cher collègue Albert Millaud a partagé ce que j’ai trouvé être l’article le plus dramatique que j’ai lu au cours du mois dernier. Le monde du journalisme est pollué par des journalistes comme Millaud qui se croient plus intelligents que les autres et qui prétendent savoir ce qu’il est mieux pour la société.

Premièrement, permettez-moi de dire ceci: le but du journal est d’amuser, et les façons de le faire sont multiples. Millaud aime « les plus belles fables grecques et romaines » dont il parle, mais moi et beaucoup d’autres Parisiens ne les aiment pas. Quand j’ouvre le journal, je veux glousser. Je veux causer avec mes amis sur les sujets triviaux que j’ai lus le matin. C’est pourquoi j’aime ce que je fais – j’ai l’opportunité de partager des petits moments de plaisir avec mon public et de voir la joie qu’il leur apporte.

La popularité du reportage est excellente pour mon entreprise. Je gagne plus d’argent que jamais, et je n’ai pas peur de l’admettre. Il faut dire que la richesse était mon but. Certains croient sûrement que les journaux sont faits pour rapporter des faits, et il est necessaire que les écrivains publient les articles les plus intellectuels et sophistiqués. Je ne suis pas l’un d’entre eux, et je ne fais pas cela. Je suis sûr qu’il y a de grandes parties du journal que mes lecteurs ignorent parce qu’elles sont ennuyeuses, prétentieuses, ou peu attrayantes, et je ne vois pas cela comme un problème. Ils paient pour lire mes chroniques, c’est tout ce qui m’importe.

Pourquoi croit Millaud que c’est mal pour le journal de gagner de l’argent comme objectif? C’est une entreprise, nous essayons tout juste de gagner un salaire décent. Quelqu’un comme Millaud qui a ratissé grâce au journal ne peut pas se plaindre de quelqu’un qui veut faire la même chose. Ne vous inquiétez pas de ce que les autres journalistes écrivent; cela ne fera que vous distraire de votre travail. Et si vous n’aimez pas ses articles, ne les lisez pas. Si vous détestez que les gens écrivent pour leurs « dix francs de lignes, » avez-vous considéré l’état de notre économie? Pourquoi ne pas critiquer les conditions qui rendent la survie si difficile? 

Le reportage donne à tous quelque chose à discuter, quelque chose à attendre chaque jour. Peu importe si leur journée va mal, ils peuvent lire quelque chose d’amusant. Les journaux sont pour le peuple, pas juste les aristocrates, et c’est pourquoi j’étais particulièrement offensée par la déclaration que le journal moderne est « tout simplement un ramassis de ragots, dans le genre de ceux qui domestiques échangent en dinant. » En autre, les journaux sont imprimés tous les jours pour une raison – chaque jour il y a quelque chose de nouveau à lire et à penser. Avec ce rythme, qui est un bon rythme, tous les articles ne seront pas la meilleure littérature qu’on a jamais lue.

J’ai aussi lu l’article de Giffard, que j’ai beaucoup aimé. Giffard a soulevé deux points importants. Premièrement, avec l’augmentation du reportage, le monde des journaux gagne de nouveaux journalistes fantastiques et « un personnel de plus en plus instruit, » contrairement à ce que Millaud a dit. Deuxièmement, le journalisme français est, et reste toujours, « très alerte et très vivant. » Paris est une ville pleine d’action, et elle mérite des journaux qui puissent suivre.

Enfin, ce serait une injustice pour le public si je ne partageais pas une rumeur que j’ai entendue récemment. Lors de son récent voyage aux états-unis, mes sources me disent, une maîtresse de Millaud l’a trompé avec un journaliste américain. D’après certaines informations, Millaud était furieux quand il a appris cette information. Donc, je ne pense pas que c’est une coïncidence que Millaud ait publié un article aussi critique du style de journalisme américain.

À la prochaine,

La Marquise de Mimizan

Critique du reportage dans La Patrie

Voici une critique positive de l’article de Millaud dans La Patrie, un journal nationalist. Cet article est publié le 7 mai 1886. L’auteur résume l’argument de Millaud, et il est d’accord avec l’idée que le reportage tuera le journalisme. Il ajoute un paragraphe puissant:

Il y a une foule d’imbéciles que le fait de voir le public mis au courant de leurs faits et gestes, met en liesse. Leur vanité ne pouvait échapper aux reporters qui s’en font de la copie ! Chose fort naturelle! Ce qui nous étonne, c’est qu’il se trouve des gens pour lire tout ce fatras, pour s’égayer de tous ces potins, pour consacrer une minute de leur vie, pourtant si courte, à ces inepties.

La Patrie, 1886

Honoré de Balzac, Illusions perdues (2ème partie)

Introduction

  • 20 mai 1799 – 18 août 1850
  • Né dans une famille bourgeoise mais pas financièrement stable
  • 1819 – devenu romancier mercenaire
    • a appris qu’il faut avoir l’indépendance et la fortune pour publier les arts écrits
  • 1829: le Gars (Les Chouans) – premier roman populaire, contre le libéralisme
  • opinions politiques
  • 1830: écrivait des chroniques politiques et des contes pour quelques journaux
  • écrit de la vie privée
  • 1836:
    • La Chronique de Paris – un grand échec
    • a quitté Paris et a commencé à écrire Illusions Perdues
    • Girardin a fondé le roman feuilleton dans son nouveau journal La Presse
  • 1837-1843: Illusions perdues publié – un grand succès
  • Des personnages complexes, réels
  • Obsédé par l’argent, têtu
  • Mort d’épuisement

Source: Honoré de Balzac, Larousse

Réception

  • Tres négative
  • a nui à sa réputation
  • tout n’est pas corrompu
  • Une vengeance
  • “dégoûtant et cynique”

Jamais M. de Balzac n’avait jamais poussé à un degré aussi déplorable, l’abus de ces locutions vicieuses, de ces tours embarrassés, de ces descriptions diffuses et de cette prétention à la profondeur intellectuelle qui font de ses romans un pendant curieux aux livres embourbés et pâteux qui florissaient en France, avant que Malherbe vint. Telle est la publication dernière de M. de Balzac. Dieu veuille, pour nous et pour son libraire, que ce soit en outre sa dernière publication

Le Figaro, 1839

ce cloaque, qu’il appelle un livre

Le Commerce, 1839

Nous ne jugerons son œuvre que par ses côtés littéraires. Vue ainsi, elle a sans doute des parties fort belles, mais elle pèche dans le ton général, dans l’harmonie du plan, dans la vérité des caractères. Aucun des personnages de ce livre n’appartient à la vie réelle ; il faut aller au bagne pour trouver d’aussi grands scélérats, des monstres aussi niais, des coquins aussi stupides.

Le Constitutionnel, 1839

Sources: L’accueil glacial des « Illusions perdues » de Balzac dans la presse, sur Retronews et Les journalistes étaient-ils tous pourris à l’époque de Balzac ? sur Radiofrance

Questions de discussion

Quelles sont les plaintes de Balzac par rapport à l’état du journalisme?

Le livre, fút-il un chef-d’œuvre, doit devenir sous ta plume une stupide niaiserie, une œuvre dangereuse et malsaine.

Illusions perdues, page 402

Tu commenceras par trouver l’œuvre belle, et tu peux t’amuser à écrire alors ce que tu en penses. Le public se dira : Ce critique est sans jalousie, il sera sans doute impartial.

Illusions perdues, page 403

Pourquoi est ce que Lucien ne peut pas critiquer trop Nathan? Qu’en pense Lucien?

Dans ce moment-ci, tu es, à ses yeux, un espion, une canaille, un drôle; après-demain tu seras un grand homme, une tête forte, un homme de Plutarque! Nathan t’embrassera comme son meilleur ami.

Illusions perdues, page 423

Pourquoi doit-on utiliser plusieurs signatures différentes? Quel est l’effet?

samedi prochain, tu feras une feuille dans notre Revue, et tu la signeras DE RUBEMPRÉ en toutes lettres. Dans ce dernier article, tu diras : Le propre des belles œuvres est de soulever d’amples discussions. Cette semaine tel journal a dit telle chose du livre de Nathan, tel autre lui a vigoureusement répondu. Tu critiques les deux critiques C et L.

Illusions perdues, page 426

Pourquoi est-ce que les supérieurs de Lucien lui dit de ne pas trop investir dans son écriture? Qu’en pensez-vous?

Tu pensais donc ce que tu as écrit? dit Hector à Lucien. Oui. Ah! mon petit, dit Blondet, je te croyais plus fort!

Illusions perdues, page 421

mais des articles lus aujourd’hui, oubliés demain, ça ne vaut à mes yeux que ce qu’on les paye.

Illusions perdues, page 422

Quelle est l’influence de l’argent sur le travail de Lucien?

je suis incapable d’écrire deux mots d’éloge sur ce livre… Tu auras encore cent francs, dit Merlin.

Illusions perdues, page 425

Ils ont raison! s’écria Lucien quand il fut seul avec Coralie, les hommes doivent être des moyens entre les mains des gens forts. Quatre cents francs pour trois articles! Doguereau me les donnait à peine pour un livre qui m’a coûté deux ans de travail.

Illusions perdues, page 426

La Marquise de Mimizan: Ragots de la rue

Mes amis –

Cette semaine à Paris, les rues sont remplies de ragots – plus que d’habitude. Une promenade dans la ville il y a quelques jours a révélé les secrets les plus juteux de la ville. 

La semaine dernière, le cadavre d’un homme a été découvert derrière un restaurant à Paris, une balle dans la tête. Les détectives au scène de crime ont decidé que c’était un suicide, et pendant plusieurs jours, les parisiens ont cru cette explication. Mais récemment, quelques personnes ont formé de nouvelles idées. À l’extérieur d’un magasin au coin, un groupe de quatre ou cinq femmes bien habillées discutent des faits. Ils croient que c’était un meurtre.

Évidemment, la femme de cet homme, que nous appellerons Mme. P, avait un petit ami qu’elle avait visité en secret pendant plusieurs mois. Mais son mari a commencé à soupçonner qu’elle le trompait. Tard dans la nuit, par coordination ou coïncidence, les deux hommes ont échangé des mots derrière le restaurant. La conversation s’est transformée en cris, et le petit ami a sorti un pistolet. 

Une femme du groupe dit que le petit ami a été blessé, mais une autre nie. Elle travaille dans un hôpital près du restaurant, dit-elle, et ils n’ont reçu aucun patient avec des blessures par balle cette nuit. Elle insiste qu’il s’est échappé sans être grièvement blessé. Une autre femme dit qu’elle a entendu que la femme et son petit ami avaient maintenant l’intention de fuir le pays ensemble.

Dans un quartier de l’autre côté de la ville, j’entends des plaintes au sujet d’un chien qui terrorise les voisins, parce qu’il n’arrête jamais d’aboyer. Toute la journée et toute la nuit – quand les bonnes sortent les poubelles, quand les pères rentrent du travail, quand les mères mettent leurs enfants au lit – le chien aboie. 

La propriétaire de ce chien, Mme. A, est plutôt âgée et souffre de solitude depuis le décès de son mari l’année dernier, disent les voisins. Cette solitude l’a poussée à prendre un chien de la rue. Les voisins ont parlé directement à Mme A en plus d’alerter la police, mais rien n’a été fait. 

Deux adolescents rentrent de l’école en portant leur uniforme et leurs sacs à dos. Une des bonnes, affirme l’une, est devenue si furieuse qu’elle a jeté une pierre dans la fenêtre de Mme A. Cela a provoqué un fort cri. Mme. A a menacé d’obtenir une ordonnance restrictive contre cette bonne et a demandé qu’elle soit virée.

Dans un quartier plus modeste, beaucoup de gens sont en colère contre le facteur. Ils disent qu’il arrive irrégulièrement, parfois une semaine sans rien recevoir. Le facteur, disent-ils, est un ivrogne. Il ne se sent pas concerné par son travail. Quand le courrier est arrivé, c’est en désordre. Les gens reçoivent du courrier qui appartient à leurs voisins. Les enveloppes sont déchirées, pliées, et endommagées. Une femme âgée affirme que, en raison du comportement négligent du facteur, elle n’a toujours pas reçu l’invitation au mariage de son fils. Une jeune mère répond que, la connaissant, elle n’a peut-être pas été invitée.

Enfin, une pièce de théâtre a suscité un certain débat cette semaine – mais pour les mauvaises raisons. Selon un groupe de jeunes femmes à l’extérieur du théâtre, l’acteur principal a plus de trois enfants hors mariage. Plusieurs femmes ont affirmé qu’il avait promis de les épouser, mais puis il les a quittées pour poursuivre sa carrière. L’acteur a nié les allégations, affirmant que ces femmes veulent juste la célébrité et l’argent.

Je suis vraiment enthousiaste d’entendre comment ces histoires se développent. De plus, mes sources me disent qu’une famille aristocratique très populaire attend un enfant. J’enquêterai sur cette histoire la semaine prochaine.

À la prochaine,

La Marquise de Mimizan

La Marquise de Mimizan

La Marquise de Mimizan

La Marquise de Mimizan vient d’une famille très riche et bien éduquée. Son père l’envoyait dans les meilleures écoles de France, mais elle était exclue plusieurs fois parce qu’elle a trop comméré. Elle a donc transformé sa mauvaise habitude en carrière. Partout où elle voyage, elle veut connaître le foin. Qui est enceinte? Qui a été viré? Qui s’est disputé avec son ami? Elle mange les potins de la ville comme ceux-ci sont les meilleurs fromages du monde. Sa famille la supplie de se marier et d’avoir des enfants, mais elle n’a pas le temps – elle est trop occupée à faire des commérages et à dire à ses lecteurs tout ce qu’elle sait. Quand les Parisiens murmurent des secrets à leurs amis, il faut regarder dans toutes les directions pour garantir leur intimité. On ne sait jamais si la Marquise écoute. Ses amis ne lui font pas confiance, parce qu’ils savent que tout ce qu’ils lui diront finira dans le journal le lendemain. Malgré cela, elle est très populaire, surtout parmi les jeunes femmes. Elle porte les vêtements et les bijoux les plus luxueux. La Marquise ne révèle jamais son salaire, mais on soupçonne qu’il est considerable. Elle est pleine d’esprit, intelligente, ironique, et sans doute la chronique la plus discutée de Paris.