Estelle Violette: “Débat et Style: Ce que Millaud et Giffard nous enseignent”

Chères lectrices et chers lecteurs,

Aujourd’hui, en me promenant dans les boulevards près de l’Opéra en allant au bureau, j’ai été frappée par un sujet qui fait beaucoup parler : le débat entre Monsieur Millaud et Monsieur Giffard. Vous avez sûrement vu les affiches dans les kiosques ! En tant que chroniqueuse de mode, je préfère habituellement parler d’esthétique et de style, mais ce débat est trop important pour ne pas en parler. Il touche à l’évolution de notre société et, par conséquent, de la mode elle-même. Millaud affirme que le reportage, en tant que forme de journalisme, tue la littérature. Il veut un retour à un style d’écriture plus “artistique”, plus riche et plus profond. De son côté, Giffard défend l’idée que le reportage nous aide à mieux comprendre le monde et répond aux besoins des lecteurs d’aujourd’hui. Pour ma part, je suis d’accord avec Giffard. Le reportage n’est pas une menace ; il représente une opportunité. Dans mon métier, je cherche sans cesse de nouvelles tendances et inspirations dans les rues. Je réalise que la mode est souvent liée à notre culture actuelle, et la mode évolue avec la société, tout comme la littérature. Ignorer ces changements, c’est manquer quelque chose de précieux. La mode ne peut pas rester fixée dans le passé ; elle doit se réinventer, tout comme la littérature. En arrivant au bureau pour récupérer mon chèque de ma dernière chronique, j’ai entendu des rumeurs intéressantes. Certains disent que ce débat a été créé pour attirer plus de lecteurs. C’est révélateur du monde de la presse, n’est-ce pas ? Mais attention, mes chers lecteurs. Dans un monde où le sensationnalisme est courant, il est important de garder un esprit critique. Tous les chroniqueurs ne sont pas aussi honnêtes que moi ! 

Àux bureau, en discutant avec des écrivains de voyage récemment revenus d’Égypte, j’ai découvert des manteaux absolument magnifiques, fabriqués par un ancien tisserand près des Pyramides de Gizeh. Ces histoires ne parlent pas seulement de vêtements, mais racontent aussi un héritage culturel. Chaque pièce a une histoire et c’est fascinant de voir comment cela se reflète dans notre quotidien. Au bureau, j’ai aussi observé de près les vêtements des journalistes. Les reporters portent des tenues pratiques pour leur travail, tandis que les chroniqueurs comme moi, ajoutent souvent des touches d’originalité et style. Ce contraste montre que la mode ne se limite pas à l’apparence ; elle parle aussi de notre identité et de notre métier. À travers nos choix vestimentaires, nous faisons passer un message sur qui nous sommes. Il est intéressant de voir que les nouvelles tendances naissent souvent de discussions, de débats, et même de rumeurs dans les rues de Paris. Les choix vestimentaires de chacun peuvent être influencés par des conversations ou des événements dans le monde. Ainsi, le débat entre Millaud et Giffard, même s’il concerne la littérature, a aussi des répercussions sur notre vision de la mode et de la culture. En conclusion, je vous invite à garder l’esprit ouvert face à ces changements. La mode, tout comme la littérature, évolue constamment. Elle reflète notre société et les transformations de notre époque. Ne craignons pas le changement ; au contraire, accueillons-le, et continuons à débattre et à partager nos réflexions.

À très bientôt, avec encore plus d’histoires et de mode à partager !

— Estelle Violette

Fantine D’Avignon: Évolution à Paris

Mes chers lecteurs,


C’est un nouveau jour à Paris. Au moment où vous lirez mes mots, une autre journée aura commencé depuis que je vous ai écrit à tous, mes chers lecteurs. À chaque nouvelle aube qui émerge à Paris, elle est accueillie favorablement par les citoyens de la ville. Chaque nouveau jour s’accompagne d’une genèse de changement et d’évolution visible sur nos propres boulevards parisiens, tant à travers l’homme ordinaire que les plus grands esprits parisiens.
Cependant, les possibilités de changement sont enivrantes. Les Parisiens sont d’abord victimes du jeu d’échecs revigorant des ragots qui proviennent non seulement de l’inconnu, mais aussi, intensément, de ce qui est connu. Le changement par rapport à notre normalité nous engloutit. Positif ou négatif, peu importe sa taille, il nous oblige à changer avec lui.
Mes pensées commencent ici. Je trouve que le mot changement est plutôt chargé négativement au sein de notre société. Je crois que l’évolution résume de manière plus factuelle ce qui se passe réellement que le mot changement. À première vue, le changement n’est pas simplement accepté, mais adopté. Pourtant, le changement se heurte souvent à d’incroyables résistances. Ceux qui vantent et revendiquent le changement sont souvent ceux qui s’y opposent le plus.
On peut soutenir que ce qui se passe à Paris, et bien sûr dans le monde entier, n’est pas un changement. C’est une évolution. Le changement est l’acte de devenir différent, tandis que l’évolution est un processus graduel d’accumulation de changement. Paris ne change pas du jour au lendemain. Paris ressemble un peu à une tasse. Vous pouvez continuer à remplir la tasse de thé à ras bord. Chaque goutte s’accumule, créant un ménisque attendant de déborder. Un ménisque qui, lorsqu’il est déversé, représente l’accumulation du changement; notre évolution.
Paris évolue depuis des siècles, ce que Millaud dans son débat “Le Figaro” avec Giffard semble oublier. Ce qui offense, ce qu’il juge dommageable, c’est simplement l’évolution non seulement de la littérature, mais de Paris. Le journalisme n’a pas tué et ne tuera pas la littérature, comme il le prétend. Le livre est toujours bien vivant.
Oui, le kiosque a triomphé, mais la librairie est loin d’être tombée. Giffard a raison lorsqu’il dit que le journalisme est en train de changer et non de mourir. Le journalisme et la littérature ne s’excluent pas mutuellement. Au contraire, ils sont partenaires de l’évolution de la société parisienne; une société qui s’adresse désormais davantage à la famille de tous les jours, une société où l’information est plus accessible à tout Paris, et pas seulement aux élites.

Le problème de Millaud avec le reportage est intéressant. Sa position ferme contre le partage d’informations factuelles sur les événements et les événements de Paris avec le public est révélatrice. Il exprime une étrange inquiétude face au manque d’originalité et d’individualité de cette section. C’est sans doute cet aspect qui fait du reportage un élément si important de notre journalisme contemporain. Son affirmation selon laquelle n’importe qui pourrait écrire pour le reportage est fausse. C’est sans doute plus difficile que d’écrire une chronique en tant que journaliste; il faut bien plus que de la confiance en soi pour le faire correctement. Être capable de se retirer de la narration est une compétence importante; un, que j’ai moi-même du mal à faire. Écrire un article sans parti pris ni opinion permet aux Parisiens de décider par eux-mêmes, de penser par eux-mêmes. Les Parisiens ont toujours été à l’avant-garde de notre propre évolution. À mesure que notre société continue de croître, nous nous adaptons avec elle.
Je terminerai ma réflexion sur quelque chose que dit Millaud et que je souhaite partager avec vous tous. Il écrit que la presse n’appartient pas aux plus instruits ou aux plus spirituels, mais plutôt aux mieux informés ou aux plus audacieux. Il a raison quand il dit cela. Le journalisme et la presse n’appartiennent pas à ceux qui disposent de grands privilèges et de grands moyens. Cela appartient à ceux qui s’en soucient. Il appartient à ceux qui osent être à l’avant-garde de notre évolution parisienne.

Anne Colaire : Le reportage pour la réalité

Je, comme vous, chers lecteurs, viens de lire des interventions dans le débat Giffard-Millaud qui suscite une conversation brûlante dans la presse. Je suis certaine que vous savez déjà où je me trouve dans cette polémique : jamais du côté de l’ancienne école.

Monsieur Millaud soutient, audacieusement, que « Le journalisme a tué la littérature et le reportage est en train de tuer le journalisme. » Si le journalisme a tué quelque chose, ce n’est pas la littérature, c’est notre perception de la réalité : ce que nous pouvons voir et ce que nous sommes prêts à voir. Sans le reportage, nous ne réussirons jamais à la rectifier.

Selon Millaud, le reportage est « l’homme de lettres remplacé par le concierge ». D’abord, il n’est pas surprenant qu’il se prend, cet honorable homme de lettres, comme supérieur au travailleur qui le sert. C’est un sentiment qui imprègne son argument : un argument qui dédaigne intrinsèquement tout le monde d’un rang inférieur à lui. Il prétend que c’est une question de la qualité de l’écriture et de la réputation du journalisme. Peut-être, mais je ne suis pas ici pour débattre de son état littéraire. Croyez-moi, je connais bien la presse. J’ai mes propres opinions de ce que sont ses côtés les plus pourris. Il y avait et il y aura toujours de la mauvaise écriture. Mais ce n’est pas la faute du reportage. 

En vérité, ce que Millaud se bat contre, c’est l’évolution de la presse. Il veut qu’elle reste figée dans une époque du passé où personne d’autre que nous ne peut la lire, où personne d’autre que nous ne peut l’écrire, où personne d’autre que nous ne se voit sur ses pages. Mais comme Giffard l’a dit, nous ne sommes plus là. Nous sommes dans une période d’expansion de ce qui pourrait se trouver dans les colonnes — c’est au moins pour cela, vous le savez, que je me bats. Une presse évoluée, une presse toujours en changement, une presse ouverte à tout est une presse prête à reconnaître la réalité entière du monde dans lequel nous vivons. 

J’avance que le reportage est un outil non seulement utile, mais absolument nécessaire, pour nous mener à ce point-là. S’il ne l’est pas encore, le journalisme sera un métier qui oblige les journalistes à connaître le monde avant de prendre sa plume et d’en discuter. C’est le reportage qui assurera que c’est le cas.

Chers lecteurs, sans le reportage, vous n’avez que deux choix : soit un journaliste vous parle de ce que vous connaissez déjà, et vous le prendrez avec plaisir ou désintérêt selon vos propres habitudes ; soit il invente une histoire complètement fantaisiste, une fausseté d’écriture que vous avalerez tout de même. Vous pouvez vous satisfaire de cette écriture frivole et mondaine, ou vous pouvez vous nourrir de mensonges. C’est à vous de décider, mais moi, je choisirais de sortir de cette dichotomie.

Voici la question de fond : comment savoir ce qui se passe dans chaque coin de Paris — dans les coins dans lesquels vous n’oseriez jamais pénétrer — sans récit direct d’une personne qui y était ? Sauf si les journaux commencent à remplir ses bureaux d’ouvriers, la seule manière de le faire est à travers le reportage. Sinon, nous risquons de projeter une image de Paris complètement peinte par les élites — une image teintée de la mauvaise couleur, une image faite de traits trop larges pour saisir tous les petits détails qui forment notre ville. Ces images fausses envahissent déjà le monde du journalisme tandis que les vraies expériences des gens populaires sont ignorées. J’exige que leur réalité — qui constitue la réalité de la ville elle-même — soit représentée.

C’est pour cette raison que je défends la liberté de chaque journaliste de profiter de l’utilité en grande partie minimisée du reportage, qui devient dès maintenant une nécessité. Quant à moi, je continuerai d’en profiter, et j’accueillerai la nouvelle époque de la presse à bras ouverts.

ANNE COLAIRE.

Mes Deux Sous sur le Reportage

9 mai 1886

Inès Moreau

Dans le monde surpeuplé du journalisme parisien, deux personnages, Albert Millaud et Pierre Giffard, se disputent l’état de notre presse. Millaud voit dans le journalisme un poison qui infecte le cœur de notre presse. Il prévient : « Le journalisme a tué la littérature et le reportage est en train de tuer le journalisme. Rien ne tuera le reportage ; il mourra de lui-même. C’est le dernier mot de la décadence littéraire d’une époque ; c’est l’homme de lettres remplacé par le concierge » (Millaud, 1886). Pour lui, le journalisme et le reportage a dégradé non seulement notre profession, mais aussi l’art sacré de la littérature.

Je déplore également le déclin des reportages intelligents et nuancés qui caractérisait autrefois le journalisme français. Mais au contraire de Millaud, je pense que ce déclin ne signifie pas la fin ; il nécessite plutôt une réinvention, une purification de l’objectif. Le journalisme de reportage n’est pas un ennemi qu’il faut vaincre, mais un art qu’il faut se réapproprier. Mon travail, soigneusement recherché et profondément documenté, est souvent rejeté au profit de nouvelles sensationnelles qui promettent des histoires frivoles plutôt que d’éclairer. Combien de fois mes articles réfléchis, nés de mois de recherche, ont-ils été abandonnés au profit d’histoires insignifiantes de scandales ou de jeux politiques ? Je vois une alternative, qui me rapproche de la vision de Giffard d’un journalisme qui élève notre domaine au lieu de le dévaloriser.

Giffard, au contraire de Millaud, embrasse le reportage, envisageant un avenir où les reporters ne sont pas de simples ragots, mais des chroniqueurs éclairés de l’époque. Il affirme : « Millaud croit que le reportage ira toujours en abaissant le niveau du journalisme. Et moi je crois qu’il l’élèvera, par le recrutement d’un personnel de plus en plus instruit. Le journaliste de l’avenir sera comme ces mécaniciens des métiers nouveaux, qui font à eux seuls la besogne de plusieurs tisseurs du vieux système » (Giffard, 1886). L’idéal de Giffard d’un journaliste intellectuel, capable d’enrichir le discours public, correspond profondément à mes aspirations. Je souhaite être l’une de ces journalistes qu’il décrit, un journaliste capable de donner de l’importance à n’importe quelle histoire, transformant même le banal en quelque chose qui mérite d’être contemplé.

Cependant, je vois aussi la nécessité de s’adapter. Le journalisme ne peut prospérer s’il s’aliène le public qu’il cherche à servir. Il est essentiel, en tant que femme éduquée dans ce domaine, de composer mes articles de manière à la fois intelligente et accessible. Mes lecteurs, en particulier ceux qui appartiennent aux cercles dynamiques et judicieux de Paris, s’attendent à un certain niveau de raffinement dans ma prose, mais ils recherchent également des histoires qui reflètent leurs expériences concrètes. À cet effet, Millaud a raison : la profession se compose de nombreux hommes qui, lorsqu’ils arrivent dans les hautes sphères de la société parisienne, abandonnent leur devoir d’information pour se plonger dans des activités triviales. Ils abandonnent la substance pour le spectacle, choisissant d’amuser plutôt que d’éduquer. Cette pourriture au sommet doit être éliminée si nous voulons restaurer l’honneur du journalisme.

À cet égard, le reportage intelligent a besoin d’une révolution, non pas pour être mis de côté comme le suggère Millaud, mais pour être réformé, restructuré et enrichi d’intégrité. Nous devons nous concentrer sur les histoires qui comptent, celles qui remettent en question le status quo, plutôt que sur celles qui se content de titiller les masses. Trop souvent, l’essentiel est rejeté comme ne méritant pas d’être publié. Nous devons nous interroger: « Quel est le but de notre journalisme ? »

Entrons donc dans cette époque de réforme avec un effort renouvelé en faveur de la qualité et de l’intégrité. Prenons en compte les avertissements de Millaud sur les dangers de la décadence, mais aussi la foi de Giffard dans le potentiel du journalisme à éduquer et à élever. Nous devons résister à l’attrait des titres faciles et, au contraire, élaborer des récits qui s’adressent à l’intellect et à au cœur de nos lecteurs. Il faut libérer le journalisme des griffes de la médiocrité et rappeler au public sa valeur. C’est seulement de cette façon que nous pourrons honorer l’esprit du journalisme et protéger l’intégrité de la littérature. 

Inès Moreau

Geneviève de Carcassonne: Une belle femme sans amant

« La Presse. Le Journaliste ». En tant que femme écrivant dans un monde dominé par les hommes, je suis ici pour dire que je suis une femme, que je suis un écrivain, et que je vais devenir de plus en plus audacieuse avec les développements modernes de la société. Je n’attendrai pas que les choses changent, je suis le changement. En tant que défenseur du modernisme, du mouvement et de la croissance dans un sens gauchiste, je suis la candidate idéale pour apprécier la position futuriste de Monsieur Pierre Giffard sur le reportage. Cependant, je ne suis pas intéressé par « les chemins de fer, les télégraphes et les téléphones » qui, comme Giffard nous le rappelle, ont transformé le monde. De plus, je ne suis pas intéressé par une forme scientifique, formelle et sans passion de faux journalisme déguisé sous le pseudonyme de « Monsieur Reportage ». Oui, j’apprécie la facilité. Mais je refuse de sacrifier l’amour, le soin et l’inventivité de mon travail. La lettre d’amour à l’écriture désordonnée, l’enveloppe fermée par un baiser rouge, sont devenues le télégraphe stérile d’un jeune homme à son amante. L’odeur des fleurs qui s’épanouissent lors d’une promenade dans Paris est devenue l’odeur de la pisse et de la fumée des chemins de fer. Je veux la liberté politique, j’aime le progrès et la justice, mais dans ce débat, je suppose que Geneviève de Carcassonne prend la forme d’une vieille dame grincheuse.

Si nous continuons à défendre et à accepter le reportage, nous ne ferons que contribuer à la nouvelle ère de la littérature industrielle, qui empoisonne notre société et vide ce monde de toute trace d’imagination. Je suis une personne positive, passionnée et joyeuse, et je recule devant la progression de ce petit enfant faible et affamé qu’est le monde de la vraie littérature à l’heure présente. Merci, Millaud, pour votre résumé éloquent et concis : « Le journalisme à tué la littérature et le reportage est en train de tuer le journalisme ». Nous ne devons pas prendre la forme de Médée et tuer notre fille. Nous ne devons pas non plus l’oublier ou la laisser derrière nous. Le reportage est une déclaration sans opinion, sans commentaire. C’est une belle femme sans amant, une bouteille de vin avec un trou au fond, un radis sans beurre, un vieil homme qui marche sans son écharpe par une froide nuit d’hiver. 

Où est le feu ? Où est l’amour ? Je propose un challenge à tous mes lecteurs, mais surtout aux femmes : prenez un cahier. Quittez la maison. Quittez vos enfants, votre mari, tout. Dites que vous faites les courses s’il le faut. Allez marcher le plus longtemps possible dans Paris. Souriez à ceux que vous voyez, engagez la conversation. Regardez avec vos yeux, mais aussi avec vos autres sens. Pensez à ce que vous sentez, à la sensation de l’air sur vos joues, à la sensation des pavés sous vos pieds. Notez tout cela et précisez vos descriptions. Si vous remarquez quelqu’un d’intéressant, de charmant ou un peu bizarre, parlez avec lui, posez des questions. Notez ce que la personne dit. Mais ici, mes amis, allez plus loin. Écrivez ce que vous pensez de ce qu’ils disent, et écrivez pourquoi ils l’ont dit. 

Quel est le contexte ? Pourquoi les gens sont-ils comme ils sont ? Tout le monde peut être chroniqueur, à condition de pousser son esprit jusqu’à la réflexion, jusqu’à l’attention véritable. Le reportage est construit sur une rhétorique du mensonge. La vérité ne se trouve que quand nous regardons au-delà de la surface, quand nous nous interrogeons et écrivons non seulement pour divertir mais aussi pour comprendre, et pour nourrir nos imaginations et nos âmes. Je suis d’accord avec Millaud sur sa position contre le reportage, et j’espère que chacun de mes chers lecteurs va créer ses propres histoires face à cette sécheresse de la vraie littérature. Je reviendrai la semaine prochaine avec une autre chronique animée – la prochaine fois, je vous assure que je redeviendrai coquin, indulgent et joyeux. Pour l’instant, mes amis, je vous remercie d’avoir lu une autre chronique de Geneviève de Carcassonne.

Françoise Francillon : Les écrivaines et le changement

À ce moment, presque tout le monde a lu le débat Giffard-Millaud, et tout le monde a une opinion à propos du journalisme, du reportage, et de la littérature. Toutes vos opinions sont valides, bien sûr, mais je veux ajouter une autre voix dans cette conversation.  

Je veux dire, très clairement, que Millaud a tort et que le journalisme n’a pas tué la littérature. Bien sûr, je suis un peu biaisé parce que je suis journaliste, mais cela veut dire que je comprends le journalisme et le reportage meilleur que la majorité des gens. Je suis aussi en train d’écrire un roman (et vous êtes les premiers qui savent cela!) alors je comprends le monde et l’industrie littéraire.  

Je suis d’accord avec Giffard quand il dit que la littérature est en train de changer, pas mourir. Les changements sont nécessaires pour la continuation de la vie, en fait. Comme Giffard dit, le monde a changé, mais ce qu’il n’a pas dit est que ces changements ont affecté le genre aussi. L’augmentation des droits des femmes dans les décennies récentes veut dire que maintenant, l’éducation est plus accessible pour les filles. Elles apprennent à lire et à écrire, et deviennent la prochaine génération des écrivaines et journalistes. Elles ont rencontrées la difficulté d’être publiées dans le monde littéraire avant les journaux, dans un monde contrôlé par quelques hommes puissants. Maintenant, elles ont quelques petits espaces dans le journalisme, qui est plus démocratique et diverse que la littérature. Et personne ne sait ce qui peut passer dans le futur – peut-être notre société est en train de voir les voix et les expériences des femmes comme importantes dans le journalisme et la littérature. Peut-être qu’il sera des journaux complètement écrits par les femmes et une société qui valorise leurs idées. Mais nous ne savons pas ce qui peut passer sans essayer de nouvelles choses et changer notre culture littéraire. 

Cela, l’augmentation des expériences des femmes dans la presse, sera aussi un grand changement, et j’ai peur des réactions négatives, toujours avec le même point – qu’aucun changement “détruit la littérature.” Si les femmes peuvent détruire la littérature, ou si le reportage peut tuer le journalisme, peut-être qu’ils sont trop faibles pour rester. Mais si ces choses changent le monde d’écriture sans le détruire, nous sommes près d’un âge d’or avec les nouvelles opinions et formes d’écriture. Peut-être tous ces changements ne marchent pas – chaque idée ne marche jamais – mais ils forcent l’industrie de vraiment penser à son produit et le défendre avec passion ou le changer avec le monde. Ces deux options donnent le vigueur et l’esprit à un industrie qui en a besoin. Tous les développements que vous adorez dans l’industrie étaient nés par un changement que les gens ont opposé quand il était courant.  

Si vous n’aimez pas le reportage, je veux vous dire que vous ne devez pas lire chaque mot du journal. Lire les faits divers, les feuilletons, tout ce que vous voulez, et éviter le reportage. Mais si vous aimez ce changement, cette fenêtre qui nous montre un nouveau monde, il est important qu’il continue d’exister et d’évoluer pour changer le futur du journalisme. Je sais que vous avez peur – les changements me font peur aussi. Mais ils sont nécessaires et ils passent toujours. Quelquefois ils sont même la meilleure chose qui peut passer. Alors, si vous êtes d’accord avec Millaud et pensez que le reportage est en train de tuer le journalisme, attendez quelques semaines, continuez votre vie, lirez un des beaux romans qui a été publié dans les années dernières, et revenez à cette question quand le reportage n’est plus nouveau et effrayant. Quand vous attendez ce moment, je serai ici avec mes chroniques.

Anaïs d’Avignon: Les Rues du Futur

Quand je me réveille le matin, je reconnais une odeur qui vient de la rue. La plupart des gens diraient qu’ils reconnaissent le matin par le sons. 

– Le journal! Les ragots, la politique, et plus! Venez!

Mais, pas moi. Je reconnais le matin par l’odeur. C’est l’odeur de papier et l’encre. Pourquoi? Quand j’etais une jeune femme, je travaillais dans une usine qui produit et imprime des journaux. Je me souviens d’une odeur comme si c’était hier. Je me souviens aussi des hommes qui me criaient parce que j’étais lent et qui n’attendait pas grand-chose de moi. Mais, pendant que je me réveille, j’oublie ces mauvais souvenirs. Maintenant, je veux lire la chronique d’aujourd’hui! 

Je m’habille et descend des escaliers de mon immeuble. Quand j’ouvre la porte, deux petits garçons courent trop vites à côté de moi. J’entends leur mere.

– Arrêtez! Maintenant! Excusez-vous!

Les garçons tournent autour de moi.

– Désolée, mademoiselle. 

Je ris, et continue dans la rue. Les rues de Paris me surprennent chaque jour, parce qu’elles changent chaque jour! Je remarque les styles des femmes. Les chaussures des femmes créent les sons dans la rue, et leurs manteaux bougent avec le vent. Au printemps, les fleurs sur les jupes assortissent les fleurs sur les arbres. La scène que je vois me reconnait ses faits divers, dans Le Petit Journal. Tout le monde dans la rue a eu une vie bizarre et unique. Les faits divers soulignent l’importance des vies ordinaires, qui peut devenir une vie extraordinaire, et les histoires qui sont réelles, mais sont comme un roman. J’adore ce journal pour cette raison. 

Les enfants vont à l’école à cette heure, et les adultes ont pris de l’argent de leurs poches pour acheter un chronique. Je regarde chaque personne. Les hommes riches en longs manteaux et chapeaux prennent un chronique aux garçons qui crient pour vendre des journaux. Les femmes les prennent aussi, mais je vois leur appréhension parce que les hommes regardent fixement. Je crois qu’ils doutent de la capacité des femmes à comprendre et à apprécier les journaux. Je reconnais les hommes dans l’usine de papier, qui criaient à moi, parce qu’ils pensent que je suis bête. Ils pensent je ne peux pas comprendre les complexités des nouvelles. 

Les chroniques sont toutes différentes. Mais, je pense que tous sont, en réalité, créés pour les hommes. Les hommes qui peuvent créer les grandes carrières, et qui peuvent attendre l’école pour plus de temps. Mon cher lecteur, je veux offrir une perspective différente. Qu’est-ce que se passerait si les femmes apprenaient les compétences nécessaires pour rejoindre le marché du travail et en apprendre davantage sur l’économie et la politique? Malheureusement, nous ne pouvons pas compter sur les hommes pour cela. Nous devons former notre propre communauté. Est-ce qu’il y a une meilleure façon pour créer cette communauté que distribuer des chroniques, spécifiquement pour le pouvoir des femmes? Ça, c’est ce que je veux créer. Considérez-moi comme votre sœur, qui veut vous aider dans la recherche d’ une meilleure vie. Si vous avez un homme dans sa vie qui vous opprime, n’avez pas peur! Cette chronique, c’est notre petit secret. Allez à droite dans la rue après le kiosque pour lire les journaux, et marcher pendant deux minutes. Une jeune femme vous recontrera, et donner la chronique, pour un sous. 

Après ma promenade dans la rue, je retourne à mon appartement. Le retour n’est pas long, mais je marche avec enthousiasme. C’est un nouvel âge, avec de nouvelles idées, et les femmes sont à l’avant-garde. Les rues sont bruyantes avec les conversations! Je vois les petites filles avec leurs jupes et petits chausseurs, qui marche à l’école, et je souris. Je sais que l’avenir est brillant!

La Marquise de Mimizan: Ragots de la rue

Mes amis –

Cette semaine à Paris, les rues sont remplies de ragots – plus que d’habitude. Une promenade dans la ville il y a quelques jours a révélé les secrets les plus juteux de la ville. 

La semaine dernière, le cadavre d’un homme a été découvert derrière un restaurant à Paris, une balle dans la tête. Les détectives au scène de crime ont decidé que c’était un suicide, et pendant plusieurs jours, les parisiens ont cru cette explication. Mais récemment, quelques personnes ont formé de nouvelles idées. À l’extérieur d’un magasin au coin, un groupe de quatre ou cinq femmes bien habillées discutent des faits. Ils croient que c’était un meurtre.

Évidemment, la femme de cet homme, que nous appellerons Mme. P, avait un petit ami qu’elle avait visité en secret pendant plusieurs mois. Mais son mari a commencé à soupçonner qu’elle le trompait. Tard dans la nuit, par coordination ou coïncidence, les deux hommes ont échangé des mots derrière le restaurant. La conversation s’est transformée en cris, et le petit ami a sorti un pistolet. 

Une femme du groupe dit que le petit ami a été blessé, mais une autre nie. Elle travaille dans un hôpital près du restaurant, dit-elle, et ils n’ont reçu aucun patient avec des blessures par balle cette nuit. Elle insiste qu’il s’est échappé sans être grièvement blessé. Une autre femme dit qu’elle a entendu que la femme et son petit ami avaient maintenant l’intention de fuir le pays ensemble.

Dans un quartier de l’autre côté de la ville, j’entends des plaintes au sujet d’un chien qui terrorise les voisins, parce qu’il n’arrête jamais d’aboyer. Toute la journée et toute la nuit – quand les bonnes sortent les poubelles, quand les pères rentrent du travail, quand les mères mettent leurs enfants au lit – le chien aboie. 

La propriétaire de ce chien, Mme. A, est plutôt âgée et souffre de solitude depuis le décès de son mari l’année dernier, disent les voisins. Cette solitude l’a poussée à prendre un chien de la rue. Les voisins ont parlé directement à Mme A en plus d’alerter la police, mais rien n’a été fait. 

Deux adolescents rentrent de l’école en portant leur uniforme et leurs sacs à dos. Une des bonnes, affirme l’une, est devenue si furieuse qu’elle a jeté une pierre dans la fenêtre de Mme A. Cela a provoqué un fort cri. Mme. A a menacé d’obtenir une ordonnance restrictive contre cette bonne et a demandé qu’elle soit virée.

Dans un quartier plus modeste, beaucoup de gens sont en colère contre le facteur. Ils disent qu’il arrive irrégulièrement, parfois une semaine sans rien recevoir. Le facteur, disent-ils, est un ivrogne. Il ne se sent pas concerné par son travail. Quand le courrier est arrivé, c’est en désordre. Les gens reçoivent du courrier qui appartient à leurs voisins. Les enveloppes sont déchirées, pliées, et endommagées. Une femme âgée affirme que, en raison du comportement négligent du facteur, elle n’a toujours pas reçu l’invitation au mariage de son fils. Une jeune mère répond que, la connaissant, elle n’a peut-être pas été invitée.

Enfin, une pièce de théâtre a suscité un certain débat cette semaine – mais pour les mauvaises raisons. Selon un groupe de jeunes femmes à l’extérieur du théâtre, l’acteur principal a plus de trois enfants hors mariage. Plusieurs femmes ont affirmé qu’il avait promis de les épouser, mais puis il les a quittées pour poursuivre sa carrière. L’acteur a nié les allégations, affirmant que ces femmes veulent juste la célébrité et l’argent.

Je suis vraiment enthousiaste d’entendre comment ces histoires se développent. De plus, mes sources me disent qu’une famille aristocratique très populaire attend un enfant. J’enquêterai sur cette histoire la semaine prochaine.

À la prochaine,

La Marquise de Mimizan

Geneviève de Carcassonne: La Reine de la Rue Mouffetard

À mes chers lecteurs,

Je ne vous écris pas depuis les sources d’eau chaude d’Islande, le désert du Maroc ou les marchés du Liban, mais depuis une rue de Paris qui représente un vaste éventail de goûts, de sons, d’odeurs et de sensation. Cette rue, c’est la mouffe, ou pour mes lecteurs étrangers – et par étrangers, j’entends non parisiens, et par non parisiens, je veux dire malchanceux – la rue Mouffetard. Cette rue du 5ème existe depuis que les Romains étaient là, il y a près de 2000 ans, et je les imagine occupés sur les pavés. Et me voilà, flânant sur la colline Sainte-Geneviève, me sentant la reine du monde, ou du moins la reine des patrons de la mouffe. 

Ah Place Monge, pourquoi me narguer avec vos vins chers ? Le vigneron, avec sa cape couleur de minuit et ses yeux verts étincelants, crie comme un faucon :

«Femme ravissante, goûte ce cabernet sauvignon, je t’en supplie ! »

« Chéri, il est seulement l’heure de déjeuner, essaie plus tard,» je rigole, mais il m’attrape par le bras, m’attire à lui et me verse dans le gosier un verre du plus somptueux des vins rubis. Mais alors, le voyage doit continuer, j’ai une petite chronique à faire pour mes adorables lecteurs, et elle ne peut pas s’arrêter au vigneron.

Je continue à remonter la rue étroite, et l’odeur incroyablement piquante des fromages envahit mes sens. J’ai l’impression d’être dans un champ fleuri de toutes sortes de fleurs sauvages. Si le vendeur de vin pensait avoir la meilleure chance, il ne sait pas que le marchand de fromage a bien plus de chances de gagner mon cœur, même s’il est petit, jovial et rose comme une tomate trop mûre. 

« Fromage de chèvre infusé à la lavande pour la bella donna, » s’exclame-t-il en plaçant dans ma main tendue un épais morceau de fromage crémeux sur une brochette.

J’ai les genoux qui tremblent à l’idée de manger ce fromage corsé qui embaume la rue et nous bénit tous. Les chèvres doivent manger l’herbe la plus fine de toute la France pour produire un tel nectar. 

Je continue. Le fruitier, avec son stand à quatre roues et son pantalon en lambeaux, tire sur ma jupe. C’est le mercredi des cendres ? Non, ce n’est qu’un peu de terre de la ferme sur son front. 

Sa bouche est cousue de timidité. « Oui, mon cher ? » Je lui demande.

Il me regarde comme un chiot.  « Madame veut-elle goûter une figue ? »

Au moment où il me tend une figue massive, l’apiculteur, grand et fort, dépose une cuillerée de miel doré sur le fruit, en me faisant un clin d’œil.

Je ne peux pas m’en empêcher. Je demande : « Monsieur, vos bras sont-ils couverts de piqûres d’abeilles ou êtes-vous simplement incroyablement fort ? »

Il devient rouge vif et les coins de sa bouche se retroussent, mais sa femme, la fabricante de bougies, s’avance vers nous, l’air de vouloir me verser de la cire chaude sur la tête. 

« Bon après-midi, alors, » je crie joyeusement, mes bottes brillantes claquant sur la route pavée et vers de nouveaux délices. Il y aura des foulards de soie de toutes les couleurs, des parfums à essayer, des crêpes à dévorer, du tabac à goûter et bien d’autres personnes intéressantes à rencontrer au cours de ce voyage.

À mes chers lecteurs : citoyens du monde, bohèmes, intellectuels, hommes et femmes, chats et chiens… Je vous exhorte à sortir et à vous pavaner dans les rues de Paris, en particulier sur les marchés. Il y a tant de personnages fascinants à rencontrer, et nous pouvons apprendre beaucoup les uns des autres. Plus important encore, nous pouvons rapprocher nos classes et nos identités en cultivant le sens de l’amusement, du plaisir et de la joie. Je quitte la rue Mouffetard en sentant l’odeur d’un saloon, d’un champ de chèvres, d’un vignoble, d’une ruche. Je suis plus léger et j’ai le ventre plein. Maintenant, il est temps de me détendre dans mon appartement et de lire les derniers écrits de Delphine de Girardin, ma chère amie. 

Bisous,

Geneviève de Carcassonne

Le Silence des Voix

4 Octobre 1873 -
Inès Moreau 

En traversant les rues de Paris, les grands boulevards si méticuleusement façonnés par le baron Haussmann et l’industrie vigoureuse qui fait avancer cette ville, je ne peux m’empêcher de réfléchir aux mains qui alimentent cette croissance rapide. Notre ville si chère brille de la lumière du progrès, mais cette lumière jette une ombre profonde sur des nombreuses victimes oubliées – les immigrés, les femmes et les enfants qui travaillent sans repos dans nos usines.

La classe ouvrière, en particulier les femmes que je rencontre, se trouve au cœur de cette structure, mais reste invisible aux yeux de ceux qui profitent de leur travail. C’est pour eux que j’écris, pour leurs voix que je dédie cette rubrique. Des rues animées de Belleville aux usines mal éclairées de Saint-Denis, j’ai rassemblé les histoires de ces personnes, leurs luttes, leurs espoirs et leur endurance silencieuse.

Prenons l’exemple des jeunes filles que j’ai rencontrées dans une usine textile de Saint-Denis. Ici, l’air est chargé de l’odeur des machines, le bourdonnement constant des métiers à tisser étouffe même le son de la pensée. Ces filles, dont certaines n’ont pas plus de douze ans, sont à la base de la production. Elles se lèvent avant l’aube, les mains fatiguées par le travail sur les bobines de fil qui tissent le tissu même de la mode parisienne. Pourtant, elles ne se plaignent pas – elles ne peuvent pas se le permettre.

La transformation de Paris sous Haussmann a laissé de nombreux coins de la ville négligés, oubliés par les architects du progrès. Alors que les grandes avenues affichent leurs triomphes, les ruelles étroites où vivent ces ouvriers restent surpeuplées et insalubres. Ce contraste saisissant entre la vie des privilégiés et celle de la classe ouvrière reflète les véritables priorités de notre société.

Le bien-être de ces factions est souvent considéré comme sans importance par l’élite, qui ne voit dans la classe ouvrière qu’un moyen de parvenir à ses fins. Combien de nos bourgeoises, parées des plus belles soieries, savent-elles que les vêtements qu’elles portent ont été touchés par les mains fatiguées des jeunes ? Ne comprennent-elles pas que derrière chaque dentelle délicate et chaque ruban de satin se cache l’histoire d’une souffrance ?

Bien que ces immigrés, ces femmes et ces enfants n’aient pas le droit de voter, ils font partie de la France au même titre que les hommes politiques qui dictent leur destin. Il appartient aux citoyens votants de ce pays de parler au nom de ceux qui ne le peuvent pas. Alors que la population d’immigrés continue de se multiplier dans notre capitale, nous devons reconnaître que leurs destins sont liés aux nôtres.

Au cours de mes voyages, j’ai rencontré des femmes immigrées de toute l’Europe et des colonies françaises, attirées à Paris par la promesse d’un travail, mais qui se retrouvent prisonnières du même cycle de pauvreté que celui qui lie tant de travailleurs français. Leurs histoires méritent également d’être racontées. Il est temps que nous reconnaissons que la croissance de notre industrie s’est faite sur leur dos et qu’en l’absence d’une réglementation du travail appropriée, nous sommes tous complices de leur exploitation.

L’histoire de ces personnes me rappelle mon propre héritage, celui de la famille Moreau qui a traversé la tempête des révolutions et des empires. Mes ancêtres connaissaient trop bien la douleur des bouleversements politiques, mais ils croyaient en la promesse du changement. Aujourd’hui, nous devons mobiliser ce même esprit de révolution, l’esprit de la troisième république, mais cette fois-ci pour les travailleurs oubliés qui sont essentiels à notre prospérité.

J’invite les lecteurs de cette chronique, en particulier ceux qui ont le privilège de voter, à réfléchir profondément aux conditions de travail de ceux qui travaillent dans nos usines. Nous ne pouvons pas permettre que leurs vies restent invisibles. Chaque article qu’ils fabriquent, chaque produit qu’ils assemblent, contribue à la croissance de l’industrie française. Sans eux, notre ville ne serait plus ce qu’elle est aujourd’hui.

Le temps de l’action est venu. Exigeons de meilleures conditions de travail, des horaires plus courts et surtout le respect des ouvriers. Il ne suffit pas d’admirer la beauté de Paris sans tenir compte du prix qu’elle a coûté. Ce n’est qu’en mettant en lumière ces parties oubliées de notre ville que nous pourrons vraiment nous considérer comme une société de progrès.

Inès Moreau, écrire pour ceux qui ne le peuvent pas.