Pour la Défense de Bel-Ami

9 Juin, 1885

Inès Moreau 

Peu d’œuvres ont autant attaqué notre profession que Bel-Ami de Guy de Maupassant. Le portrait de Georges Duroy, journaliste ambitieux mais sans principes, est aussi percutant que vrai, et pourtant les critiques abondent, choqués par ce qu’ils appellent son pessimisme « répugnant ». « Il a beaucoup de talent, M. de Maupassant », écrit un critique, »mais son Bel-Ami est bien répugnant, et, dut-on me trouver bien arriere, j’aimerais mieux lui voir choisir des sujets plus propres. » (Quisait, Le Gaulois, 2 juin 1885, p. 1) Et par ces mots, notre profession recule devant son propre reflet, se protège les yeux de la lumière crue que Maupassant a jetée sur nous.

Mais pourquoi cette indignation ? Maupassant lui-même a dit de son protagoniste : « Il ne sait rien, il est simplement affamé d’argent et privé de conscience ». Duroy, écrit-il, est une « graine de gredin », une graine de vice qui ne pousse que dans le sol du journalisme (Maupassant, 7 Juin 1885). Une image qui dérange peut-être, mais combien d’entre nous peuvent dire qu’ils n’ont pas, à un moment ou à un autre, senti cette « graine de gredin » en eux ? Nous devons affronter la vérité inquiétante que Bel-Ami met à nu : la profession que nous prétendons vénérer est, dans la pratique, souvent loin d’être noble. Prenons, par exemple, la description que fait Maupassant du journaliste qui, au lieu de s’engager véritablement avec ses sujets, inventait leurs opinions pour satisfaire l’agenda du journal. « Alors vous croyez comme ça que je vais aller demander à ce Chinois et à cet Indien ce qu’ils pensent de l’Angleterre ? » se moque-t-il. « J’en ai déjà interviewé cinq cents de ces Chinois, Persans, Hindous, Chiliens, Japonais et autres. Ils répondent tous la même chose, d’après moi » (Bel-Ami, chapitre IV). Avec ces mots, Maupassant saisit le cœur du problème : notre presse n’est pas seulement corrompue, mais activement trompeuse, peu soucieuse de la vérité, et encore moins des individus qu’elle est censée représenter.

Je me souviens de mes propres débuts dans ce domaine. Lorsque j’ai été engagée comme première chroniqueuse ouvertement féminine pour Les Articles de Paix et des Peuples, j’étais ravie. J’envisageais une carrière consacrée à des reportages honnêtes, à l’amplification de voix trop souvent réduites au silence. Mais au fur et à mesure que j’avançais dans le journalisme, je me suis retrouvée de plus en plus isolée, non seulement en tant que femme, mais aussi en tant que personne recherchant l’intégrité dans une profession où les compromis sont nombreux. J’ai moi aussi ressenti l’attrait du succès superficiel, l’attrait de la richesse qu’incarne Duroy. Ce n’est pas une coïncidence que Bel-Ami a résonné si fort en moi ; le réquisitoire de Maupassant contre notre profession reflète mes propres frustrations.

À ceux qui appellent cela du « pessimisme », je dis : c’est bien. Si c’est du pessimisme que de dénoncer la rhétorique fallacieuse et la tromperie intéressée de notre profession, alors soyons tous pessimistes. N’avons-nous pas construit cette profession sur les bases du scepticisme, de la recherche incessante de la vérité ? Quel crime y a-t-il donc à tourner notre regard vers l’intérieur et à soumettre nos propres pratiques à cette même norme ? Ou se pourrait-t-il, comme je le soupçonne, que le réalisme de Maupassant nous touche de très près ? Peut-être son portrait du journalisme est-il intolérable pour certains, précisément parce qu’il montre à quel point nous nous sommes éloignés des principes mêmes qui ont poussé nos ancêtres à la révolution, à la guerre et à la poursuite incessante de la vérité.

Et pourtant, dans tout cela, je trouve trivial de continuer à débattre de Bel-Ami alors que nous avons des sujets bien plus importants à traiter. Cette semaine tout juste, j’ai entendu parler de la signature du traité de Tientsin, qui se solidifie la domination coloniale de la France sur le Viêtnam. Oui, la France profitera des ressources, mais le peuple vietnamien en paiera le prix, son autonomie étant sacrifiée sur l’autel de l’ambition française. Alors que nous sommes ici, accrochés à nos illusions morales, rappelons-nous que notre propre liberté et notre propre justice sont liées à la liberté de tous les peuples, et pas seulement de ceux qui se trouvent à l’intérieur de nos frontières. Que cette querelle au sujet de Bel-Ami soit donc enterrée dès demain. Car si nous, journalistes, ne pouvons pas nous confronter aux défauts décrits par Maupassant, comment pouvons-nous espérer nous confronter à l’impact des actions de notre nation au-delà de ses frontières ? Notre autonomie, nos valeurs, sont inséparables de ceux que nous affectons et influençons. À mes collègues journalistes, je déclare : réclamons les idéaux que nous prétendons défendre. Examinons, éclairons et n’ayons pas peur d’affronter les dures vérités, même lorsqu’elles nous sont renvoyées.

Inès Moreau

Fantine D’Avignon: Les Femmes en Bel-Ami

Mes très chers lecteurs,

   C’est un autre jour ici à Paris. Comme vous et moi connaissons très bien le comportement des revues parisiennes, nous savons qu’à chaque nouveau jour, vient une nouvelle édition de nombreuses revues remplies de chroniqueurs qui semblent tous sentir qu’ils doivent partager leurs réflexions sur les nouveautés littéraires, les derniers événements, le travail de leurs pairs, etc. En règle générale, j’évite de participer à cette saison de potins inutile et frénétique et choisis plutôt de m’insérer lorsque cela est nécessaire pour partager une perspective qui n’est pas représentée dans cette vague de chroniqueurs inflexibles et vexants.

Mes très chers lecteurs, aujourd’hui est l’un de ces jours. Je m’insère dans une conversation qui manque, non pas de contenu ou de quantité, mais plutôt de perspective et de valeurs. Guy de Maupassant a sorti son roman Bel-Ami et, comme prévu, il a reçu beaucoup d’attention dans la presse.

Le roman, comme je suppose que vous l’avez tous lu ou lu, est très controversé. Je suis quelque peu d’accord avec beaucoup de mes collègues chroniqueurs dans leur critique générale selon laquelle le roman est pessimiste et peut-être même irréaliste. Mes collègues chroniqueurs contestent la représentation de la presse et ses intentions, ses objectifs. Oui, je pense que ce roman n’est pas l’interprétation la plus réaliste de la presse et je le trouve pessimiste. Cependant, je souhaite évoquer une pensée qui n’a été que légèrement discutée par mes pairs. Certains suggèrent que Maupassant écrit à partir de ses expériences et de son point de vue. Je tiens à souligner que cela pourrait être tout à fait vrai. Maupassant écrit selon sa perspective, celle d’un homme riche et puissant, qui n’a pas eu à gravir les échelons sociaux ni à lutter dans la société parisienne. Ainsi, un roman mettant en scène le point de vue d’un individu très privilégié sera naturellement irréaliste. Sa perspective est tout simplement irréaliste, surtout en ce qui concerne l’homme et la femme parisiens de tous les jours.

Ceci mis à part, je suis plutôt en désaccord avec un élément important du roman : la façon dont DuRoy a gravi les échelons du journalisme. Le seul moyen pour DuRoy de se déplacer dans la sphère journalistique passe par les femmes. La représentation et l’utilisation des femmes par Maupassant sont néfastes et sexistes. Dans ce roman, les femmes ne sont pas des personnes, elles sont utilisées comme de simples objets à utiliser ou à utiliser pour gravir les échelons sociaux et accéder au pouvoir. Le double standard que Maupassant présente pour les femmes et son personnage DuRoy est stupéfiant. Tout ce que DuRoy représente est hypocrite.

Bon nombre des critiques de mes collègues ne parlent pas des femmes. Ils choisissent plutôt de se concentrer sur la représentation générale du journalisme. La seule exception concerne Mirbeau dans La Presse et Bel-Ami, dans le journal La France. Il commence sa critique en disant“Le sujet de Bel-Ami est fort simple. C’est l’histoire d’un gredin qui vit des femmes. Or, il arrive ce gredin qui vit des femmes est en meme temps un journaliste.” Cependant, cela s’arrête là aussi. Il ne développe pas sa déclaration très vraie. Il avance très vite.

La réponse de Maupassant n’aide pas son cas. Sa réponse prouve plutôt sa vision d’une élite riche dans notre société.  Dans sa réponse, il continue de parler des femmes comme de tremplins et non comme des personnes. Il hésite à admettre l’intelligence des femmes et il est très peu mentionné dans cette histoire comment les actions de DuRoy affectent les femmes. Cependant, son roman dresse un tableau néfaste – si une femme est intelligente, alors elle a de mauvaises intentions et se jettera sur les hommes. 

Toute femme sait que ce n’est pas le cas. Il est évident que notre intelligence, en tant que femmes, n’est pas appréciée. Il est évident que nous, en tant que femmes, ne sommes ni appréciées ni considérées comme des personnes dans notre société. Nous sommes bien plus que nos maris, nos enfants, notre statut et nos familles. Bel-Ami ne raconte pas une histoire précise des Parisiennes. Il dépeint plutôt l’histoire d’un scélérat hypocrite, sans morale ni valeurs, sans empathie ni remords. Il raconte l’histoire de quelqu’un qui voit le monde à travers ces yeux. Si seulement un homme ayant les moyens et le statut de Maupassant était assez intelligent pour le reconnaître.

Anaïs d’Avignon: La perspective feministe de Bel-Ami

Récemment, tout que j’ai entendu, c’est l’avis de tout le monde sur Bel-Ami, le nouveau roman de Guy Maupassant. Alors, la semaine dernière, je suis allé à la librairie. J’ai combattu d’autres personnes pour prendre le livre. Tout le monde veut le lire! Et qui peut dire non? Chaque journal donne son avis. Et la plupart le détestent comme si c’était le pire roman du monde. Le Gaulois dit même que Maupassant a écrit un roman sans “un atome de conscience morale”! Il faut que je l’ai lu!  

Et, je suis très heureuse d’avoir fait ça. Ce roman a ouvert mes yeux à un problème que j’ai pas discuté avec vous, les lecteurs. Mais, avant de parler de ça, je veux m’occuper de l’idée, qui est présentée par beaucoup de journalistes, que le roman est trop pessimiste. À cela, je dis: est-ce qu’il n’a pas le droit de dire qu’il veut? Il ne peut illustrer le monde qu’il voit? Le problème aujourd’hui, à mon avis, est que tout le monde veut lire ce qu’il sait être moralement correct. Ils sont terrifiés à l’idée de devoir rendre leurs conclusions indépendantes. C’est comme les critiques de Flaubert- pourquoi est-ce qu’on besoin d’un narrateur qui condamne les actions des personnages? Sont tous les lecteurs des enfants? Non! Nous savons quand quelque chose est immoral. 

Mais, plus important, je pense que ce roman a ouvert les yeux de la société des rôles de genre. Je sais que c’est surprenant. Quand j’ai fini le livre, mes amis ont supposé que je le détestais à cause de la façon dont il montre les femmes. Mais, ma réaction a été à l’opposé! Oui, dans le roman, DuRoy utilise les femmes pour améliorer sa carrière, et elles n’ont pas de personnalité complexe. Mais, comme j’ai dit, je peux me faire mon opinion. Et, je pense que le roman présente l’oppression des femmes à travers le regard de DuRoy. Non, le narrateur ne condamne pas les actions de DuRoy avec les femmes, mais quel bon roman fait cela? Il montre la façon dont les femmes, malgré le fait que c’est difficile d’être employée, sont utilisées pour monter. DuRoy séduit les femmes qui peuvent s’aider, et utiliser ses ressources pour monter et réussir sa carrière. Le roman, à mon avis, est utilisé pour exposer le misogyny, pas juste dans la journaliste, mais dans le monde. Il faut que les romans comme Bel-Ami existent! Beaucoup de gens veulent agir comme si la vie des femmes était égale à celle des hommes et que le problème des femmes n’existait pas. Et il est très facile de prétendre cela quand l’idée n’est pas exposée dans les médias populaires. Mais quand quelqu’un comme Maupassant expose ce phénomène à travers de la littérature, les hommes sont obligés de réfléchir à leurs actions. Je ne pense pas que c’est le butte de Maupassant du tout! Il n’est pas une feministe! Mais, quand tout le monde pense “Quel méchant!” à DuRoy, peut- être que les hommes sont obligés de réfléchir à la façon dont ils utilisent les femmes dans leur vie. 

Mais, j’ai aussi des problèmes avec des romans. Comme j’ai dit, les femmes du roman n’ont pas de personnalité complexe. Elles sont des objets pour la montée de DuRoy. Ils ne sont pas non plus présentés comme de bonnes personnes, bien que la plupart des personnages du roman ne le soient pas! Je pense que si les femmes avaient été présentées commes les personnages intéressants, plus de lecteurs avaient eu de l’empathie pour leur lutte.

En conclusion, j’ai aimée le roman, et je pense que la réaction negatif est stupide. Aux critiques négatives, je vous demande: Quel est le problème? Que l’auteur a donné ses idées sur la page? Si on voit un roman comme un commentaire sur la société, et pas comme la bible, on peut l’analyser plus. Je pense que ce roman était une exposition sur la lutte des femmes (même si elles ne sont pas trop sympathiques!). Je ne crois pas que c’est le but de Maupassant, mais c’est mon interprétation! Je vous encourage à avoir une vision indépendante sur la littérature, et à l’utiliser pour lutter pour les droits des femmes! 

Sincerement, 

Anaïs d’Avignon

Le Livre à la Mode

Bonjour, mes chers lecteurs,

J’ai commencé ma journée comme d’habitude, en me promenant dans notre belle ville de Paris, devant le Louvre et le long de la Seine, en quête d’inspiration. Mais hélas, quel temps horrible nous avons en ce moment ! Une pluie lourde et sombre enveloppe la ville, et au lieu de fouler les boulevards, les gens se réfugient dans les cafés, une boisson à la main, un livre ou un journal dans l’autre, en attendant que l’orage passe. Je les ai rejoints dans un café chaleureux et animé, regardant les autres se secouer comme des chiens mouillés avant de s’installer avec un verre. Et quel spectacle ! Partout, des gens plongés dans des livres et des journaux — quel accessoire ! Imaginez, mes chers lecteurs, comme un livre peut être révélateur, un peu comme un accessoire de mode et de l’esprit, révélant goûts, intellect, et même un peu de l’âme ! Il y avait une jeune femme lisant Illusions Perdues et un homme plus âgé avec La Parisienne. Puis mes yeux se sont posés non pas sur un, mais sur plusieurs exemplaires de Bel-Ami — visiblement, la ville est captivé par la dernière mode littéraire ! Je n’ai pas pu résister et je me suis précipitée pour l’acheter moi aussi. Et voilà, votre humble chroniqueuse de mode Estelle Violette, prête à partager mes impressions sur l’œuvre de Monsieur Maupassant, car je connais un peu l’art, la littérature et le monde de la presse parisienne que Maupassant dépeint avec flair.

Le roman m’a captivée dès le début. J’ai été particulièrement frappée par le rôle des femmes dans Bel-Ami, chacune occupant une place integrale dans l’histoire et dans la société. Les femmes ne sont pas totalement en marge de cette histoire ; elles sont des personnages essentiels, à la fois actrices et moteurs des événements. La représentation de la presse par Maupassant est peut-être peu flatteuse, certains diraient même inexacte, mais elle est indéniablement divertissante ! Et à mesure que notre presse évolue, on pourrait dire qu’elle reste tout aussi complexe — une critique saine est essentielle. Cela m’amène au débat littéraire qui a suivi la publication de Bel-Ami. Certains critiques disent que la vision de la presse par Maupassant est trop pessimiste ou exagérée, mais Maupassant a répondu dans Le Gaulois, en disant, “J’ai décrit le journalisme interlope comme on décrit le monde interlope. Cela était-il donc interdit ?“  Devons-nous censurer ces choix artistiques ? Pour moi, c’est l’essence de la littérature, permettant à l’art d’explorer tout les facettes de la société, même les aspects que l’on préférerait ignorer. Et n’oublions pas l’importance qu’accorde Maupassant au rôle des femmes dans le roman ! Il affirme a propos de Duroy, “il n’a aucun talent. C’est par les femmes seules qu’il arrive.” En effet, l’ascension de Duroy dans la société est portée par les femmes qui l’aident, pour ensuite être rejetées lorsqu’elles ne sont plus utiles. C’est à la fois fascinant et tragique — un avertissement, peut-être, pour les jeunes hommes qui pourraient idéaliser les méthodes de Duroy. Le succès bâti sur la manipulation est éphémère, après tout, et j’espère que nos lecteurs ne se laisseront pas prendre à ce jeu. En lisant Bel-Ami, j’attendais un retournement de situation, une justice poétique pour Duroy, peut-être de la part des femmes qu’il a trahies. Mais ce moment n’est jamais arrivé…c’est peut-être pour cela que l’histoire de Maupassant nous hante bien après la dernière page. Nous espérons une histoire où la vertu triomphe et les méchants tombent — mais la vie n’est rarement aussi obligeante, et ce récit nous rappelle cette vérité un peu dure. Le monde extérieur est peut-être sombre, mais à l’intérieur, la lecture est à la mode ! Dans ce grand âge de la presse, enrichir son esprit est tout aussi important que soigner son apparence. Bel-Ami m’a fait voyager dans les subtilités de la presse et de la société parisienne, offrant un miroir, bien que sombre, sur nos ambitions et nos valeurs. Et maintenant, mes chers lecteurs, je vous le transmets. Puisse-t-il faire autant résonner en vous qu’il l’a fait en moi.

-Estelle Violette

Françoise Francillon : L’Audace Masculin dans Bel-Ami

Dans le nouveau roman Bel-Ami par Guy de Maupassant, le personnage principal, Georges Duroy, commence comme un pauvre homme et à la fin devient un des plus riches hommes à Paris. Sa montée dans la société est facilitée par des femmes qui l’aident et qu’il dispose de quand il monte avec leur aide et ne les besoins plus.

Plusieurs critiques n’aiment pas ce roman. Les critiques dans Le Gaulois et Le Matin, parmi d’autres, disent que Bel-Ami est un roman trop pessimiste et une mauvaise représentation du journalisme parce que le roman le peint comme un métier avec rien que la corruption. Bien sûr, le journalisme n’est pas aussi sombre que Maupassant suggère, mais l’exagération est le point d’un roman – personne ne veut lire un descriptif factuel de l’industrie. Comme journaliste, je peux dire que le journalisme n’est pas aussi corrompu que Duroy, mais cela n’est pas un métier plus noble qu’aucun autre travail. On peut voir les aspects du roman, bien sûr moins exagérés, dans mon métier. 

Je trouve aussi que ce roman est une image très puissante et très réaliste des hommes avec le pouvoir et des femmes qu’ils ont utilisé pour obtenir ce pouvoir. Les critiques de ce roman ont raison quand ils disent que pas chaque homme, et pas chaque journaliste, manipule les femmes et la société pour obtenir leur pouvoir. Mais il y en a assez pour les femmes de se reconnaître dans le récit, pour voir dans le personnage de Duroy des hommes qui les ont trompés et trahis à cause de la pensée masculin que les hommes ont le droit d’avoir tous qu’ils veulent. 

Duroy commence le récit comme un homme pauvre, mais même à ce moment il veut conquérir Paris (47-48). Il est un homme ordinaire avec rien de spécial sauf l’audace. Ce rêve de pouvoir pour aucune raison sauf l’avoir est assez commun parmi les hommes Parisiens. Ils ont, à cause de leur sexe et leur socialisation masculin, l’idée qu’ils méritent une vie spéciale. Cette idée n’est pas extraordinaire, mais ce que Duroy fait pour obtenir ce pouvoir est plus choquant. 

Son sentiment de droit à tout ce qu’il veut est le plus visible avec la famille Walter. Quand il force Madame Walter à coucher avec lui, il utilise sa force physique pour la dominer. Il dit qu’il la respecte (282), mais il montre qu’il ne la voit pas comme une personne avec les choix concernant son corps. Cette scène est peut-être choquante pour quelques lecteurs, mais comme femme, je comprends comment l’audace masculin convainc des hommes qu’ils méritent aucune femme qu’ils veulent sans avoir le respect pour eux. Duroy voit les femmes comme des personnages dans sa vie, pas comme des êtres humaines. 

Plus tard dans le roman, Duroy décide qu’il ne veut plus de Madame Walter, même quand elle s’intéresse à lui (327). Il a couché avec elle par force et puis il a le jeté. Cela montre la continuation de son égoïsme – il pense seulement à lui-même et ce que d’autres peuvent faire pour lui. Son besoin pour le pouvoir à lui transformé à un psychopathe qui ne se concerne pas avec les sentiments d’autres.  

Le caractère de Duroy est si odieux que le lecteur a peur quand il séduit et kidnappe la fille de Madame Walter, Suzanne, pour obtenir son statut et argent avec le mariage (356). L’idée de kidnapper l’enfant de son patron et de sa maîtresse est audacieux, mais l’idée que Duroy a le droit de marier une des femmes les plus riches en France est une extension de l’avis que les hommes méritent des bonnes choses seulement parce qu’ils sont les hommes à Paris. 

Les attitudes de Duroy envers les femmes et le travail ne sont pas surprenants pour les femmes parce que nous voyons ces attitudes parmi des hommes ordinaires, bien sûr à un niveau plus bas. Les hommes pensent qu’ils ont le droit aux femmes qu’ils veulent, aux travaux qu’ils veulent, seulement parce qu’ils existent. Ils voient le monde comme leur cour de récréation, où tout existe pour leur plaire. En exagérant les caractéristiques masculines, Maupassant montre leur avarice et leur stupidité – on peut seulement voir ces caractéristiques quand on est assez loin de quelqu’un pour ne pas voir lui-même dans eux. 

Réponse à M. Millaud

Mes amis,

J’en ai tellement assez des hommes et de leurs opinions. Un homme forme une pensée cohérente, et tout à coup il croit qu’il est Socrate. Cette semaine, mon cher collègue Albert Millaud a partagé ce que j’ai trouvé être l’article le plus dramatique que j’ai lu au cours du mois dernier. Le monde du journalisme est pollué par des journalistes comme Millaud qui se croient plus intelligents que les autres et qui prétendent savoir ce qu’il est mieux pour la société.

Premièrement, permettez-moi de dire ceci: le but du journal est d’amuser, et les façons de le faire sont multiples. Millaud aime « les plus belles fables grecques et romaines » dont il parle, mais moi et beaucoup d’autres Parisiens ne les aiment pas. Quand j’ouvre le journal, je veux glousser. Je veux causer avec mes amis sur les sujets triviaux que j’ai lus le matin. C’est pourquoi j’aime ce que je fais – j’ai l’opportunité de partager des petits moments de plaisir avec mon public et de voir la joie qu’il leur apporte.

La popularité du reportage est excellente pour mon entreprise. Je gagne plus d’argent que jamais, et je n’ai pas peur de l’admettre. Il faut dire que la richesse était mon but. Certains croient sûrement que les journaux sont faits pour rapporter des faits, et il est necessaire que les écrivains publient les articles les plus intellectuels et sophistiqués. Je ne suis pas l’un d’entre eux, et je ne fais pas cela. Je suis sûr qu’il y a de grandes parties du journal que mes lecteurs ignorent parce qu’elles sont ennuyeuses, prétentieuses, ou peu attrayantes, et je ne vois pas cela comme un problème. Ils paient pour lire mes chroniques, c’est tout ce qui m’importe.

Pourquoi croit Millaud que c’est mal pour le journal de gagner de l’argent comme objectif? C’est une entreprise, nous essayons tout juste de gagner un salaire décent. Quelqu’un comme Millaud qui a ratissé grâce au journal ne peut pas se plaindre de quelqu’un qui veut faire la même chose. Ne vous inquiétez pas de ce que les autres journalistes écrivent; cela ne fera que vous distraire de votre travail. Et si vous n’aimez pas ses articles, ne les lisez pas. Si vous détestez que les gens écrivent pour leurs « dix francs de lignes, » avez-vous considéré l’état de notre économie? Pourquoi ne pas critiquer les conditions qui rendent la survie si difficile? 

Le reportage donne à tous quelque chose à discuter, quelque chose à attendre chaque jour. Peu importe si leur journée va mal, ils peuvent lire quelque chose d’amusant. Les journaux sont pour le peuple, pas juste les aristocrates, et c’est pourquoi j’étais particulièrement offensée par la déclaration que le journal moderne est « tout simplement un ramassis de ragots, dans le genre de ceux qui domestiques échangent en dinant. » En autre, les journaux sont imprimés tous les jours pour une raison – chaque jour il y a quelque chose de nouveau à lire et à penser. Avec ce rythme, qui est un bon rythme, tous les articles ne seront pas la meilleure littérature qu’on a jamais lue.

J’ai aussi lu l’article de Giffard, que j’ai beaucoup aimé. Giffard a soulevé deux points importants. Premièrement, avec l’augmentation du reportage, le monde des journaux gagne de nouveaux journalistes fantastiques et « un personnel de plus en plus instruit, » contrairement à ce que Millaud a dit. Deuxièmement, le journalisme français est, et reste toujours, « très alerte et très vivant. » Paris est une ville pleine d’action, et elle mérite des journaux qui puissent suivre.

Enfin, ce serait une injustice pour le public si je ne partageais pas une rumeur que j’ai entendue récemment. Lors de son récent voyage aux états-unis, mes sources me disent, une maîtresse de Millaud l’a trompé avec un journaliste américain. D’après certaines informations, Millaud était furieux quand il a appris cette information. Donc, je ne pense pas que c’est une coïncidence que Millaud ait publié un article aussi critique du style de journalisme américain.

À la prochaine,

La Marquise de Mimizan

Anaïs d’Avignon: La lutte pour le reportage

Comme beaucoup d’entre vous le savent, il y a eu un grand débat récemment entre Millaud et Giffard. Je pense que c’est un debat un peu stupide, et il faut que nous concentrons sur des choses plus importantes. “L’information pour tous- c’est une mauvaise idée?” Quelle honte! Non, je suis d’accord avec Giffard. Mais, pas pour toutes les mêmes raisons. Millaud pense que le journalisme avait remplacé la littérature, et aujourd’hui, le reportage remplace le journalisme. Premièrement, je veux poser la question à Millaud:  qui vous empêche d’être journaliste ou d’écrire un livre? Personne! Il pense que la raison de ce changement est que les gens veulent de l’argent avant tout, et que les reportages ont de l’argent. Peut-être c’est vrai, mais si on est une journaliste qui est très réussie, ils ne vont pas changer et écrire seulement les reports!  Giffard dit même que le journalisme s’améliorera parce qu’il recrutera des personnes plus avancées dans la profession. Il explique aussi que Millaud a visité New York récemment, et il parle des reportages américains, pas français! 

Une journaliste dans La Nation explique les raisons pour lesquelles elle est d’accord avec Giffard. Il demande, premièrement: pourquoi est-ce qu’on pense que c’est mauvais pour un reportage de gagner de l’argent? Il explique que tout le monde a le droit d’avoir de l’argent et que ce n’est pas une mauvaise chose de rechercher cet objectif. Je suis d’accord avec cela! Si les journalistes peuvent gagner beaucoup d’argent en étant reporté, pourquoi c’est mauvais? Il soutient aussi que c’est le public, pas les reportages, qui veut l’information. Le public veut tout l’information, le plus rapidement possible. C’est la culture d’aujourd’hui. Le travail des reportages est trop difficile, et la faute (pour les concernés de Millaud) n’en revient donc pas au journalisme, mais au public.

Cela m’amène à ma prochaine idée ! Le public est la raison pour laquelle je soutiens les reportages. Avant les reportages qui sont vite et informatifs, l’information est révélée dans les petits groupes d’ hommes. Ils ont fait des projets concernant le gouvernement, l’économie et la vie des autres sans consulter les autres. Mais, aujourd’hui, tout le monde peut recevoir l’information en même temps. Cela inclut les femmes. Aujourd’hui, les femmes peuvent recevoir des informations exactes et correctes qui peuvent les aider à prendre des décisions sociales et politiques. Par exemple, si de nouvelles informations sur une banque apparaissent, peuvent prendre des décisions financières sur cette base. Le première étage de l’autonomie pour les femmes et les minorités est l’information qui peut être utilisée pour changer leur état financier ou social. Les hommes comme Millaud ne veulent pas que les femmes commencent les “meilleures vies”, parce qu’il sait que si les femmes peuvent travailler, elles ne peuvent pas être biaisées (émotionnelles, physiques, etc.) Donc, il veut l’information et les nouvelles dans les mains des hommes riches et puissants, comme toujours. Mais, ses excuses sont que cela détruit “les vieux jours”. 

Aussi, si beaucoup de personnes ont l’accès de l’information des reportages, tout le monde peut donner son avis! Millaud n’aime pas cela.  Si tout le monde donne leur opinion, c’est possible que les lois et les normes de société changent. Les arguments comme celui de Millaud visent à tenir les femmes à l’écart des événements et de l’actualité mondiale importants. 

Les arguments de Giffard sont agréables et même parfois féministes. Il dit qu’il y a un lien entre les reportages et le suffrage universel masculin. Je pense que c’est vrai. Comme je vais expliquer, l’information rapide cause les gens à former des opinions plus développées, ce qui aurait pu conduire au suffrage. Si cela continue, peut-être qu’un jour, le suffrage universel s’appliquera également aux femmes. C’est le véritable suffrage universel.

En résumé, je pense que plus d’informations entre les mains d’un plus grand nombre de personnes ne peuvent pas être une chose négative pour notre société. Ceux qui ne sont pas d’accord avec moi (Et Giffard) veulent que le monde soit dominé par de vieux hommes riches et blancs.

Estelle Violette: “Débat et Style: Ce que Millaud et Giffard nous enseignent”

Chères lectrices et chers lecteurs,

Aujourd’hui, en me promenant dans les boulevards près de l’Opéra en allant au bureau, j’ai été frappée par un sujet qui fait beaucoup parler : le débat entre Monsieur Millaud et Monsieur Giffard. Vous avez sûrement vu les affiches dans les kiosques ! En tant que chroniqueuse de mode, je préfère habituellement parler d’esthétique et de style, mais ce débat est trop important pour ne pas en parler. Il touche à l’évolution de notre société et, par conséquent, de la mode elle-même. Millaud affirme que le reportage, en tant que forme de journalisme, tue la littérature. Il veut un retour à un style d’écriture plus “artistique”, plus riche et plus profond. De son côté, Giffard défend l’idée que le reportage nous aide à mieux comprendre le monde et répond aux besoins des lecteurs d’aujourd’hui. Pour ma part, je suis d’accord avec Giffard. Le reportage n’est pas une menace ; il représente une opportunité. Dans mon métier, je cherche sans cesse de nouvelles tendances et inspirations dans les rues. Je réalise que la mode est souvent liée à notre culture actuelle, et la mode évolue avec la société, tout comme la littérature. Ignorer ces changements, c’est manquer quelque chose de précieux. La mode ne peut pas rester fixée dans le passé ; elle doit se réinventer, tout comme la littérature. En arrivant au bureau pour récupérer mon chèque de ma dernière chronique, j’ai entendu des rumeurs intéressantes. Certains disent que ce débat a été créé pour attirer plus de lecteurs. C’est révélateur du monde de la presse, n’est-ce pas ? Mais attention, mes chers lecteurs. Dans un monde où le sensationnalisme est courant, il est important de garder un esprit critique. Tous les chroniqueurs ne sont pas aussi honnêtes que moi ! 

Àux bureau, en discutant avec des écrivains de voyage récemment revenus d’Égypte, j’ai découvert des manteaux absolument magnifiques, fabriqués par un ancien tisserand près des Pyramides de Gizeh. Ces histoires ne parlent pas seulement de vêtements, mais racontent aussi un héritage culturel. Chaque pièce a une histoire et c’est fascinant de voir comment cela se reflète dans notre quotidien. Au bureau, j’ai aussi observé de près les vêtements des journalistes. Les reporters portent des tenues pratiques pour leur travail, tandis que les chroniqueurs comme moi, ajoutent souvent des touches d’originalité et style. Ce contraste montre que la mode ne se limite pas à l’apparence ; elle parle aussi de notre identité et de notre métier. À travers nos choix vestimentaires, nous faisons passer un message sur qui nous sommes. Il est intéressant de voir que les nouvelles tendances naissent souvent de discussions, de débats, et même de rumeurs dans les rues de Paris. Les choix vestimentaires de chacun peuvent être influencés par des conversations ou des événements dans le monde. Ainsi, le débat entre Millaud et Giffard, même s’il concerne la littérature, a aussi des répercussions sur notre vision de la mode et de la culture. En conclusion, je vous invite à garder l’esprit ouvert face à ces changements. La mode, tout comme la littérature, évolue constamment. Elle reflète notre société et les transformations de notre époque. Ne craignons pas le changement ; au contraire, accueillons-le, et continuons à débattre et à partager nos réflexions.

À très bientôt, avec encore plus d’histoires et de mode à partager !

— Estelle Violette

Fantine D’Avignon: Évolution à Paris

Mes chers lecteurs,


C’est un nouveau jour à Paris. Au moment où vous lirez mes mots, une autre journée aura commencé depuis que je vous ai écrit à tous, mes chers lecteurs. À chaque nouvelle aube qui émerge à Paris, elle est accueillie favorablement par les citoyens de la ville. Chaque nouveau jour s’accompagne d’une genèse de changement et d’évolution visible sur nos propres boulevards parisiens, tant à travers l’homme ordinaire que les plus grands esprits parisiens.
Cependant, les possibilités de changement sont enivrantes. Les Parisiens sont d’abord victimes du jeu d’échecs revigorant des ragots qui proviennent non seulement de l’inconnu, mais aussi, intensément, de ce qui est connu. Le changement par rapport à notre normalité nous engloutit. Positif ou négatif, peu importe sa taille, il nous oblige à changer avec lui.
Mes pensées commencent ici. Je trouve que le mot changement est plutôt chargé négativement au sein de notre société. Je crois que l’évolution résume de manière plus factuelle ce qui se passe réellement que le mot changement. À première vue, le changement n’est pas simplement accepté, mais adopté. Pourtant, le changement se heurte souvent à d’incroyables résistances. Ceux qui vantent et revendiquent le changement sont souvent ceux qui s’y opposent le plus.
On peut soutenir que ce qui se passe à Paris, et bien sûr dans le monde entier, n’est pas un changement. C’est une évolution. Le changement est l’acte de devenir différent, tandis que l’évolution est un processus graduel d’accumulation de changement. Paris ne change pas du jour au lendemain. Paris ressemble un peu à une tasse. Vous pouvez continuer à remplir la tasse de thé à ras bord. Chaque goutte s’accumule, créant un ménisque attendant de déborder. Un ménisque qui, lorsqu’il est déversé, représente l’accumulation du changement; notre évolution.
Paris évolue depuis des siècles, ce que Millaud dans son débat “Le Figaro” avec Giffard semble oublier. Ce qui offense, ce qu’il juge dommageable, c’est simplement l’évolution non seulement de la littérature, mais de Paris. Le journalisme n’a pas tué et ne tuera pas la littérature, comme il le prétend. Le livre est toujours bien vivant.
Oui, le kiosque a triomphé, mais la librairie est loin d’être tombée. Giffard a raison lorsqu’il dit que le journalisme est en train de changer et non de mourir. Le journalisme et la littérature ne s’excluent pas mutuellement. Au contraire, ils sont partenaires de l’évolution de la société parisienne; une société qui s’adresse désormais davantage à la famille de tous les jours, une société où l’information est plus accessible à tout Paris, et pas seulement aux élites.

Le problème de Millaud avec le reportage est intéressant. Sa position ferme contre le partage d’informations factuelles sur les événements et les événements de Paris avec le public est révélatrice. Il exprime une étrange inquiétude face au manque d’originalité et d’individualité de cette section. C’est sans doute cet aspect qui fait du reportage un élément si important de notre journalisme contemporain. Son affirmation selon laquelle n’importe qui pourrait écrire pour le reportage est fausse. C’est sans doute plus difficile que d’écrire une chronique en tant que journaliste; il faut bien plus que de la confiance en soi pour le faire correctement. Être capable de se retirer de la narration est une compétence importante; un, que j’ai moi-même du mal à faire. Écrire un article sans parti pris ni opinion permet aux Parisiens de décider par eux-mêmes, de penser par eux-mêmes. Les Parisiens ont toujours été à l’avant-garde de notre propre évolution. À mesure que notre société continue de croître, nous nous adaptons avec elle.
Je terminerai ma réflexion sur quelque chose que dit Millaud et que je souhaite partager avec vous tous. Il écrit que la presse n’appartient pas aux plus instruits ou aux plus spirituels, mais plutôt aux mieux informés ou aux plus audacieux. Il a raison quand il dit cela. Le journalisme et la presse n’appartiennent pas à ceux qui disposent de grands privilèges et de grands moyens. Cela appartient à ceux qui s’en soucient. Il appartient à ceux qui osent être à l’avant-garde de notre évolution parisienne.

Anne Colaire : Le reportage pour la réalité

Je, comme vous, chers lecteurs, viens de lire des interventions dans le débat Giffard-Millaud qui suscite une conversation brûlante dans la presse. Je suis certaine que vous savez déjà où je me trouve dans cette polémique : jamais du côté de l’ancienne école.

Monsieur Millaud soutient, audacieusement, que « Le journalisme a tué la littérature et le reportage est en train de tuer le journalisme. » Si le journalisme a tué quelque chose, ce n’est pas la littérature, c’est notre perception de la réalité : ce que nous pouvons voir et ce que nous sommes prêts à voir. Sans le reportage, nous ne réussirons jamais à la rectifier.

Selon Millaud, le reportage est « l’homme de lettres remplacé par le concierge ». D’abord, il n’est pas surprenant qu’il se prend, cet honorable homme de lettres, comme supérieur au travailleur qui le sert. C’est un sentiment qui imprègne son argument : un argument qui dédaigne intrinsèquement tout le monde d’un rang inférieur à lui. Il prétend que c’est une question de la qualité de l’écriture et de la réputation du journalisme. Peut-être, mais je ne suis pas ici pour débattre de son état littéraire. Croyez-moi, je connais bien la presse. J’ai mes propres opinions de ce que sont ses côtés les plus pourris. Il y avait et il y aura toujours de la mauvaise écriture. Mais ce n’est pas la faute du reportage. 

En vérité, ce que Millaud se bat contre, c’est l’évolution de la presse. Il veut qu’elle reste figée dans une époque du passé où personne d’autre que nous ne peut la lire, où personne d’autre que nous ne peut l’écrire, où personne d’autre que nous ne se voit sur ses pages. Mais comme Giffard l’a dit, nous ne sommes plus là. Nous sommes dans une période d’expansion de ce qui pourrait se trouver dans les colonnes — c’est au moins pour cela, vous le savez, que je me bats. Une presse évoluée, une presse toujours en changement, une presse ouverte à tout est une presse prête à reconnaître la réalité entière du monde dans lequel nous vivons. 

J’avance que le reportage est un outil non seulement utile, mais absolument nécessaire, pour nous mener à ce point-là. S’il ne l’est pas encore, le journalisme sera un métier qui oblige les journalistes à connaître le monde avant de prendre sa plume et d’en discuter. C’est le reportage qui assurera que c’est le cas.

Chers lecteurs, sans le reportage, vous n’avez que deux choix : soit un journaliste vous parle de ce que vous connaissez déjà, et vous le prendrez avec plaisir ou désintérêt selon vos propres habitudes ; soit il invente une histoire complètement fantaisiste, une fausseté d’écriture que vous avalerez tout de même. Vous pouvez vous satisfaire de cette écriture frivole et mondaine, ou vous pouvez vous nourrir de mensonges. C’est à vous de décider, mais moi, je choisirais de sortir de cette dichotomie.

Voici la question de fond : comment savoir ce qui se passe dans chaque coin de Paris — dans les coins dans lesquels vous n’oseriez jamais pénétrer — sans récit direct d’une personne qui y était ? Sauf si les journaux commencent à remplir ses bureaux d’ouvriers, la seule manière de le faire est à travers le reportage. Sinon, nous risquons de projeter une image de Paris complètement peinte par les élites — une image teintée de la mauvaise couleur, une image faite de traits trop larges pour saisir tous les petits détails qui forment notre ville. Ces images fausses envahissent déjà le monde du journalisme tandis que les vraies expériences des gens populaires sont ignorées. J’exige que leur réalité — qui constitue la réalité de la ville elle-même — soit représentée.

C’est pour cette raison que je défends la liberté de chaque journaliste de profiter de l’utilité en grande partie minimisée du reportage, qui devient dès maintenant une nécessité. Quant à moi, je continuerai d’en profiter, et j’accueillerai la nouvelle époque de la presse à bras ouverts.

ANNE COLAIRE.