L’interview dans la presse du dix-neuvième siècle

Le 7 Mai, 1886, un reporter qui s’appelait Pierre Giffard a écrit un article fougueux en réponse à Albert Millaud. À l’époque, Millaud était un chroniqueur qui a détesté l’ascension du journalisme et de la reportage, et il a décrit ce dégoût dans un article dans Le Figaro le 6 Mai, disant que « la Presse, c’est à dire la représentation la plus absolue, la plus répandue de la littérature contemporaine, appartient non pas au plus instruit, au plus savant, au plus spirituel, mais au mieux informé ou au plus audacieux. » Il avait peur que le lecteur français deviendrait comme le lecteur americain, qui « est encore un lecteur dans l’enfance, incapable de comprendre les grandes choses de l’art et de la littérature. » Pour lui, ce débat entre la littérature et la presse représente une lutte pour le futur intellectuel de la France. 

Dans sa réponse, Giffard a écrit que « le public français a du goût; il ne s’attachera nullement à ces billevesées américaines dont on a tant sujet de s’irriter. Non, mais il lui faut du reportage tout de même. Et ce reportage, il l’exigera de plus en plus des journaux, à la condition qu’on le lui donne sous une forme littéraire, avec le souci de ne pas le choquer, et aussi de ne pas le tromper. » Mais qu’est-ce qui différencie le journalisme américain du journalisme français ? Une différence était l’interview.

Personne ne sait certainement qui a fait la première interview, mais c’était une type du journalisme qui est devenue populaire aux États-Unis en deuxième mi-temps du dix-huitième siècle — en particulier, pendant les années 1860s. En France, c’était une conversation, une déclaration, un entretien, ou une entrevue, avant le mot “l’interview” (un anglicisme) est devenu populaire. Un journaliste demanderait une question au personnage public, et après obtenant leur réponse, le journal publierait leurs mots sur la page. Les européens ont considéré l’interview comme un article très américain, et ils étaient lents à adopter cette forme du journalisme. En fait, c’était un journaliste américain, James Creelman, qui était le premier journaliste qui a fait un interview avec le président de la France ! En 1897, Félix Faure est le premier président de la république française qui est interviewé.

Quelques années avant cet interview, Émile Zola est interviewé sur l’interview en 1893 dans Le Figaro. Zola était connu pour son travail dans la littérature avant l’Affaire Dreyfus à la fin de 1894, qui le propulse sous les projecteurs du journalisme. Mais en 1893, Zola a dit que l’interview est une forme d’art. 

 « C’est une chose excessivement grave qui, pour être bien faite, exige d’énormes connaissances, » Zola a dit. « Il faut avoir l’usage de la vie, savoir où l’on va, connaître – au moins par ses œuvres – l’homme chez qui l’on se rend, approfondir la question qu’on doit lui soumettre, savoir écouter, prendre tout ce que l’on vous dit, mais dans le sens où on le dit, interpréter avec sagacité et ne pas se contenter de reproduire textuellement. […] Non, l’interviewer ne doit pas être un vulgaire perroquet, il lui faut tout rétablir, le milieu, les circonstances, la physionomie de son interlocuteur, enfin faire œuvre d’homme de talent, tout en respectant la pensée d’autrui. 

Il a admis les soucis de Millaud, qui a dit en 1886 que la presse « appartient non pas au plus instruit, au plus savant, au plus spirituel, mais au mieux informé ou au plus audacieux. » Zola dit que, « l’interview est une chose très compliquée, extrêmement délicate, pas facile du tout. […] Les journaux devraient donc confier les interviews à des têtes de ligne, à des écrivains de premier ordre, des romanciers extrêmement habiles, qui, eux, sauraient tout remettre au point. Mais voilà : les hommes de grand talent sont employés à autre chose… Heureusement pour eux ! » Après tout, si les meilleurs talents ne font pas les interviews, « l’interview, telle qu’elle est pratiquée par ce temps de journalisme à la vapeur, [va être] bâclée en vingt minutes, rédigée à la va comme-je-te-pousse, écrite au galop sur une table de café, à côté d’un vermout ou d’une absinthe, si elle est le plus souvent un fleuve d’erreurs. » Et il a admis que les lecteurs ne se sentent pas concernés — l’interview « n’en reste pas moins l’un des principaux éléments du journalisme contemporain : d’abord parce qu’elle en est la partie la plus vivante, ensuite parce qu’elle est le joujou préféré du public ! » 

Qu’est-ce qui définit une bonne interview ? Avant tout, « c’est l’interviewer, » Eugène Dubief, le rédacteur en chef du Journal de Versailles à l’époque et écrivain d’un manuel du journalisme lui-même, a dit. « Il est entré en coup de vent; il parle comme un sifflet de locomotive, par mots hachés, haletants. Habillé à la dernière mode, il s’agite, il fait sonner son importance. C’est lui qui va chez tous les personnages en vue, grands ou petits: tel que vous le voyez, il sort de chez le Ministre, à moins qu’il ne sorte de chez la diva ou de chez l’assassin du jour. »

Quels personnages publics ont fait un interview pendant le dix-huitième siècle ? À part Zola, on peut trouver des conversations entre la presse et Jules Verne, qui était un romancier français qui a écrit Les Voyages extraordinaires, qui était une collection de romans et de nouvelles y compris Vingt Mille Lieues sous les mers, Voyage au centre de la Terre, et Le Tour du monde en quatre-vingts jours. Dans cette interview, l’interviewer était le rédacteur de Le Figaro, qui a eu une conversation en toute simplicité avec Verne pour discuter bien plus que ses livres. Le passage suivant est une partie de cette interview:

« Ce qui distingue surtout le caractère de Verne, c’est une philosophie gaie et patiente […]. Merveilleusement doué et d’une érudition encyclopédique, il est servi, dans ses travaux, par une mémoire prodigieuse.

Un jour qu’il déjeunait avec nous chez un Italien, la conversation tomba sur Rome. L’amphytrion – son voisin de droite – qui était né et logeait près du Capitole, venait d’admirer la facilité d’élocution et le langage pittoresque de son commensal qui lui avait décrit par le menu tous les monuments et jusqu’aux moindres ruines de la Ville Eternelle, quand Verne lui demanda des nouvelles d’un vieux mendiant habituellement posté au coin de la Voie Sacrée, en face de la boutique d’un pâtissier.

– Il y est toujours.

– Et le portier du Vatican a-t-il toujours sa jolie fille?

– Oui.

– A-t-on remis des marches aux escaliers du Forum ?

– Le roi l’a ordonné, mais ce n’est pas encore fait… Ah ça! monsieur, vous connaissez Rome mieux que moi, qui suis Romain. Vous l’habitez donc depuis de longues années ?

– Moi ? je n’y ai jamais mis les pieds… mais j’ai lu et je lis tous les ouvrages consacrés à votre cité natale.

Nous qui savions qu’il était sincère, nous n’en revenions pas ! »

Cette conversation représente comment l’interviewer doit faire plus que répéter ce que la personne qui était interviewé a dit. L’interviewer doit rassembler des histoires différentes pour faire un dessin de la personne que les lecteurs peuvent apprendre à connaître. Ici, ce dessin montre que Verne est un lecteur vorace qui aime lire au sujet des affaires mondiales, et peut-être cet intérêt influence ce qu’il écrit au sujet de voyager.

L’interview m’intéresse en particulier parce que j’avais être une journaliste pour un journal locale, The Daily Hampshire Gazette, tout au long de mes années à l’université, et j’aime interviewer des professeurs, des politiciens, des musiciens, et aussi mes amis et membres de famille pour mes histoires — professionnelles et personnelles. C’est pas facile d’avoir une conversation avec certaines personnes, et c’est le but d’un interviewer de trouver des thèmes intéressants dans ces conversations pour partager avec les lecteurs du journal. 

Sur une page dans La France le 14 novembre 1890, il y a une variété de rédacteurs et rédactrices qui expliquent leurs vues sur l’interview, et la citation suivante résume tous mes opinions sur ce type du journalisme que j’ai commencé au début de la lycée, et que lequel je continue aujourd’hui. 

« Si le reporter se trouve en présence d’un homme célèbre, si le sujet de l’interview est intéressant, si l’interviewé refuse de s’expliquer complètement, une véritable bataille s’engage, bataille de phrases nuancées, de sous-entendus et d’allusions.

Dans ces batailles, ce n’est pas toujours l’interviewé qui a le dessus, tant sont exacerbées les deux qualités du reporter : la ruse et l’opiniâtreté. » 

Les sceptiques sur cette page expriment leurs soucis si l’interviewer a une raison cachée.

 « Vous me demandez ce que je pense des interviews? Tout d’abord, qu’ils ont le tort d’être désignés d’un mot anglais, dont j’estropie régulièrement l’orthographe. Pourquoi ne dirions-nous pas, en français, des « entrevues »? M. Henry Fouquier écrit. « Quant à ces conversations, elles ont en soi un grand intérêt, à condition que celui qui les note et les reproduit soit très intelligent et très impartial et que l’interview ne soit ni une satisfaction offerte à la vanité ni un piège tendu à la bonne foi de qui en est l’objet. C’est cet inconvénient qui me les a fait blâmer quelquefois, redouter toujours.  »

Il y a plus de lettres favorables que sceptiques (11-4), et les supporters de l’interview disent que souvent, les personnes interviewées sont mécontentes après leurs interviews. 

M. J J Weiss décrit cette expérience. « La transformation de la chose parlée en chose écrite fait tout le désaccord entre eux. J’ai parlé trois fois en qualité de commissaire du gouvernement à la tribune du Corps législatif, sous l’Empire. J’avais conscience que ce que je disais était un pur barbouillage. Le lendemain je lisais «la séance», dans le compte rendu analytique du Journal officiel; je lisais un chef-d’œuvre de bon langage que m’avait attribué la cohorte si distinguée des secrétaires au Corps législatif. Je ne me plaignais pas, naturellement, de leur inexactitude. Le fait est qu’ils m’avaient proprement rhabillé, mais qu’ils n’avaient pu le faire sans me défigurer. Neuf fois sur dix, voilà le reportage. » 

L’interview n’est pas facile. Il y a beaucoup de problèmes éthiques que ces lettres décrivent. Mais pour moi, c’est la façon en laquelle des rédacteurs et des rédactrices peuvent communiquer avec des personnes dont l’humanité est quelque chose que la publique ne voit pas souvent. Cette opportunité est extraordinaire, et c’est pourquoi j’adore le journalisme et le reportage.

Journalisme engagé : Sévérine et les mineurs

Au Pays du Grisou

Séverine, journaliste engagée, se distingue par son style émotionnel et immersif dans sa série d’articles publiée en décembre 1891 dans L’Éclair, relatant la catastrophe minière de Saint-Étienne. Son écriture, à la fois poignante et critique, transcende le simple reportage pour devenir un acte politique et humanitaire. En alliant narration immersive, engagement personnel et critique sociale, Séverine réussit à éveiller l’empathie et à stimuler les consciences de ses lecteurs.

Style narratif et technique journalistique

Séverine adopte un style narratif immersif qui plonge ses lecteurs au cœur de la tragédie. Ses descriptions saisissantes rendent la catastrophe palpable. Elle n’hésite pas à utiliser des images frappantes :

  • Les corps et les chevaux : « Cinquante-six hommes, cinquante-six chevaux. On emporte les hommes à l’hôpital du Soleil; on dépèce les chevaux que l’on remonte quartier par quartier. » Cette juxtaposition entre les victimes humaines et animales souligne l’inhumanité des conditions de travail.
  • Le chaos et la lutte des secouristes : « Lors de la première tentative de descente à 20 mètres de profondeur, il avait fallu s’arrêter, faire remonter la cage sous peine d’asphyxie. » Ici, elle décrit l’impuissance des sauveteurs face à l’ampleur de la catastrophe.
  • L’image des cadavres à l’hôpital : « Ils sont allongés à la file, tout habillés, leur numéro d’ordre épinglé sur la poitrine, sur une couche de paille. » Cette image macabre donne une dignité austère aux mineurs tout en soulignant l’ampleur de la perte humaine.
  • Les scènes des funérailles collectives : Dans un autre article, elle évoque les « cinquante et un cercueils alignés sous un ciel pluvieux, escortés par des familles brisées. » Cette description amplifie l’impact émotionnel et le sentiment d’une tragédie collective.

L’usage du pronom personnel « je » renforce la proximité avec le lecteur. Séverine s’implique dans le récit, créant un lien émotionnel direct :

  • Participation active : « De ce cortège-là, je serai. » Elle ne se contente pas d’observer ; elle prend part à la douleur collective des familles.
  • Engagement moral: « Nous ressortons de l’hôpital le cœur chaviré. » Par cet usage du pluriel inclusif, elle inclut le lecteur dans l’expérience vécue.
  • Récit direct et émotionnel : « J’interroge Colombet, tandis qu’au grand trot la voiture nous emmène vers le treuil. » Cette phrase illustre comment elle emmène les lecteurs avec elle sur le terrain.

Son style oscille entre des phrases longues, riches en détails, et des phrases courtes, abruptes, qui créent un rythme dramatique et maintiennent la tension :

  • Phrases longues pour le détail: « Une lampe à reflets de phare éclaire ce terrifiant spectacle, ce naufrage de tant d’existences, cette flotte de barques à couvercles en route pour l’éternité. » Les détails amplifient l’impact visuel et émotionnel.
  • Phrases courtes pour la tension : « Enfin, quand on croyait tout fini, il a fallu se mettre à allonger le câble… » La brièveté de ces phrases exprime la fatigue et l’urgence.
  • Le détail qui choque : Elle écrit dans l’article du 11 décembre le passage : « Sous la pluie battante, on voyait des enfants au visage grave, déjà orphelins, tenant la main de mères en deuil. » Ces observations humanisent encore davantage les scènes décrites.

Comparaison avec d’autres articles

En parallèle, les journaux contemporains, comme Le Cri du Peuple, Le Petit Clermontois, et Le Radical abordent également la catastrophe de manière très différente. Ces publications s’attachent principalement à des faits bruts, des statistiques et des explications techniques, souvent dénuées de l’émotion et de l’introspection que Séverine insuffle à ses récits.

  • Le Soleil: Ce journal propose une analyse technique du grisou, expliquant en détail ses propriétés chimiques et les causes possibles de l’explosion. Bien que ces informations soient éducatives, elles laissent peu de place à la narration des expériences humaines des mineurs ou de leurs familles.
  • Le Cri du Peuple: L’article exprime une indignation claire contre les conditions de travail des mineurs, en dénonçant les propriétaires de mines comme responsables directs des catastrophes. Cependant, il manque de détails immersifs, comme dans cette phrase : « La responsabilité des propriétaires de mines est donc bien entière ; toutes les catastrophes leur incombent uniquement. » Cette déclaration forte manque de récits individuels pour renforcer l’impact émotionnel.
  • Le Petit Clermontois: Cet article met en avant des descriptions techniques, comme l’importance des lampes de sûreté et des ventilateurs, mais en restant éloigné des drames humains. Par exemple, il discute des solutions technologiques en déclarant : « Il y a donc mieux à faire, et pour sauvegarder des milliers d’existences, il faut être prêts à tous les sacrifices. » L’emphase est mise sur les améliorations techniques sans explorer la souffrance immédiate des familles.
  • Le Radical: Tout en dénonçant les négligences des propriétaires de mines, Le Radical reste généraliste, avec des critiques comme : « Encore le grisou et son terrifiant cortège de victimes. Ce sinistre bassin houiller de la Loire augmente chaque année son sanglant martyrologe. » Le ton est critique mais ne plonge pas dans des récits individuels, préférant une vue d’ensemble des tragédies.

En revanche, Séverine adopte une approche profondément humaniste et émotionnelle. Elle ne se contente pas de rapporter les faits ; elle les transforme en une expérience vécue pour ses lecteurs. Par exemple, alors que Le Soleil se concentre sur les détails techniques des effets chimiques du grisou, Séverine décrit les cadavres alignés à l’hôpital, plongeant ses lecteurs dans la réalité brutale de la tragédie.

Un journalisme efficace

L’efficacité du journalisme dépend de son objectif. Si l’objectif est d’informer de manière technique et objective, les articles comme ceux de Le Soleil ou La Presse remplissent leur rôle en fournissant des explications détaillées sur les causes et les conséquences du grisou. Cependant, pour éveiller l’empathie et provoquer un changement social, le style de Séverine s’avère bien plus puissant.

Elle donne une voix aux mineurs et à leurs familles, dépeignant leur douleur et leur dignité avec un respect et une compassion qui manquent dans les articles plus techniques. Son approche transforme une tragédie locale en un plaidoyer universel contre les inégalités sociales et les conditions de travail indignes.

Impact émotionnel et politique

L’écriture de Séverine suscite des réactions émotionnelles fortes. Les scènes d’adieu, telles que « Sous la pluie, dans l’ombre, des femmes se tiennent le front appuyé… », capturent la douleur collective et forcent les lecteurs à ressentir l’ampleur de la tragédie.

En même temps, elle dénonce les structures sociales qui perpétuent ces injustices, appelant à une réflexion sur les conditions de vie des ouvriers. En montrant la négligence des patrons et des autorités, elle transforme le récit en un plaidoyer pour la dignité humaine.

Elle conclut l’un de ses articles en appelant à un changement systémique, écrivant : « Ces hommes ne sont pas morts pour rien si nous pouvons tirer des leçons et empêcher que cela ne se répète. » Ce ton militant illustre sa volonté d’utiliser son travail journalistique pour provoquer un changement.

Conclusion

Les écrits de Séverine sur la catastrophe de Saint-Étienne incarnent l’essence du journalisme engagé. Par son style immersif, ses critiques sociales et son appel à l’empathie, elle transcende le simple reportage pour devenir une actrice du changement. Son travail illustre l’importance de donner une voix à ceux qui en sont privés, rappelant que le journalisme peut être un outil puissant de justice sociale.

Citations (sur RetroNews):

  1. Séverine. “Au pays du grisou.” L’Éclair, 9 December 1891.
  2. Séverine. “Au pays du grisou.” L’Éclair, 10 December 1891.
  3. Séverine. “Au pays du grisou.” L’Éclair, 11 December 1891.
  4. Séverine. “Au pays du grisou.” L’Éclair, 12 December 1891.
  5. “La catastrophe de Saint-Étienne.” Le Soleil, 9 December 1891.
  6. “Sécurité dans les mines.” Le Petit Clermontois, 11 December 1891.”Encore une tragédie minière.”
  7. Le Radical, 11 December 1891.”Quelle tristesse!” Le Cri du Peuple, 14 December 1891.

Baudelaire et ses Fleurs du mal dans la presse

Introduction : Charles Baudelaire et la presse

Caricature de Baudelaire par Nadar qui date du 19e siècle.
Caricature par Nadar. Gallica.

Charles Baudelaire, poète célèbre du XIXe siècle, a débuté dans le monde littéraire comme l’ont fait beaucoup d’écrivains de cette époque : en collaborant aux journaux. Son premier texte de presse, une chanson satirique publiée anonymement, est apparu en 1841. Il n’avait que dix-neuf ans. Ce texte a marqué le début d’une carrière dans la presse qui a continué jusqu’à sa mort prématurée en 1867. Pendant ces années, Baudelaire a écrit une variété d’articles publiés dans la presse, dont des critiques d’art, des articles satiriques et humoristiques, des traductions littéraires, et — bien entendu — des poèmes. Mais il n’était jamais lié à un seul périodique. Sa place dans la presse, bien que persistante, était toujours éphémère.

Pour Baudelaire, ses collaborations journalistiques étaient le résultat d’une obligation matérielle. En réalité, il détestait les journaux, les considérant comme une preuve de la dépravation humaine. Il écrit dans Mon cœur mis à nu :

Il est impossible [d’ouvrir] de parcourir une gazette quelconque, de n’importe quel jour ou quel mois ou quelle année, sans y trouver à chaque ligne les signes de la perversité humaine la plus épouvantable … Je ne comprends pas qu’une main pure puisse toucher un journal sans une convulsion de dégoût.

Charles Baudelaire, Mon cœur mis à nu, 1897

Sa répugnance pour la presse est évidente, mais ses textes y sont apparus quand même. Ce fait n’est pas une preuve d’une hypocrisie chez Baudelaire, mais plutôt de la place de la presse bien ancrée dans le monde littéraire du XIXe siècle. C’est une voie qu’il fallait suivre afin d’être écrivain pendant cette siècle, un moyen indispensable pour gagner sa vie en tant qu’écrivain et pour faire connaître ses publications littéraires. Il n’y avait pas de littérature sans la presse au XIXe siècle : les deux mondes étaient entremêlés. Regardons donc comment la presse a joué un rôle dans l’histoire de son recueil célèbre, Les Fleurs du mal

Prépublications dans la presse

De 1845 jusqu’à la parution du recueil en 1857, Baudelaire a publié dans la presse des poèmes qui figurent plus tard dans Les Fleurs du mal. Plus de la moitié des poèmes de la première édition ont paru dans la presse avant sa publication. Le premier de ces poèmes, intitulé à l’origine « À une Créole », est apparu dans L’Artiste du 25 mai 1845 sous le pseudonyme de Baudelaire Dufaÿs. 

Le poème « À une Créole » de Charles Baudelaire.
Dans L’Artiste. Gallica.
Le poème « À une dame créole » par Charles Baudelaire.
Dans Les Fleurs du mal. Gallica.

C’est en 1851 qu’il a publié pour la première fois des poèmes en groupe dans le feuilleton du Messager de l’Assemblée du 9 avril. Cette collection de onze poèmes sous le titre Les Limbes marque le début de la formation des Fleurs du mal.

Le 1er avril 1855, dix-huit nouveaux poèmes de Baudelaire ont été publiés dans la Revue des deux mondes, ce qui marque la première apparition des poèmes sous le titre Les Fleurs du mal. Les semaines avant la sortie du recueil, Baudelaire a continué de publier ses poèmes dans plusieurs journaux dont la Revue de Paris, L’Artiste, et le Journal d’Alençon. De cette manière, il pouvait attirer un public prêt à acheter le recueil quand il est enfin apparu le 25 juin 1857. 

Même avant que Les Fleurs du mal ne soient un recueil terminé, la presse était déjà très impliquée dans son histoire. Les pages des journaux accueillaient les poèmes avant leur placement permanent dans le recueil, et leur premier public était les lecteurs de la presse. Une fois le recueil sorti, cette histoire croisée a continué. 

Critiques des Fleurs du mal

Premières impressions

N’ayant qu’un livre de critiques d’art sorti par Baudelaire jusqu’à ce moment-là, le public attendait longtemps de recevoir enfin un recueil publié par le poète. Or, il va sans dire qu’un recueil si attendu ferait du bruit dans la presse. Suite à la publication des Fleurs du mal, des critiques mélangées du recueil sont donc apparues dans des périodiques prêtes à exprimer leurs opinions de la poésie imagée et choquante de Baudelaire — et du poète lui-même. Les Fleurs du mal s’est avéré une œuvre provocante qui méritait de la discussion.

D’abord, revenons à la première sélection de poèmes publiée sous le titre Les Fleurs du mal dans la Revue de Paris en 1855. Cette sélection était pour les critiques la première opportunité d’examiner ce que le poète offrait au monde littéraire quelques années plus tard. 

La première critique des Fleurs du mal a été publiée dans L’Athenaeum français du 24 juin 1855. Le critique littéraire Hippolyte Babou a dédié une partie de son « Courrier de Paris » à examiner ces poèmes et à considérer comment le recueil serait reçu une fois publié. Dans sa critique, il reconnaît déjà l’aspect clivant des Fleurs du mal et avoue que ces poèmes ne plairait pas à beaucoup de lecteurs, les opposant aux « poésies honnêtes et coulantes ». Néanmoins, cela ne l’empêche pas de reconnaître le talent que possédait Baudelaire en tant que poète. C’est une critique équilibrée. Quant aux autres critiques à venir, Babou se permet de prédire :

Quand M. Baudelaire publiera son volume, on lui adressera, j’en suis certain, plus de critiques que d’éloges.

Hippolyte Babou, L’Athenaeum français, 1855

Son hypothèse semblait se réaliser quand une autre critique est publiée dans le feuilleton du Figaro du 4 novembre 1855. Dans cette critique, Louis Goudall écrit dans la « Revue littéraire » pour réfuter la génie prétendue de Baudelaire, sans hésiter à employer un ton sarcastique et cinglant. Il critique le style de Baudelaire, qui est, selon lui, à la fois trop prémédité et trop abstrait, ce qui rend sa poésie incohérente. Par rapport au contenu, il n’exprime que dégoût pour « cette poésie scrofuleuse, écœurante » ou bien « cette poésie de charnier et d’abattoir ». Pour Goudall, la poésie de Baudelaire est plutôt « son vomissement ». Les thèmes controversés que traitent Baudelaire dans cette sélection des Fleurs du mal étaient déjà trop choquants pour digérer. Mais Goudall ne se satisfait pas de critiquer les poèmes et il décide d’attaquer le caractère du poète :

L’homme de M. Baudelaire … s’enfonce résolument dans le mal, creuse sa fosse de ses propres mains, et s’y couche tout vivant à côté de cadavres en putréfaction.

Louis Goudall, Le Figaro, 1855

La prise de position forte de Goudall sur Les Fleurs du mal, bien avant sa publication, refléterait celle de beaucoup de lecteurs et critiques une fois le recueil sorti. Pourtant, il avait tort de dire dans sa critique que cette collection de 1855 a brisé « en mille pièces » la réputation de Baudelaire et qu’il ne serait plus le sujet de discussion de la poésie contemporaine. Au contraire, la publication du recueil en 1857 a généré encore une discussion littéraire animée et un scandale moral brûlant.

Reproches et éloges

Lors de la parution des Fleurs du mal, des critiques littéraires ont pris encore la plume pour s’exprimer au sujet de cette œuvre complexe. Quelques critiques, comme Jules Renoult de la Revue de l’Académie de Toulouse, évoquent les idées de Goudall en rabaissant « cette poésie d’égout et de charnier ». Mais toutes les critiques des Fleurs du mal n’étaient pas remplies de propos sévères : malgré le caractère scandaleux du contenu des poèmes, plusieurs journalistes ont reconnu la valeur littéraire des Fleurs du mal et le talent exceptionnel du poète.

À titre d’exemple, considérons la critique réfléchie de Charles Asselineau qui est apparu dans la Revue française. Alors qu’il ne nie pas les défauts de Baudelaire, il déclare qu’il préfère s’occuper de ce qu’il trouve bien fait dans le recueil. Il s’agit donc plutôt des éloges de Baudelaire. Fondant sa discussion sur des réflexions au sujet de la place de l’art dans la société et des tendances de la poésie contemporaine, Asselineau affirme que Baudelaire a montré avec Les Fleurs du mal qu’il a compris les « conditions nouvelles de la poésie ». Il loue surtout le poète pour sa faculté de donner vie aux pensées abstraites et aux sensations éphémères avec son style riche et ses images vivantes. 

Sa poésie, concise et brillante, s’impose à l’esprit comme une image forte et logique. Soit qu’il évoque le souvenir, soit qu’il fleurisse le rêve, soit qu’il tire des misères et des vices du temps un idéal terrible, impitoyable, toujours la magie est complète, toujours l’image abondante et riche se poursuit rigoureusement dans ses termes.

Charles Asselineau, Revue française, 1857

D’autres journalistes abordent leurs critiques avec une position plus complexe. Ils mettent aussi en lumière les thèmes affreux du recueil, mais pour les apprécier au lieu de les condamner. Par exemple, Anatole Claveau du Courrier franco-italien utilise aussi le mot « charnier » pour décrire le recueil, mais cette fois d’une manière élogieuse :

C’est une sorte de réalisme merveilleux où la boue, le sang, le vice, le fumier, mélangent agréablement leurs odeurs : c’est un charnier.

Anatole Claveau, Courrier franco-italien, 1857

Les choix scandaleux de Baudelaire ont donc pour quelques critiques une énorme valeur littéraire et sont pour d’autres d’un dégoût énorme. Voilà ce qui fait une œuvre controversée. C’est peut-être Édouard Thierry qui explique mieux, dans Le Moniteur universel, cette réponse divisée :

Le feuilleton parle pour tout le monde. Un livre comme Les Fleurs du mal ne s’adresse pas à tous ceux qui lisent le feuilleton.

Édouard Thierry, Le Moniteur universel, 1857

Le Figaro : des critiques virulentes

Au contraire, un journal qui n’était jamais divisé par rapport aux Fleurs du mal est Le Figaro, et c’est ce journal qui avait le rôle principal en l’explosion du scandale autour du livre. Deux ans après la première critique des Fleurs du mal dans ce périodique, le journaliste Gustave Bourdin a pris la plume pour critiquer le recueil, cette fois à la une. Pour décrire sa réaction du recueil tant attendu, il emploie la métaphore d’un repas servi trop tard, pour lequel on n’a plus le goût. Il est donc ce motif de dégoût qui revient encore dans cette critique dure écrite dans un langage virulent.

L’odieux y coudoie l’ignoble ; — le repoussant s’y allie à l’infect.

Gustave Bourdin, Le Figaro, 1857

Bourdin critique non seulement le style et le contenu des Fleurs du mal, mais aussi les compétences et le caractère de Baudelaire, doutant même de l’état mental de l’auteur. Il affirme que « rien ne peut justifier » sa décision d’avoir écrit et publié de « semblables monstruosités ». Notamment, pour illustrer ces « monstruosités », il cite quatre poèmes du recueil qui seraient censurés peu après.

Une semaine plus tard, Les Fleurs du mal figure toujours dans Le Figaro, étant un des sujets de la série « Semaine littéraire » de Jules Habans. Cette critique, également virulente, emploie le même champ lexical, décrivant les poèmes comme des « horreurs de charnier » qui causent « la nausée ». Cette deuxième critique a poussé le scandale déjà attisé par Le Figaro. C’était en définitive ce journal qui était coupable d’avoir attiré l’attention du ministère public, ce qui a provoqué des poursuites judiciaires contre Baudelaire pour Les Fleurs du mal.

Le procès des Fleurs du mal

Le 4 août 1857, des journaux commencent à rapporter des détails sur le procès judiciaire de Baudelaire pour son recueil. Il est à noter que Gustave Flaubert a aussi été poursuivi pour son livre Madame Bovary six mois auparavant. Le 21 août 1857, la presse a annoncé que Baudelaire avait été condamné pour « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs » et a donné les termes de sa condamnation. La censure — une force également menaçante dans la presse et dans le monde littéraire — a vaincu, et six poèmes ont dû être supprimés du recueil. La couverture du procès a fait que Les Fleurs du mal ont continué à être sujet de journalisme après sa publication. La presse faisait toujours partie de son histoire.

Dans une lettre à son éditeur, Baudelaire exprime sa frustration face aux poursuites :

Voilà ce que c’est que d’envoyer des exemplaires au Figaro !!! Voilà ce que c’est de ne pas vouloir lancer sérieusement un livre.

Charles Baudelaire, lettre à Auguste Poulet-Malassis, 1857

La presse lui a donné encore raison d’être la cible de sa haine. Malgré tout, il a continué à collaborer aux journaux, y compris Le Figaro, jusqu’à sa mort en 1867.

Conclusion

Des premières étapes de son développement jusqu’au procès judiciaire qui avait pour conséquence sa censure partielle, la presse a joué un rôle indispensable dans l’histoire des Fleurs du mal. Ce rapport est un reflet de la relation entre la carrière poétique et la carrière journalistique de Baudelaire — deux mondes intimement entremêlés. Si Baudelaire n’avait que dégoût pour la presse, la presse était également prête à exprimer son dégoût pour lui et son œuvre. Mais leur collaboration demeurait, alimentée par une nécessité mutuelle et exigée par la domination incomparable de la presse au XIXe siècle.


Sources

Reportage sur les meurtres de Jack l’éventreur dans Le Figaro, septembre – décembre 1888

Contexte

Jack l’éventreur était un tueur en série qui a assassiné plusieurs femmes dans le district Londonien pauvre de Whitechapel en 1888. On ne connaît pas avec certitude le nombre de victimes, mais il existe cinq victimes définitives, appelées les “cinq canoniques,” que Jack a tuées entre août et novembre 1888. 

Le premier meurtre, celui de Mary Ann Nichols le 31 août, n’a pas reçu beaucoup d’attention par la presse française, mais les quatre suivants recevaient de couverture considérable. J’ai décidé de me concentrer sur la couverture dans Le Figaro, parce que j’ai trouvé que ce journal offrait la couverture la plus détaillée et la plus fréquente de ces meurtres de tous les journaux français. J’ai choisi les articles de septembre à décembre, parce que le Figaro n’a commencé à parler des meurtres qu’à partir du meurtre d’Annie Chapman, le 8 septembre. Les meurtres suivants, ceux d’Elisabeth Stride et de Catherine Eddowes, étaient tous deux le 30 septembre. Le dernier meurtre canonique et le plus brutal, celui de Mary Jane Kelly, s’est passé le vendredi 9 novembre. En décembre, il n’y a plus de nouveaux meurtres, et Le Figaro a cessé de rapporter l’enquête.

Dans ce projet, j’expliquerai chaque meurtre, comment les journaux ont décrit ces actes de violence, les théories sur les suspects et les motivations, les opinions du public sur la police anglaise, et la manière dont la prostitution et le district de Whitechapel ont été décrits.

Meurtre d’Annie Chapman

9 septembre 1888

La première mention des meurtres de Whitechapel dans le Figaro est le 9 septembre. L’auteur rapporte dans un petit paragraphe qu’on pense que l’assassin est aussi responsable pour des autres meurtres commis plus tôt cette année. 

10 septembre 1888

Le jour suivant, on trouve un rapport plus détaillé avec une description de la scène du crime. Selon le rapport, “le corps de la victime a été littéralement ouvert de bas en haut. Une partie des entrailles était enroulée autour du cou.” L’auteur présente une première théorie de ce qui serait beaucoup. Les inspecteurs ont trouvé un tablier de cuir et un couteau près du lieu, alors la police soupçonne un mystérieux homme qui porte un tablier de cuir. Les citoyens croient que cet homme est juif. Enfin, les propriétaires de la maison où le corps a été laissé font payer l’accès à la scène de crime, et de nombreuses personnes sont venues pour la voir.

12 septembre 1888

L’auteur rapporte que des meurtres de cette nature se passent régulièrement dans le district de Whitechapel, et c’est la quatrième meurtre non résolu depuis avril. On critique le manque de compétence des inspecteurs anglais. Les victimes des ces crimes sont Emma Smith (tuée en avril), Martha Tabram (tuée trois semaines auparavant), Ann Nichols (tuée huit jours auparavant) et Annie Chapman (tuée le samedi précédent). 

L’auteur exprime la misogynie flagrante. Toutes ces femmes avaient “la même profession inavouable.” En plus, il dit, “sauf la première, les autres étaient âgées de quarante à quarante-cinq ans, point belles, sales à faire peur, leurs offres ne pouvaient donc tenter que des ivrognes formant du reste leur unique clientèle.” L’auteur insulte aussi Whitechapel parce que c’est pauvre, il sent mauvais, et il abrite les “misérables.”

La police a arrêté 10 hommes au hasard, et la colère envers les juifs de Whitechapel augmente. De nombreux juifs vivent dans ce district et le public continue de soupçonner que le meurtrier est juif.

19 septembre 1888

Selon cet article, la police a affirmé à plusieurs reprises d’avoir trouvé le coupable, mais chaque fois il s’est avéré qu’il est innocent. Tout le monde a abandonné la rumeur du tablier de cuir. Les “rodeuses de nuit” – les prostituées – portent des grands couteaux quand elles sortent maintenant.

26 septembre 1888

La police n’a toujours pas trouvé le coupable. Un médecin demande que la police enquête sur “tous les pensionnaires de maisons de fous mis récemment,” parce qu’il soupçonne qu’un fou est responsable pour ces crimes.

Meurtres d’Elisabeth Stride et Catherine Eddowes

2 octobre 1888

Selon l’auteur, Whitechapel est un “ghetto où se refuge en majeure partie de la lie de la population londonienne.” C’est une description très désobligeante et sans rapport avec le sujet de l’article. 

Il y a eu deux nouveaux meurtres qui se sont passés dans Whitechapel samedi soir dernier. Le première victime est découverte par un homme en calèche, qui a vu le cadavre et a trouvé la police. Quand la police est arrivée, le corps était encore chaud, que a signifié que la meurtre a été commis très récemment. La victime avait “des coupures à la tempe et à la joue gauches, qui étaient couvertes de boue,” mais, contrairement aux victimes précédentes, elle n’a pas été éventrée. Cette femme, Elisabeth Stride, était “une fille publique” qui “était toujours ivre.”

Une heure plus tard, la police a trouvé une autre femme morte dans la rue, le corps encore chaud. L’auteur écrit, “La gorge était coupée à moitié et la tête, presque détachée, était penchée, laissant voir la carotide tranchée d’un seul coup. Comme dans les meurtres de Whitechapel le cadavre avait subi les mêmes mutilations. Le ventre était ouvert; les intestins arrachés avaient été placés autour du cou.”

Étonnamment, à cette heure matinale, les gens se rendaient au marché, mais personne n’a rien entendu. Les inspecteurs soupçonnent que l’attaque a été rapide et que l’agresseur a coupé “le larynx et le carotide afin d’empêcher tout cri.” Les inspecteurs ont aussi une théorie sur la raison pour laquelle l’assassine n’a pas coupé le ventre de la première victime. Ils croient que l’homme en calèche est arrivé à la scène avant que l’assassin n’ait terminé son travail, et le bruit du calèche “l’a empêché de mutiler Elisabeth Stride.” Mais pour la deuxième victime, “il a eu le temps d’accomplir son œuvre infâme.”

3 octobre 1888

Il y a de nouveaux détails sur l’assassin, mais d’abord l’écrivain insulte les victimes et le district où elles habitaient. Il écrit, “les victimes sont toujours des femmes, misérables créatures de la plus basse classe.” Ces victimes dorment dans les hôtelleries pas chers, où on trouve “toute une population de mendiants, de marchands ambulants, de vieilles et horribles prostituées, de voleurs et de voleuses vit là, sans grand souci de la police, qui connaît parfaitement les métiers divers pratiqués parles hộtes de ces puantes demeures.”

Le jeudi passé, dit le journaliste, L’Agence du Central News a reçu une lettre par quelqu’un qui prétend être l’assassin. Dans la lettre, écrit à l’encre rouge, l’auteur se moque de la police parce qu’elle ne l’a pas encore arrêté. Il menace de continuer à assassiner des femmes. L’auteur dit, “dans mon œuvre prochaine, je couperai les oreilles de la dame et je les enverrai aux officiers de police, ça sera une bonne farce.” Il faut noter que pour le meurtre de Catherine Eddowes, commis quelques jours après que l’Agence du Central News a reçu cette lettre, l’assassin lui a coupé les oreilles.

L’auteur de la lettre souhaite bonne chance à la police, et il signe la lettre “Jack the Riper.” À partir de ce moment, la presse française appelle le meurtrier Jack l’éventreur.

Le journaliste ajoute un autre détail. Dans cinq des six meurtres récents à Whitechapel, le tueur a enlevé l’utérus de la femme. Ce détail est important parce que ça signifie que l’assassin connaît l’anatomie humaine. Un médecin anglais soupçonne un homme américain parce que cet homme lui a un jour demandé un utérus.

4 octobre 1888

Les rues de Whitechapel sont devenues vacantes la nuit. La police continue d’arrêter des hommes au hasard, mais elle n’a pas trouvé le coupable. Les gens ont fait plusieurs recommandations folles à la police, par exemple, ils conseillent aux policiers de se déguiser en femmes pour que le tueur les approche. Le lord-maire a offert une récompense de 12,500 francs pour des informations sur le tueur. D’après l’auteur, l’enquête “ne s’est pas assez occupé[e] dès l’origine.”

7 octobre 1888

Le nouveau suspect est un Malais, qu’un marin a rencontré dans un café en août. Le marin dit que cet homme a exprimé qu’il voulait tuer des prostituées.

17 octobre 1888

Les Anglais croient maintenant que le coupable est allemand, simplement parce que l’Angleterre a des relations tendues avec l’Allemagne. La police attend un autre meurtre pour trouver Jack l’éventreur.

24 octobre 1888

Les inspecteurs ont trouvé la femme qui avait envoyé des lettres à la police se faisant passer pour Jack. C’étaient toutes des farces. Récemment, quelqu’un a envoyé une moitié de rognon au président du comité de vigilance avec la note “prends-moi, si tu peux.” Selon le journaliste, il faut douter que c’était envoyé par Jack.

De plus, la police a pris un mois pour décider de visiter une à une toutes les maisons de Whitechapel, et elle a donné un préavis de 15 jours à tous les résidents, donnant à Jack beaucoup de temps de se cacher.

Meurtre de Mary Jane Kelly

10 novembre 1888

Dans un bref paragraphe, l’auteur écrit qu’une femme a été trouvée assassinée dans une maison du district de Spitalfields, à côté de Whitechapel. Elle s’appelait Mary Jane.

12 novembre 1888

L’auteur donne plus de détails sur le récent meurtre à Londres. Jack a encore tué, cet fois dans une maison “située dans une cour où grouille une immonde population qu’il va travailler,” où “il va s’acharner sur le cadavre d’une malheureux jeune femme, à ce point de le rendre inconnaissable.”

Le journaliste visite Whitechapel en compagnie d’un pickpocket local qui lui sert de guide. Le guide parle fort de l’incompétence de la police. Tous les deux vont voir la maison où Mary Jane Kelly habitait.

Quand la police est arrivée chez-elle, “Jane Mary Kelly était étendue toute nue sur son lit; la tête était séparée du tronc, le nez, les oreilles avaient été coupés, les seins arrachés, le foie, les entrailles étaient déposés sur la table, les jambes, les bras étaient tailladés à coups de couteau; la bête féroce avait assouvi sa rage sans avoir été dérangée, sans que l’on ait entendu le moindre bruit.”

Les inspecteurs ne sont pas sûrs quand elle a été tuée, mais quelqu’un a parlé à Kelly vers 8 heures et le corps était froid quand les inspecteurs l’ont trouvé à 11h30. Donc, c’est possible que Jack l’a tué entre 9 et 10 heures du matin. Le guide est certain que Jack n’est pas un local.

Les gens sont très en colère contre Charles Warren, le chef de la police, parce que la police n’a pas réussi à attraper l’assassin donc ces attaques violentes continuent. Il y a une rumeur que Warren va quitter son emploi.

13 novembre 1888

La rumeur est vraie. On trouve une petite annonce le jour suivant: “Sir Charles Warren, chef de la police municipale, a donné sa démission à la suite du scandale causé par le nouveau crime de Whitechapel.”

14 novembre 1888

Les inspecteurs s’habillaient en effet en femmes et sortaient dans les rues de Whitechapel chaque nuit. Cependant, selon l’auteur, ces efforts étaient inutiles, parce que Kelly a été tuée chez elle.

Les femmes de Whitechapel ne sont pas d’accord sur l’apparence de Jack. Mais, elles ont toutes déclaré à la police qu’il portait un petit sac noir. La police a donc arrêté tous les hommes qui portaient un petit sac noir. Le problème? Tous les hommes d’Angleterre portent un petit sac noir. La police a promis l’immunité à tout complice de Jack, mais le public est assez certain qu’il tue seul. La récompense est maintenant de 25,000 francs.

Les Londoniens ont tellement perdu confiance en la police qu’ils ont organisé une force bénévole de détectives pour patrouiller dans les rues chaque nuit. Ils n’ont rien découvert.

21 novembre 1888

Un fruitier a entendu un homme dire qu’il croit que son cousin est Jack l’éventreur, juste parce qu’il correspond à la description de l’assassin. La police est en train d’enquêter sur lui.

L’auteur signale qu’on ne soupçonne jamais un anglais . Le public soupçonne toute personne qui ressemble, parle, ou s’habille comme un étranger. En bref, les Anglais sont nationalistes.

Mary Jane Kelly a été enterrée et une grande foule a assisté à la cérémonie. Mais, dit le journaliste, les gens ont exagéré la tristesse de la cérémonie. Il trouve que sa mort n’est pas seulement sans surprise, mais que Kelly le méritait à cause de son travail dangereux et honteux. À tout le moins, dit-il, elle ne mérite pas le degré de sympathie dont elle a fait l’objet. Ici, on peut constater une misogynie intense.

5 décembre 1888

Il n’y a pas de nouveaux meurtres dans Whitechapel depuis Mary Jane Kelly, et un nouveau chef de police a été nommé. La police attend un nouveau meurtre, espérant de nouveaux indices.


Mais ce meurtre n’est jamais passé et Jack l’éventreur n’a jamais été arrêté.

Les Femmes Modernes à la Belle Époque : La Presse

La Belle Époque

La Belle Époque est une période de la fin du XIXe siècle, qui se situe généralement entre la fin de la guerre franco-prussienne en 1871 et le déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914. Mais en France, on pensait d’ailleurs que cette période était ont commencé vers le milieu ou la fin des années 1880 en raison des troubles politiques et des problemes économiques successives pendant les années 70 et 80. La période est caractérisée par la prospérité économique, des progrès culturels et artistiques importants, l’innovation technologique et aussi un sentiment de paix relative à travers le continent européen. Cette période était considérée comme un “âge d’or” par rapport aux années de guerre suivantes.

Le Boulevard Montmartre, 1897, par Camille Pissarro
Marchand de fleurs, la rue du Havre, Paris par Louis Marie De Schryver (France, 1893)

La Belle Époque a été une époque de grands changements et d’expansion pour les publications quotidiennes d’information et la publicité. Il y a eu un grand épanouissement artistique et littéraire, notamment avec la montée de l’impressionnisme et de l’art moderne. La période est marquée par des événements marquants comme la construction de la Tour Eiffel, du métro de Paris et de l’Opéra de Paris.

Moulin Rouge: La Goulue, un affiche par Henri de Toulouse-Lautrec
Affiche pour l’exposition de la tour Eiffel (1889)
Grand globe céleste. Exposition Universelle de 1900

Événements Notables de la Belle Époque

Les événements énumérés ci-dessous se sont produits entre 1871 – 1914 et sont soit français, soit “adjacents à la France” (pertinents pour la France).

  • 1871: La Commune de Paris
  • 1877: La reine Victoria est proclamée impératrice des Indes
  • 1881: Liberté de la presse
  • 1883: La campagne du Tonkin; pour occuper le nord du Vietnam.
  • 1884: Les lois Naquet
  • 1885: Louis Pasteur et Émile Roux développent le vaccin contre la rage
  • 1886: La campagne du Tonkin se termine par une victoire française.
  • 1887: L’Indochine française est établie.
  • 1889: La tour Eiffel est achevée à Paris pour l’Exposition Universelle de Paris de 1889.
  • 1893: La guerre franco-siamoise; l’annexion du Laos actuel à l’Indochine française.
  • 1894: L’affaire Dreyfus commence.
  • 1898: La guerre hispano-américaine, se terminant par le traité de Paris.
  • 1900: L’Exposition Universelle de Paris
  • 1903: The first Tour de France is held
  • 1906: La résolution de l’affaire Dreyfus
  • 1910: Crue de la Seine.
  • 1914: L’archiduc Ferdinand d’Autriche est assassinés, déclenchant la Première Guerre mondiale.

Belle Époque et La Presse Féminine

Palais de l’Industrie, août-novembre [1892] – Exposition des Arts féminins – La Parisienne du Siècle. Affiche de Jean-Louis Forain

À la Belle Époque, les publications grand public ont commencé à décrire les femmes comme des personnes capables. Cela a contribué à commencer à normaliser l’idée de l’égalité intellectuelle des femmes avec les hommes. Les femmes se sont davantage impliquées dans des domaines tels que les arts, la littérature et la mode. Les femmes ont joué un rôle essentiel dans l’élaboration du paysage culturel.

Vélo de sécurité pour dames de 1889 – doté d’un cadre découpé pour accueillir des robes longues et d’une chaîne mécanique
Une dame en costume de chasse avec une dame en costume de marche sur un chemin de montagne de La Mode Illustrée, (Adèle-Anaïs Toudouze, 1881)
Imprimerie Lithographique: Travaux d’Art Boisselet. par Lefèvre en 1897. Haut Musée d’Art

Cette période voit l’essor des revues féminins promouvant un nouveau modèle de féminité et d’indépendance. Beaucoup de ces revues et journals ont contribué à créer un nouveau modèle de féminité à la fois indépendant et moderne, tout en conservant des aspects de la féminité. Ces revues proposaient une version différente du féminisme par rapport à l’idéal de la “la Nouvelle Femme” (New-World Women), considéré principalement comme une importation britannique, et une suffragette.

Ces deux idéaux étaient souvent vus et représentés comme des femmes abandonnant leur féminité. Plutôt, ces nouveaux médias présentaient la “femme moderne” comme une personne capable de forger sa propre vie indépendante tout en conservant les aspects traditionnels de la féminité. Ces revues ne plaidaient pas pour une réforme du code civil français ni pour le droit de vote des femmes. Ces revues visaient plutôt à exposer les Françaises à la littérature, à encourager l’écriture et à leur inculquer une certaine capacité d’action personnelle.

Une bande dessinée avec une caricature de suffragette; Les Belles Image pg 4, Jan. 22 1914
Caricature des suffragettes, Bing et Sigle, 1909

La Fronde

Lancé par Marguerite Durand en 1897, La Fronde fut le premier journal français entièrement dirigé par des femmes. La Fronde est comparable à la plupart des autres quotidiens de l’époque. Il contient des articles sur des sujets tels que la finance, la politique, et les feuilletons, y compris les conditions de travail, droits de citoyenneté, et l’égalité salariale. Mais ce qui le distingue, c’est que le journal est produit par un personnel exclusivement féminin. Parmi les auteurs, on retrouve des écrivaines, des profs et l’œuvre de Séverine. La Fronde défend la cause dreyfusarde et fut publiée jusqu’en 1903.

Fondatrice de La Fronde, Marguerite Durand

D’autres journaux critiquent la présence des femmes, remettant souvent en question leur capacité à aborder des sujets qu’elles considèrent comme spécifiquement masculins, comme la guerre. La Fronde a été largement critiquée comme militante féministe. Aussi, lancer un journal en pleine affaire Dreyfus était un défi pour Durand, d’autant plus que le journal était financé par un banquier juif.

“Plus de distinction entre celle de rue et celle de foyer: la femme tout court, l’espece feminine”

La Fronde, 9 décembre 1897 (1st issue), Marie Anne De Bovat “Menageres ou Courtisanes”

“Qu’on laisse aussi les femmes ordonner leur vie á leur guise et á leur risques, le plus honnêtement possible”

La Fronde, 9 décembre 1897 (1st issue), Marie Anne De Bovat “Menageres ou Courtisanes”

“Pourquoi j’ai fondé ce journal ? nous dit Mme Marguerite Durand ; le voici. L’an dernier, j’assistais aux séances du congrès féministe de Paris [..] Je fus fort surprise de voir là des femmes, qui avaient des idées bonnes, de grandes qualités et du cœur, et je fus prise pour elles d’une vive sympathie. Je réfléchis alors que ces femmes, que les théories qu’elles défendaient pas toujours très habilement, il est vrai, n’étaient pas connues du public, qui se faisait sur les unes et sur les autres des idées fausses.”

Le Temps, 7 Dec. 1897, pg 3/4

“Nous ne cherchons pas à prendre votre place, nous voulons notre place à côté de vous.”

La Fronde, 11 mars 1899, pg 1/6

Le titre, La Fronde, fait référence à la rébellion de la Fronde de 1648 à 1653 contre la monarchie en France. La tradition du “frondeur” au sein du journalisme dérive de cette rébellion. L’allusion dans le titre s’aligne sur la notion “frondeur” selon laquelle les groupes marginalisés ont le droit de s’engager dans des dialogues sur des questions importantes. Bien qu’à l’époque de la parution de ce journal, fronder ait une connotation qui impliquait une attaque contre l’establishment patriarcal par la satire. Les chroniques de Séverine “Notes d’une Frondeuse” semblent être une tentative de réduire l’écart entre le mode de vie de la haute société de Durand et la privation sociale et l’inégalité entre les sexes que connaissaient la plupart des autres femmes en France à cette époque.

La Fronde exploite le stigmate de la féminité pour justifier l’existence et le raisonnement. Le journal était chargé d’impliquer les femmes dans les questions non domestiques, de réforme sociale et d’activisme. La Fronde a favorisé le concept selon lequel les femmes étaient bien informées et avaient des opinions sur des questions et des sphères traditionnellement masculines. Il a également activement critiqué les représentations inexactes des femmes dans la littérature et les médias.

Salle de composition de La Fronde de The Sketch, Vol. XXI, n° 262, 2 février 1898, pg 59

Les Revues Féminine

La Belle Époque a vu l’essor des publications féminines traitant de sujets tels que la mode, l’entretien ménager et le féminisme. Outre le format de journal typique de La Fronde, deux revues notables ont été produits et distribués au cours de la dernière partie de la période; Femina et La Vie Heureuse. Pus de presse ont commencé à aborder des sujets traditionnellement tabous tant pour les femmes que pour la presse en général, comme le divorce (ou le mariage) et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. D’autres extraits de ces revues concernaient des femmes qui conduisaient, des femmes faisant du sport, ou des femmes qui travaillent. Il y avait de nombreuses publicités, particulièrement destinées aux femmes, qui présentaient des équipements d’exercice, des vêtements et des articles plus liés à la beauté.

Avant ces publications, les femmes écrivains étaient souvent décrites comme égocentriques ou négligeant les institutions sociétales comme la famille. Femina et La Vie Heureuse visaient à communiquer que les femmes pouvaient être plus que des mères et des épouses, tout en tirant une profonde satisfaction d’avoir une famille. Ces revues présentaient les femmes comme des individus capables. Faire cela dans une publication plus grand public a contribué à normaliser l’idée selon laquelle les femmes sont intellectuellement égales aux hommes.

Couverture du premier numéro de Femina du 1er janvier 1901, magazine français publié à Paris

1er numéro de La Vie Heureuse, publié le 15 octobre 1902:

Ces 2 publications rejettent le féminisme de La Fronde et choisissent de créer un modèle de femme indépendante et moderne qui conserve néanmoins sa féminité. C’est ce qu’on appelle parfois le féminisme littéraire Belle Époque. La centre persistant des revues sur les tâches ménagères, la famille et la beauté visait à diversifier les perspectives de leurs lecteurs vers une notion plus discrète de l’identité féminine. Ces revues proposaient des perspectives différentes sans remettre en cause les valeurs défendues par nombre de leurs lecteurs. L’image des femmes présentée par ces revues est celle où les femmes non seulement respectaient les règles sociétales de prendre soin de leur famille. Mais défiaient également ces rôles traditionnels en faisant du sport et en explorant sérieusement le monde professionnel.

“… Femina and La Vie Heureuse performed “imaginative work” by offering an “airbrushed view of the present” that expanded what the “dear readers” might expect of themselves.”

Holmes, D. Having It All in the Belle Epoque: How French Women’s Magazines Invented the Modern Woman. Women’s Writing

Femina

Femina a été l’un des deux premiers revues photographiques destinés aux femmes publiés bimensuellement de 1901 à 1917. C’était sous-titré comme “La revue idéale de la femme et de la jeune fille”. Le revue s’adressait aux lectrices de la bourgeoisie. Ce revue présentait un mélange de reportages sur la mode, les arts et l’actualité, avec une couverture des loisirs comme le sport et des conseils de professionnels en matière de décoration d’intérieur. Il présentait le profil de femmes célèbres; auteurs, actrices, etc. et incluaient des publicités de détaillants et de fabricants de luxe couvrant environ cinq pages de chaque numéro. Les illustrations et les images étaient le principal attrait du revue. Contrairement à La Fronde, Femina n’a pas été réalisé dans l’intention d’être une presse féministe mais plutôt un revue féminin. La stratégie de son créateur, Pierre Lafitte, s’est inspirée d’une publication anglaise similaire.

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Couverture de 1908 montrant une femme jouant au tennis.

Femina publie sur 15 Jan. 1910: parle de chasse, mode, livres, femmes nobles, etc

Couverture de 1911 montrant une femme jouant au bowling.

La Vie Heureuse

La Vie Heureuse est un autre des deux premiers revues photographiques destinés aux lectrices. Publié mensuellement de 1902 à 1917, il était sous-titré “revue féminin universel illustré”. Ce revue a été initialement publié sous forme de contenu littéraire, aristocratique, élitiste et culturel destiné aux lectrices aristocratiques. Il a également été écrit en partie par des écrivaines féminines, comme la célèbre poétesse Anna de Noailles. Quelques numéros plus tard dans sa production, le revue adopte un ton plus léger, sur le modèle de son concurrent Femina. Le sous-titre disparaît du revue, la couverture devient moins formelle et présente alors à nouveau des reproductions photographiques de portraits de femmes en couverture. Le revue aborde également des sujets alors généralement réservés aux hommes; donc des sujets comme le sport féminin, les automobilistes, et la pêche.

3ème numéro de LVH première couverture avec un portrait. Parle de femmes de l’élite culturelle, d’actrices, de révolutionnaires, de chats, etc.:

Numéro LVH publié le 15 novembre 1904, page 12/36, représentant des images de femmes chassant.
Numéro LVH publié le 15 octobre 1904, page 7/37, montrant des images de femmes pêchant.

Numéro LVH publié le 15 février 1908. Parle des femmes de la haute société (princesse, noble), de la mode, des conditions de travail, des sports d’hiver, etc.:

Numéro LVH publié le 15 décembre 1910, p. 41/74, montrant des bijoux et des vêtements de femmes de cultures non européennes.

Numéro LVH publié le 15 février 1913. Parle de sports d’hiver, de poésie, de chaussures (sportives ou formelles), d’art, de théâtre, etc:

En 1906, La Vie Heureuse publie un supplément à la revue intitulé Le Conseil des femmes : journal de tous les emplois, carrières et professions qui permettent aux femmes de se perfectionner ou de gagner leur vie. En 1917, La Vie Heureuse est vendue aux producteurs de Femina et les deux revues fusionnent, puis le titre Femina est conservé.

En 1904, tous les rédacteurs de la revue décident de former un jury pour décerner Le Prix La Vie Heureuse à Myriam Harry en réaction au prix Goncourt; où Harry s’est vu refuser le prix Goncourt en raison du refus des membres du jury Goncourt de lui décerner alors qu’Harry était le favori pour le prix. Plus tard, Hachette (éditeur LVH) et Pierre Lafitte (éditeur Femina) ont collaboré pour que ce prix perdure. Il devient prix Femina-Vie Heureuse en 1918 puis prix Femina à partir de 1922.

Les Conclusions

La presse féminine de la Belle Époque a contribué à définir un nouveau modèle de féminité et à élargir le rôle des femmes dans la société. Le féminisme a été exploré à la fois dans un format “militant” extérieur, comme on le voit dans La Fronde. Femina et La Vie Heureuse ont introduit une perspective pragmatique mais progressiste dans la vie de femmes qui ne se sont peut-être jamais considérées comme politiques. Les femmes qui se détournaient de l’idéal féministe exploré dans La Fronde auraient probablement pu trouver une communauté plus attrayante créée par ces publications.

Ces revues ont changé la façon dont leurs lecteurs se percevaient. Ils ont créé un espace permettant à ces femmes d’établir une identité en dehors du foyer et ont contribué à donner une plateforme aux femmes qui ont choisi de faire connaître leurs contributions intellectuelles et professionnelles. Les femmes étant décrites comme des personnes compétentes dans ces revues, le féminisme exploré à travers ces représentations a contribué à normaliser les femmes dans les publications grand public, renforçant ainsi l’idée selon laquelle les femmes sont intellectuellement égales aux hommes. À leur tour, on pense que les nouvelles perspectives apportées par cette forme de presse ont contribué à jeter les bases des droits et de l’inclusion des femmes – comme les femmes à l’Académie française ou le droit de vote.

Les Ouvrages Cités:

Fausses/représentations : Cheikh Bouamama et l’Algérie dans la presse française, 1881-1908

Qui était Bouamama?

Une rapide recherche en ligne nous apprend que la guerre en Algérie, également connue sous le nom de révolution algérienne, s’est déroulée de 1954 à 1962. Cependant, les Algériens luttaient pour leur indépendance, c’est-à-dire contre le projet colonial français, depuis les années 1830, lorsque la France s’est emparée d’Alger, mettant fin à 300 ans d’existence de l’Algérie en tant que province autonome de l’Empire ottoman.

Ces mouvements de résistance ont été propulsés par des personnalités telles que Cheikh Bouamama ou Shaykh Bu ‘ Amamah, qui était une figure historique, un personnage mystique et un combattant notable de la résistance révolutionnaire algérienne contre la colonisation française. Il est né en 1833 à Figuig, au Maroc, et il est mort en 1908. Il est notamment connu pour avoir dirigé un vaste mouvement de résistance dans le sud-ouest de l’Algérie de 1881 à 1908, en mobilisant et en dirigeant une tribu appelée Awlad Sidi Shaykh.

Il est difficile de trouver des illustrations de Bouamama à son époque. En revanche, voici d’autres illustrations parues dans les journaux français de l’époque, dont celle-ci, datant de 1894, qui glorifie les chemins de fer en Algérie mis en place par les Français de l’époque afin d’étendre le projet colonial.

Dans ce projet de recherche, j’utiliserai des sources telles que Britannica et BBC pour obtenir des informations historiques, des dates et des calendriers sur la période coloniale française en Algérie, et RetroNews pour examiner les sources primaires et la rédaction des journaux français à l’époque de Bouamama en Algérie. Je vais me concentrer sur deux questions principales : que disaient les journaux français sur Cheikh Bouamama pendant qu’il était au pouvoir, et comment cela a-t-il pu influencer l’opinion publique française sur l’Algérie à l’époque ?

À partir de ces questions principales, d’autres idées vont émerger en relation avec les différentes positions adoptées par les journalistes français quand ils représentent l’Algérie dans les journaux. La façon dont les gens sont représentés dans les médias est importante aujourd’hui, et cela a toujours été le cas. Grâce à une étude de la représentation, nous pouvons voir où la politique, le pouvoir et la presse se croisent, et les articles sur Cheikh Bouamama seront un reflet de la fausse représentation et des injustices brutales dans le cadre du projet colonial français en Algérie au sens large.

Algériens devant une habitation, photo de Jean Geiser, 1880-1890 – source : Gallica-BnF

Informations historiques :

Le premier affrontement militaire entre Cheikh Bouamama et les forces françaises a lieu à Sfissifa le 27 avril 1881. Il s’est conclu par la défaite de l’armée française, même s’il y a eu des morts et des blessés de part à d’autre.

Citations de journaux français


Le fameux Bou-Amama, dont la presse opposante a fait une sorte de prophète et de chef militaire capable de renouveler contre nous les exploits d’Abd-el-Kader, n’a point les moyens d’action nécessaires, ni même l’ambition assez haute pour remplir ce rôle.

(La Situation en Algérie, La Petite Gironde, 1 Septembre 1881). 

La guerre que nous fait Bou-Amama a bien plutôt le caractère d’une expédition de pillards que celui d’une insurrection véritable, et jusqu’à présent on peut même dire qu’il n’a réussi à réunir autour de lui aucune tribu importante.

(La Situation en Algérie, La Petite Gironde, 1 Septembre 1881).

Analyse : nous pouvons voir que de nombreux journalistes et politiciens français n’ont pas prédit ou compris les capacités de Bouamama et son pouvoir d’organisation.


C’est que les rebelles ne se battent aujourd’hui que pour les vivres, ou plutôt pour vivre.

(Guy de Maupassant, Le Gaulois, 26 juillet 1881)

On les a chassés de chez eux sous prétexte de sécurité; on les a poussés à bout et affamés. Ils sont partis vers le désert avec leurs trois mille chameaux. Puis de là ils ont écrit pour demander l’aman, arguant qu’ils ne s’étaient pas révoltés, qu’ils n’avaient commis aucune action contraire à nos lois, qu’ils demeuraient nos sujets dévoués, mais demandant à rentrer chez eux, refusant de mourir de faim, réclamant simplement ce qui est un droit pour tous, la vie. Et, même ici, on leur donne raison. Je sais des militaires, des hommes énergiques mais sages, qui m’ont dit: “Ils ont raison, ces gens, mille fois raison.” Et, si le gouvernement ne cède pas, voici quelques centaines de cavaliers de plus pour suivre Bou-Amama et piller nos convois de vivres.

(Guy de Maupassant, Le Gaulois, 26 juillet 1881)

Analyse : Il est intéressant de lire les chroniques de Maupassant datant de son séjour en Algérie, parce qu’il a le ton et les origines du colonisateur, et pourtant il y a des moments d’empathie dans ses écrits. La lecture est parfois étrange, car il qualifie les Algériens de « sujets dévoués » aux Français et utilise d’autres termes dégradants, mais il défend aussi leur droit de vivre, d’être nourris, d’avoir un maison.


Depuis quelque temps, l’opinion publique, en France, avait un peu délaissé la question du Sud oranais pour ne plus s’occuper que de la question tunisienne. Il ne restait plus chez nous, en dépit des émotions de la première heure, qu’un assez vague souvenir des massacres d’Espagnols commis à Saïda par le marabout Bou-Amama et les bandes d’indigènes qu’il avait fanatisées, des déprédations auxquelles il s’était livré, des meurtres d’officiers et de soldats isolés, de la confusion qui régna au début dans la répression de ces brigandages.

(La Petite Gironde, 9 avril 1882).

Analyse: L’opinion publique française s’est rapidement désintéressée de l’Algérie. Le public français est clairement influencé par le projet colonial de son pays, notamment parce que les journalistes écrivent sur les pays d’Afrique du Nord comme s’il s’agissait de modes de vêtements. Ils se fatiguent d’entendre parler de l’Algérie et discutent alors de la Tunisie. En outre, les journalistes décrivent Bouamama comme un homme faible et confus, ce qui contraste avec les batailles intenses qui ont eu lieu, au cours desquelles Bouamama a mené et les Algériens ont gagné. 


Reportage posthume sur Bouamama :

Analyse : Le même titre concis annonçant la mort de Bouamama aux lecteurs français a été reproduit à des dizaines d’exemplaires. Ce sont des copies les unes des autres, qui disent toutes la même chose, en insistant sur des termes comme « assassinat », « agitateur grossier », « révolte dangereuse », « déprédations de toutes sortes ». Le terme « l’homme au turban » est toujours utilisé, c’est-à-dire l’homme différent. On cherche à le faire passer pour un « autre », un ennemi.

Ils le décrivent comme « toujours hostile à la France ». «Il se réfugia sur le territoire marocain, où, dès lors, il vécut, toujours hostile à la France, cherchant toutes les occasions de nous nuire et appuyant de son autorité, comme par exemple à Ber-Rechid, les entreprises qui étaient dirigées contre nous. »

« Contre nous ». Dans les journaux français, il y a toujours cette rhétorique de l’altérité contre les pays nord-africains, en particulier le Maroc et l’Algérie. Nous et eux. Nous contre eux. Est-ce que la distance est irrémédiable? La France a changé cette relation pour toujours quand ils ont colonisé l’Algérie pendant des années sanglantes, brutes, et injustifiées. Ces écrits nécrologiques après la mort de Bouamama montre comment les phrases et le terminologie créent les histoires variées et préjuger, ce qui dépend sur l’auteur… on écrit ce qu’on veut croire. En France, même aujourd’hui, on veut oublier l’histoire de douleur, des souffrances qu’on a directement facilité pour des millions de personnes. Comment compter avec ces faits… et comment les personnes au pouvoir—comme les français et les journalistes—d’aujourd’hui peuvent reconnaître leur rôle et faire des efforts contre la perpétuation des préjugés et des divisions qui nous séparent et nous fracturent? 

À ce moment dans l’histoire, je crois que nous sommes obligées de parler des injustices qui ont passées, et de comprendre qu’ils continuent même maintenant. Il faut ouvrir nos yeux et voir les perspectives différentes—les perspectives des peuples qui ont volé de leur pouvoir et humanité et qui souffrent des conséquences infinis à cause de ces colonisateurs. Mais je ne veux pas dire que Bouamama et ses contemporains étaient les victimes—non, ils étaient les révolutionnaires, les humains imparfaits comme nous qui voulait se protéger ; protéger la culture, la communauté, le pays, la terre, et la vie. Les journaux français ont joué un rôle profond dans le perpétuité et représentation du colonialisme Français en Algérie. J’espère que ce portrait de Cheikh Bouamama à travers le regard des journalistes français contribue à une petite partie de cette histoire douloureuse et forte. Il y a toujours des motivations sous les lignes des écrits journalistiques. 

On écrit ce que l’on veut croire.

L’Empathie et Le Sensationnalisme: le problème d’un point de vue dans les faits-divers

Les faits-divers représentent une nouvelle ère de journaux dans les années 1800. Une époque où l’information était plus accessible au citoyen moyen et où les nouvelles du quartier pouvaient être trouvées dans les pages. L’auteur a utilisé la tragédie, la violence et l’oppression comme les spectacles et a parlé des incidents sans sensibilité. Ils n’ont pas beaucoup d’empathie pour les victimes et mettent des informations personnelles sur les personnes décédées dans leurs descriptions. Cela manque de considération est présent spécifiquement quand les auteurs décrivent les victimes femelles. Le danger est que les faits-divers sont le seul véritable moyen pour les lecteurs d’obtenir des informations sur leur communauté. La langue des articles est importante parce qu’elle influence le point de vue des lecteurs. Cette étude analyse les decrivants de la violence domestique, les incidents tragiques, et la suicide. 

La langage qui est utilisé pour décrire les accidents dans L’Écho de Paris est différent quand comparé aux incidents violents qui sont perpétrés. Les descriptions d’événements où l’accident a été causé par les actions des victimes, le langage est plus objectif. Le texte dit souvent exactement ce qui se passe, avec peu de dramatisation dans la description. 

Il n’y a pas d’empathie dans cette description. L’auteur a listé trois accidents dans cet article, un après l’autre. La langage n’a pas un peu d’empathie, est focussé seulement sur les événements. Il ne mentionne pas les familles des victimes, ou comment vont les familles et les victimes maintenant. Aussi, il inclut la façon dont les accidents passent, ce qui implique que ce sont les fautes des victimes. Il décrit la petite fille qui “en jouant avec des allumettes”. Elle est brûlée à cause de ses actions, c’est le message. Les incidents qui sont à cause des actions du victime sont décrits d’une façon plus objective.  Il n’y a aucun respect pour la vie privée ou la dignité des familles des victimes. 

Cependant, si quelqu’un est victime de quelque chose qui a été fait par quelqu’un d’autre, il y a beaucoup plus de sympathie et de réaction. La description est souvent moins objective, et le langage exprime le grief. Cet extrait utilise les mots « malheureusement », et dit qu’on «déplore » la mort. Puisqu’il s’agit d’un incendie et qu’il n’y a aucune raison de blâmer la victime, le langage est différent. L’auteur peut supposer que l’incendie a été provoqué par quelqu’un d’autre, ou naturellement. Une similarité entre cet extrait, et les deux extraits avant, est qu’il existe beaucoup de détails. Mais, les détails de l’incendie ne concernent pas la manière dont l’incendie s’est commencé.

Ces descriptions sont importantes parce qu’elles montrent comment les faits-divers ont évalué la tragédie et comment cela a affecté les lecteurs. Ces descriptions rendent les victimes de la tragédie responsables , avec peu d’empathie. Cela aurait pu translater au public, qui n’avait pas d’autre accès aux nouvelles et à l’information.

Comment le suicide fait-il partie de cette dichotomie? Dans L’Echo de Paris, le suicide est décrit de la même manière que les premiers accidents. Ces descriptions sont très objectivement, et sans beaucoup de langage empathique.

Dans cette extrait, premièrement, ils donnent le lieu et les événements du suicide, sans expression de tristesse. Donner l’emplacement du corps est une violation de la vie privée, est aussi est très formel pour une question émotionnelle. La phrase la plus troublante était la mention de ses intestins. Dire « Les intestins ont été placés dans les bocaux » est dégoûtant et donne du dégoût au lecteur, ce qui se traduit par du dégoût pour la fille et la suicide. Cela viole également fortement sa vie privée. Le but, on pourrait dire, en donnant ces détails qui violent sa vie privée, est de la déshumaniser. Il s’agit de faire croire au lecteur qu’elle ne mérite pas qu’on lui accorde de la dignité. Cela a pour effet d’aliéner les personnes atteintes d’une maladie mentale.

Ce deuxième extrait, qui ne viole pas la victime de la même façon que le premier, est aussi insensible. Le langage qui est utilisé dans la première phrase n’implique pas une tragédie, mais simplement une histoire qui est liée à une histoire de la semaine précédente. Aussi, il est insensible de décrire comment il s’est suicidé, et d’une manière objective. Il n’utilise pas le mot “tragédie” ou “atrocité”. Le seul langage triste est « ce malheureux ». Cette phrase implique que le garçon lui-même est malheureux, et pas que la suicide est malheureuse. La façon dont il décrit le suicide avec le langage montre qu’il y a peu d’empathie et reflète la force de la personne, et pas la force des sentiments qui a causée la suicide. Cette description, comme la première, a pour effet d’aliéner le lecteur aux personnes atteintes de maladie mentale. Quand les nouvelles et les faits-divers étaient les seuls moyens d’information, les lecteurs fondent une grande partie de leur opinion sur ce qu’ils lisaient. Il n’avait pas vraiment d’autre choix. S’ils n’avaient pas dans leur entourage quelqu’un qui luttait contre la maladie mentale ou qui avait des idées de suicide, ils utilisaient le langage des faits-divers pour faire leurs conclusions. C’est l’importance des faits-divers.

Mais, c’est intéressant que dans ces textes et descriptions, il  n’y a pas de dramatisation. C’est différent comparé aux incidents violents. Il n’y a pas de point d’exclamation, et l’auteur utilise le mot “accident”. Il n’utilise pas les mots “tragédie” “atroce”, etc. Aussi, il n’inclut pas beaucoup de détails. Dans les descriptions des incidents violents domestiques, l’auteur est plus dramatique, et il donne beaucoup de détails au lecteur. Les représentations de la violence domestique dans les faits-divers sont problématiques. Dans de nombreux récits, l’auteur s’est fortement concentré sur la « jalousie » comme motif de violence contre les femmes. De plus, dans certains articles, il décrivait en détail les raisons pour lesquelles l’homme était violent, sans mentionner l’impact sur la femme. Ces articles sont plus dramatiques, et utilisent les mots qui attirent l’attention du lecteur. Aussi, on peut conclure que beaucoup d’ articles donnent les raisons de la violence, et ainsi essaient de justifier les actions des hommes qui sont violents envers les femmes. 

Un événement dans l’Echo de Paris du 5 janvier est important pour étudier. Il illustre la violence entre une femme et son mari, qui suivre des problems dans leur marriage. La femme de cette histoire est tirée après que son mari qui a “tire deux coups de revolver sur la femme”. Cela s’est passé après beaucoup de signes de violence domestique. Malgré la gravité de la situation, l’article commence avec le terme “un drame conjugal”, et un description de la violence intense. On pourrait penser qu’un drame conjugal n’inclut pas les issues d’abuser, ou, comme dans cette histoire, une tentative de meurte. Le mot “drame” implique que quelque chose est insignifiant, ou enfantin. Cette phrase normalise la violence domestique parce qu’elle implique que l’abuse de cette femme est juste une autre “drame”. La normalisation de la violence contre les femmes peut causer une situation où les criminels ne sont pas poursuivis aussi fréquemment pour violences contre les femmes. Mais, cette introduction est même plus inquiétante quand on considère l’histoire qui le suit. Cette vision effet de la violence a également un impact sur l’opinion des lecteurs à l’égard de la violence domestique. Comme indiqué précédemment, cette vision est due au fait que les gens ont accès à des faits-divers, et non à des situations réelles.

Le reste de l’article exprime certes le drame de la situation, mais ne condamne pas les agissements du mari. Cependant, il est dit qu’il s’agissait d’un acte de « jalousie ». L’article dit que la femme l’avait admis. Bien que cet article exprime de l’empathie pour la situation en général, il ne parle pas de la femme comme la première victime de la situation. Par exemple, l’article ne dit pas que le mari avait essayé de la tuer, mais dit seulement qu’il a tiré avec un revolver. Ce style objectif s’éloigne le mari de la crime.  Mais, en même temps, l’auteur utilise les mots comme “drame” pour attirer l’attention du lecteur. Donc, les descriptions de la violence domestique sont dramatiques, mais quand il décrit les crimes du mari, c’est plus objectif, ce qui distance et normalise les crimes. 

Donc, quelle est la solution à ce sensationnalisme et à ce manque d’empathie dans les faits-divers? À cette époque, l’information était peu variée. Si quelqu’un voulait en savoir plus sur sa communauté, il faut qu’on lit les faits-Divers. La Rue, écrite par Jules Vallées, donne une solution intéressante au problème. 

La Rue, Jules Valées

Il écrit sur les rues et sur “qui fait quoi”, mais il parle des luttes quotidiennes et n’utilise pas sa chronique comme une moyen pour des ragots. Il dit des écrivants des articles de cette époque “A peine connaissent-il leur nom pendant leur vie”. Il critique le fait qu’il y a une déconnexion entre le lecteur et le sujet de l’histoire dans les faits-divers. Ses articles ne semblent pas très différents de ceux qui existent, mais il souhaite les approfondir et raconter l’histoire de ceux qui font partie des faits-divers. Cela ajoute plus d’empathie et raconte la véritable histoire des malheurs de ceux qui se trouvent dans les faits-divers. C’est une bonne chose, parce que cela permet aux lecteurs d’avoir une autre perspective. Dans le cas des suicides, il pourrait aller voir la famille de la victime et montrer l’impact du suicide sur les gens. Les lecteurs ont ainsi une autre histoire, plutôt que la seule histoire racontée. Dans les cases de la violences domestiques contre les femmes, il peut parler avec la femme, et donne la lecteur une autre histoire de la victime. La problème des faits-divers, c’est qu’ il manque d’empathie et raconte une seule histoire. La Rue s’attaque à ce problème, mais donne aux gens l’information sur leur communauté. 

Le grand problème des faits-divers est qu’ils racontent une seule histoire, et la façon dont l’auteur raconte une idée, comme le suicide, la violence domestique ou la tragédie, est la seule perspective que les lecteurs reçoivent. Et si ces descriptions manquent d’empathie, c’est ainsi que les lecteurs perçoivent les problèmes de leur communauté. 

Visualisation de la Folie et de la Marginalisation des Femmes dans les Médias Français de la Fin du Siècle

Le Traitement des Femmes Désobéissantes et Malades Mentales

Les hystériques : état physique et mental, actes insolites, délictueux et criminels / par le Dr Legrand Du Saulle (1830-86), https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30778781q

Le développement de la folie féminine est lié au rôle des femmes dans la révolution française et la commune. Pendant l’instabilité de la Révolution française, les femmes sont devenues plus visibles dans les sphères politiques et sociales, créant des clubs de femmes et participant activement à la révolution. La pétroleuse est une descendante de ces figures révolutionnaires, devenant une allégorie des femmes désobéissantes et dangereuses pendant la Commune (1871). Les hystériques, de Legrand Du Saulle, est une chronique de la Commune, où les ambulancières ont été contaminées par la folie de la révolte et sont devenues des incendiaires. Après des décennies d’instabilité politique, la bourgeoisie, le gouvernement conservateur et les monarchistes s’opposent à la poursuite de la révolution. La Commune est une menace pour l’ordre social. Afin de contrôler ces femmes hystériques, le code Napoléon de 1804 consolide la position d’infériorité des femmes dans la société, en donnant aux hommes l’autorité légale sur leurs femmes et leurs enfants, faisant d’eux des mineurs légaux. Les femmes célibataires vivaient en dehors des lois réelles et supposées de la société, défendues par les hommes, ce qui représentait une menace pour l’ordre social. Michel Foucault a publié son roman, Folie et Déraison : Histoire de la Folie à l’Âge Classique en 1961, en expliquant l’origine de l’idée de maladie mentale depuis le Moyen Âge. Il explique que le XVIIe siècle, l’âge de la raison, a été l’âge de l’enfermement des malades mentaux. La société chrétienne considérait que la moralité s’exprimait à travers le comportement et les capacités sociales d’une personne. Au 18e siècle, les asiles tentent de soigner les maladies mentales et, au 19e siècle, ils adoptent des politiques plus « humaines ».

La méthode Bertillon inventée en 1879

Tableau synoptic des traits physionomiques: pour servir a l’étude du “portrait parlé,” Alphonse Bertillon, 1909, https://jstor.org/stable/community.18592441

La révolution scientifique (1500-1700), associée à l’alphabétisation croissante, a contribué à rendre la pensée scientifique accessible au public. Au 19e siècle, le discours scientifique est représenté sous forme imprimée, accessible à tous, d’autant plus que la majorité est alphabétisée. D’un point de vue moderne, les pratiques médicales et psychiatriques décrites dans les livres et les nouvelles du 19e siècle sont de la pseudoscience. Pour l’individu du XIXe siècle, il s’agissait d’une pratique scientifique à laquelle tout le monde pouvait participer. Le flanneur, un promeneur ou un observateur, a été inventé au XIXe siècle. Le personnage était lié à la discrimination sociale des malades mentaux ou des criminels.

En 1879, l’officier de police Alphonse Bertillon invente un mode d’identification des criminels récidivistes par des mesures du visage et du corps. La phrénologie, bien connue à Paris dans les années 1800. Les médecins français “found the face the “magic mirror of the soul,” the image of God…. (Dr.) Lavater thought maximum knowledge of indelible, excessive passions would come from studying inmated of prisons or asylums” (Staum, pg. 4). Les médecins se rendent en masse dans les hôpitaux pour étudier la forme de la tête et déterminer les différences crâniennes ou phrénologiques qui témoignent d’une dégénérescence. Ces mesures sont comparées les unes aux autres afin d’identifier le type de criminel ou de malade mental. Alphonse Bertillon a inventé la photo d’identité en 1888, créant ainsi des archives de preuves physiques et photographiques. Sa technique a été utilisée dans le monde entier avant l’utilisation des empreintes digitales en criminologie au début du siècle. Dans les grandes villes du monde, des galeries des malfaiteurs ont été créées avec des portraits de criminels, demandant aux visiteurs d’aider à attraper les coupables.

L’Album Criminaliste

Le Petit Journal, 21 juin 1891

l’Hôpital Salpêtrière

L’hôpital de la Salpêtrière a été fondé au XVIIe siècle à la suite de la création de l’hôpital général de Louis XIV. La salpêtrière est située dans le 13e arrondissement, au bord de la Seine, et est destinée à sortir les pauvres de la rue. 4 ans après son ouverture en 1656, la Salpêtrière accueillait 5300 patientes, dont 1500 en psychiatrie. Cet hôpital est devenu le lieu d’une pratique photographique particulière de représentation des aliénés. Bien qu’elles ne soient pas directement associées à la phrénologie, ces photographies obsédantes révèlent un intérêt pour la taxonomie des fous, de leur apparence à leur expérience physique lors des crises de folie (épilepsie).

Les Photos de la Salpêtrière

Iconographie photographique de la Salpêtrière (service de M. Charcot), 1878, Gauche: Début de l’Attaque Cri, Droit: Tétanisme, https://www.getty.edu/art/collection/object/104GBN
Hystero-Epilepsie: Hallucinations. Angoisse. Planche XXIX.Iconographie photographique de la Salpetriere : service de M. Charcot / par Bourneville et P. Regnard. Volume 1. https://www.jstor.org/stable/community.24791127
Iconographie photographique de la Salpêtrière (service de M. Charcot), 1878, Gauche: Attitudes Passionnelles Extase, Droit: Attitudes Passionnelles Hallucinations de l’Ouie, https://www.getty.edu/art/collection/object/104GBN

Jean-Martin Charcot, de la Salpêtrière, était l’un des principaux chercheurs sur l’épilepsie et un promoteur de l’épilepsie hystérique. L’idée que l’épilepsie est une maladie neurologique s’est développée dans la seconde moitié du 19e siècle. Précédemment, on croyait que l’épilepsie était causée par le surnaturel. Les femmes épileptiques, en particulier, étaient caractérisées comme hystériques et maniaques, ce qui a entraîné une certaine confusion quant à savoir si l’épilepsie était un trouble mental ou un trouble neurologique. Ainsi, les épileptiques faisaient l’objet d’une stigmatisation sociale sévère. Charcot a jugé nécessaire de traiter les épileptiques dans des hôpitaux afin de les « protéger/éloigner » dans un environnement contrôlé.

Le Satanisme à la Salpêtrière

Le Figaro, 24 Avril 1891

Exclusion vers les Périphéries; Ville Evrard

Le contrôle social des malades mentaux et des criminels est souligné par la création d’asiles de village comme celui d’Evrard, lieu d’internement de Camille Claudel entre 1914 et 15. Entre 1836 et 1856, les effectifs des malades ont augmenté de 50% avec la croissance de Paris. Depuis le psychologue Jean-Étienne-Dominique Esquirol, il y avait 8 asiles dedié aux aliénés en France en 1818, avec 5,153 patients en total. En 1899, ce nombre avait augmenté jusqu’au 64,000 en 1899. Avec la croissance de la population parisienne de la fin du siècle, dans les années 1890, la France comptait quatre asiles principaux : Ville Evrard, Villejuif, Sainte-Anne et Vaucluse. Les hôpitaux débordent de patients au moment de la guerre Franco-Prussienne et de la première guerre mondiale. Un manque de ressources et de connaissances sur les soins de santé mentale efficaces ont fait le taux de récidive à environ 20 %. En effet, les asiles étaient des prisons à vie.

Carte postale: Ville Evrard- établissement des alienés, 5 mars 1912, https://pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/IA93000149

L’asile Evrard a ouvert ses portes le 19 janvier 1868. Ils ont eu 716 patients la première année. Les admissions de patients sont devenues une préoccupation du Baron Haussman dans les années 1860, qui a rationalisé l’administration en faisant de l’internement un problème pour la police. Haussman a proposé une nouvelle procédure de traitement administratif: Le patient est d’abord examiné par la police avant d’être conduit à l’asile pour y être examiné par le phychiatrique. En fonction de la richesse de la famille, le médecin recommande un asile. Les hommes les plus malades sont envoyés au Bicentre, tandis que les femmes sont envoyées à la Salpêtrière, située à Paris. Des villes psychiatrique ont été proposés comme une mode different de la soins aux malades mentaux.

Carte de l’Asile de Ville Evrard à proximité de Paris.

Les asiles situés à la périphérie de Paris, l’Evrard et l’asile Vaucluse ont été construits dans l’idée d’être des communautés de bien-être. Disposant de beaucoup d’espace, ces hôpitaux ont adopté des plans en pavillon, maximisant la distance d’un patient à l’autre. La théorie des miasmes, selon laquelle les maladies se propagent par le biais d’odeurs et de vapeurs nauséabondes, n’a été réfutée que par Louis Pasteur dans les années 1860. Sa théorie des germes a été largement acceptée dans les années 1880. Malgré cela, les Français semblent préoccupés par la communicabilité de la folie, en particulier chez les femmes. L’augmentation de la distance entre les individus réduit leur capacité à participer à l’hystérie collective. Les notions de confinement des maladies corporelles et mentales concrétisent des pratiques eugénistes telles que l’isolement.

Vue panoramique d’Asile d’Alienes de Ville-Evrard, https://pop.culture.gouv.fr/notice/memoire/IVR11_20039301353NUC

Les villes psychiatriques isolées comme Ville Evrard ont imaginé un espace où les individus étaient libres de se déplacer dans la ville en toute sécurité. Les chambres proposées sans cellule sont censées imiter un environnement familial. S’inspirant de Gheel, la ville libre des aliénés, le directeur d’Evrard, Marandon de Montyel, imagine une politique de portes ouvertes, où les patients sont libres d’aller et venir.

Gheel, dans le nord de la Belgique flamande, est le lieu du martyre de Dymphne, la patronne des fous. On dit qu’elle soigne les fous et leur fait reprendre leurs esprits. Après le XVe siècle, la ville de Gheel est devenue célèbre pour son approche unique des soins de santé mentale, inspirée par la légende de Sainte Dymphna. Les pèlerins en quête de guérison pour des maladies mentales se rendaient à Gheel, où les familles locales commençaient à les accueillir chez elles, les intégrant à la vie quotidienne – une pratique qui a évolué vers un modèle de soins psychiatriques désinstitutionnalisés. Cette tradition de compassion a traversé les siècles et se poursuit aujourd’hui, les établissements psychiatriques modernes soutenant le système de soins communautaires.

Bien que s’inspirant de Gheel, les hôpitaux comme Evrard sont des institutions fondamentalement différentes. Le Vaucluse et Evrard ont été construits comme des colonies agricoles, dans le but d’accroître les libertés des patients et le financement de l’asile. Selon Montyel, le travail et la responsabilité étaient nécessaires pour un traitement réussi, préparant les patients à la lutte pour la vie après leur libération (Jessie Hewitt, p. 390). Les travaux agricoles sont prescrits à tous les patients aptes, malgré l’idée bourgeoise selon laquelle les femmes doivent effectuer des travaux domestiques. Dans les hôpitaux ruraux, les rôles des hommes et des femmes étaient assouplis, à condition qu’ils respectent la toute-puissance du médecin. L’idée de Montyel consolide le contrôle du médecin, consacrant les hiérarchies sociales à l’hôpital. La politique de la porte ouverte est tout sauf une liberté.

La nature des hôpitaux périphériques est d’isoler les étrangers dans la campagne, de sorte qu’ils n’ont aucune relation avec le monde extérieur. L’essor de l’enfermement décrit par Foucault est une réaction aux bouleversements politiques de l’histoire française. Alors qu’auparavant ces individus étaient sous la responsabilité de la communauté, l’évolution des paradigmes entourant les pauvres et les malades a considéré la folie comme dangereuse et transmissible.

L’internent de Camille Claudel

La célèbre sculptrice française Camille Claudel est née à Fère-en-Tardenois en 1864. Dès son plus jeune âge, elle entretient des relations difficiles avec sa famille. Après avoir déménagé à Paris en 1882, Claudel fait la connaissance du sculpteur Auguste Rodin, dont elle devient l’assistante, la muse et le modèle en 1884. Cette histoire d’amour tumultueuse dure dix ans, avant que Claudel ne commence à chercher son indépendance artistique. Elle s’isole dans son appartement, s’efforçant de se démarquer de l’influence de Rodin. Après une série d’échecs, Claudel détruit son art et s’isole davantage. Son père meurt en 1913 et sa mère et son frère l’internent de force à l’asile de Ville Evrard jusqu’à l’éclatement de la guerre, où elle est transférée à l’asile de Montdevergues jusqu’à sa mort en 1943. Elle est enterrée dans une tombe commune. Ce n’est qu’après sa mort qu’elle obtient une reconnaissance artistique.

Le journal Paris du 20 décembre 1913 raconte comment Claudel a été enlevée de force de son domicile en raison de la tutelle de sa mère et de son frère. Malgré la colère de la presse, aucun effort n’a été fait pour la libérer.

Le Grand National du 2 juin 1914 demande que Claudel soit libéré de la tutelle de sa famille.

Conclusion

Les médias français du XIXe siècle ont joué un rôle essentiel en présentant les femmes comme hystériques et indisciplinées, renforçant ainsi les mécanismes de contrôle sociétal qui les privaient d’autonomie, comme en témoigne la diminution de leurs droits en vertu du Code Napoléon. Le cas de Camille Claudel, une femme talentueuse mais socialement non conforme, soumise à l’enfermement à vie, souligne comment les asiles sont devenus des outils permettant d’exercer un contrôle patriarcal sur les femmes jugées déviantes ou ingérables. La couverture médiatique, avec sa focalisation sensationnaliste sur les faits divers et le discours pseudo-médical, a étendu ce contrôle à la sphère publique, invitant la société à participer à la surveillance et à la marginalisation des femmes. La disponibilité de preuves photographiques de la criminalité ou de la folie a permis aux individus de se surveiller les uns les autres comme mode de contrôle systématique. En présentant les femmes comme dangereuses, émotionnellement instables et sujettes à l’hystérie, la presse a contribué à normaliser leur exclusion et leur incarcération, transformant des luttes personnelles en spectacles publics. Cette interaction entre la médicalisation, le sensationnalisme des médias et l’oppression juridique a consolidé un récit culturel qui a justifié et perpétué la privation systémique des droits des femmes.

Mes Sources:

Albou, Philippe. “Esquirol et La Démence .” HISTOIRE DES SCIENCES MEDICALES – TOME XLVI – N° 1 – 2012, 2012.

Foucault, Michel. Histoire de La Folie à l’âge Classique. 1977.

Hewitt, Jessie. Institutionalizing Gender. Cornell University Press, 2020.

“Iconographie Photographique de La Salpetriere (Service de M. Charcot) (The J. Paul Getty Museum Collection).” Getty: Resources for Visual Art and Cultural Heritage, https://www.getty.edu/art/collection/object/104GBN. Accessed 15 Dec. 2024.

“Les Hystériques : État Physique et Mental, Actes Insolites, Délictueux et Criminels / Par Le Dr Legrand Du Saulle,… | BnF Catalogue Général – Bibliothèque Nationale de France.” BnF Catalogue Général, https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30778781q. Accessed 15 Dec. 2024.

Prestwich, Patricia E. “Drinkers, Drunkards, and Degenerates: The Alcoholic Population of a Parisian Asylum, 1867-1914 Histoire Sociale / Social History.” Histoire Sociale / Social History, https://hssh.journals.yorku.ca/index.php/hssh/article/view/16576. Accessed 15 Dec. 2024.

Seine-Saint-Denis, Département. “Établissement Public de Santé de Ville-Evrard – Patrimoine – Atlas de l’architecture et Du Patrimoine.” Atlas de l’architecture et Du Patrimoine, https://patrimoine.seinesaintdenis.fr/etablissement-public-de-sante-de-Ville-Evrard. Accessed 15 Dec. 2024.

“Shibboleth Authentication Request.” Shibboleth Authentication Request, https://www-retronews-fr.libproxy.smith.edu/sante/long-format/2021/05/17/gheel-la-ville-libre-des-fous. Accessed 15 Dec. 2024.

Staum, Martin. “Physiognomy and Phrenology at the Paris Athénée.” Journal of the History of Ideas, vol. 56, no. 3, University of Pennsylvania Press, pp. 443–62, doi:10.2307/2710035. Accessed 15 Dec. 2024.

“The Geography of Institutional Psychiatric Care in France 1800–2000: Historical Analysis of the Spatial Diffusion of Specialised Facilities for Institutional Care of Mental Illness – PMC.” PMC Home, https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC7116974/. Accessed 15 Dec. 2024.

Un Avortement À Toulon : La Réponse de Séverine et Les Avis Divers 

Le Scandale 

En 1890, il y avait un scandale où une femme à Toulon a se fait avorter. L’histoire a devenu un moment très grand dans la presse parce que le maire de Toulon et sa maîtresse (qui était mariée avec un lieutenant de vaisseau) étaient accuses d’avortement. Il était condamné à cinq ans de réclusion et elle était condamne à deux ans en prison. La femme qui a fait l’avortement était condamne à trois ans en prison. Ils étaient punis sous une loi de 1810 qui a criminalisé l’interruption volontaire de grossesse, mais la loi n’était pas souvent appliquée.1  

Les Articles de Séverine 

Séverine a écrit un article dans le journal Gil Blas qui parle de cet avortement et l’avortement en général le 4 novembre 1890, après le scandale a commencé mais avant le procès tribunal. Gil Blas était un journal entre 1879 et 1914 qui a publié l’histoire, les ragots, et de la littérature. Notamment, le journal n’a défendu aucune école littéraire mais avait un idéal de variété dans les articles qu’il a publié.2

Dans son article, Séverine explique que l’autorité maritime est la raison pour laquelle le scandale est devenu très grand, et que le travail du maire n’est pas affecté par son rôle dans le scandale. Elle dit aussi que les lois qui gouvernent l’avortement ne sont pas sensibles et que l’interdiction d’avortement pour la raison de repeuplement est immorale. Il y a des familles qui ont déjà plusieurs enfants sans posséder une maison ou assez à manger, et ils ne peuvent pas avoir plusieurs enfants sans augmenter leur misère. Quelquefois, l’avortement est seulement l’amour maternel pour les enfants qu’une femme a déjà.3

Cet article est écrit dans un style personnel et commence avec une réponse au directeur du journal. Séverine utilise les pronoms personnels tout au long d’article – elle ne cache pas que cela est son avis et ce qu’elle croit. Elle pose les questions aux lecteurs, utilise plein de points d’exclamation, et nous invite dans une conversation où elle explique pourquoi l’avortement ne constitue pas un crime. Cela est une stratégie littéraire qui laisse le lecteur se sentir à l’aise avec le texte et croire ce que l’auteur dit.  

Voyez-vous, l’avortement est un malheur, une fatalité – pas un crime.

– Séverine, dans Gil Blas, 4 novembre 1890

Neuf jours après son premier article, Séverine a publié un deuxième article à propos de l’avortement dans le journal Le Courrier de L’Est. Dans cet article, elle parle plus de la misère et de la pauvreté que la société ignore. Elle dit que les gens sont guidés par leurs consciences et que la pauvreté est un grand problème dans la société. Elle parle des femmes qui n’ont pas assez d’argent pour un enfant plus et si elles se couchent avec leur mari, cela ne veut pas dire qu’elles doivent souffrir avec un enfant qu’elles ne peuvent pas prendre soin de. La société promet le mariage et les enfants aux femmes sans les donner les ressources pour les soutenir et l’avortement constitue un crime de désespoir, pas de joie. Elle remarque aussi que la société a crée un scandale publique pour punir les personnes impliques dans un scandale clandestin et privé.4

Le style de cet article est similaire au premier article que Séverine a écrit sur le sujet, mais le ton est un peu plus détaché dans cet article. Cela est peut-être parce qu’elle a déjà expliqué son avis aux lecteurs et maintenant doit parler des grands problèmes sociaux comme la pauvreté, qui ne correspondent pas avec un ton désinvolte.  

Séverine a utilisé un pseudonyme, Jacqueline, pour écrire ces articles. Quand même, dans les jours suivants, beaucoup de journaux ont écrit des réponses à l’article en utilisant le nom “Séverine”, alors tout le monde a su qu’elle était l’auteur. Avant que son deuxième article soit publié, les journaux disent que Jacqueline était Séverine, mais elle a encore utilisé ce pseudonyme. 

Les Réponses À Séverine

Il y avait quelques courts partis de l’article de Séverine publiés dans les autres journaux à cause de la notoriété de Séverine et aussi la popularité d’incident. La France de Bordeaux et le Sud-Ouest publie un sommaire de l’article de Séverine dans leur Chroniques Locaux le 21 novembre, plus que deux semaines après l’article était publié.5 Le Petit Caporal publie un excerpt de l’article de Séverine qui se focalise sur l’avortement comme un malheur mais pas un crime.6 L’Ordre de Paris publie la même partie de l’article dans leur journal.7 Cette partie de l’article semble être une des parties les plus populaires et connues.  

En plus, il y avait d’autres chroniqueurs et journalistes qui ont parlé de Séverine dans leurs réponses à l’avortement à Toulon. Ces articles n’ont pas se concentres pas sur elle, mais leurs références aux articles de Séverine montrent qu’elle était une des plus grandes voix dans le débat à propos de l’avortement à l’époque. L’Égalité publie un article où l’auteur dit qu’il est d’accord avec Séverine comme une partie d’un article plus longue qui explique son avis sur l’avortement. L’article dit que Séverine est “vaillante” en exprimant son avis, et parle des filles qui deviennent mères seules et trop jeunes.8 Un article dans le Courrier du Soir est intéressant en comparant l’avis de Séverine avec celle de Jules Simon, qui était contre l’avortement. Cet article parle du moralisme et de sa place dans le débat, en particulier parce que plusieurs de ces “moralistes” qui sont contre l’avortement se font avorter s’ils le besoin.9 Le Parisien a un article dans “Ça et Là” qui discute le désaccord entre Séverine et Jules Simon. L’article soutient la position de Séverine et note que l’opinion publique à propos d’avortement change toujours.10 La Patrie écrit une critique littéraire d’une pièce de théâtre où une femme est violée et puis elle se fait avorter.11 La référence à Séverine dans cet article sans rapport (sauf l’avortement) montre que Séverine a devenu une des plus grandes voix dans le débat à propos de l’avortement.  

Finalement, il y avait quelques auteurs qui ont écrit les réponses plus longues à Séverine où ils s’engagent plus avec ses idées. Le 5 novembre – le jour après le premier article de Séverine – L’Égalité publie un article où l’auteur parle du “magnifique article” de Séverine. Cet article, dans le style du journalisme de siècle, est une revue pour l’article de Séverine et il est très positif.12 L’Esprit de la Femme publie un article contre l’avortement qui critique Séverine et parle des femmes comme mères, pas comme personnes développes à l’extérieur de leurs relations avec leurs maris et enfants. L’article utilise le langage très fort et frappant pour montrer l’opposition à l’avortement et contraste l’avortement avec “la moralité féminine”.13 La Souveraine Nationale, sûr l’autre côté, dit que l’article de Séverine est un “très remarquable article” et ajoute que les juges riches ne comprennent pas la souffrance des mères pauvres, alors les courts ne sont pas des meilleures façons pour juger les femmes qui se font avorter. L’article explique aussi que mettre les mères en prison puni leurs enfants, et que les femmes besoin quelquefois l’avortement pour leur santé mentale.14  

Les styles différents de ces réponses à Séverine servent des fonctions différentes. Les petits segments de son article et les explications courtes sont là pour informer le public d’un article important qui a été publié récemment, et ils publient les parties de l’article les plus frappants et connus. Les articles qui mentionnent l’article de Séverine mais ne se focalisent pas sur elle ont les tons plus professionnels et éloignés. Cela montre que ces articles sont professionnels en utilisant des sources extérieures pour affirmer ou contraster leurs croyances, et ces articles sont plus comme le journalisme d’aujourd’hui que celui du 19e siècle. Finalement, les articles qui répondent directement aux avis de Séverine sont plus exagérés. Plusieurs articles écrivent les éloges pour son article, et l’article négatif est aussi dramatique et fort dans l’expression de son avis. Les articles qui font les revues d’autres articles ne sont pas toujours intéressantes, alors en exprimant une opinion forte, les auteurs encouragent les lecteurs à lire et penser de leurs articles.  

Le Débat Contemporaine et Conclusions

Ce débat est important parce qu’il montre une discussion des problèmes et idées qui existent, presque dans la même forme, aujourd’hui. Il est frappant que la plupart des articles de 1890 ont trouvé que l’avortement était justifié. Les articles qui mentionnent l’article de Séverine sont peut-être un group biaise, mais le soutien pour l’avortement semble plus grand en 1890 qu’en 2024. Même les articles contre l’avortement sont moins dramatiques que ceux d’aujourd’hui, avec l’exception de l’article dans L’Esprit de la Femme qui utilise le langage inflammatoire pour opposer l’avortement dans un écho des auteurs qui sont contre l’avortement aujourd’hui.  

La discussion d’adultère dans plusieurs articles est aussi intéressante, parce qu’une des grandes raisons pour laquelle la femme à Toulon a se fait avorter était parce qu’elle n’a pas voulait avoir l’enfant de quelqu’un qui n’était pas son mari. Mais quand la conversation a commencé de tourner vers l’avortement en général, les auteurs ont continué de se focaliser sur l’adultère. Il y avait plusieurs points importants, comme l’idée que les hommes ne sont pas punis pour l’adultère dans le même sens que des femmes, mais l’accent sûr l’adultère a laissé ceux qui s’opposent à l’avortement lier l’immoralité associe avec adultère avec l’avortement et le représenter comme immorale.  

Je suis d’accord avec Séverine quand elle a dit que l’attention que cette histoire a reçue est excessif. À la fin de la journée, c’était la vie privée de deux familles et l’attention nationale sur leurs vies n’était pas nécessaire. L’avortement est un sujet important à discuter, mais on peut le faire sans impliquer les gens ordinaires qui avaient la malchance d’être emprisonnes dans le cirque du media. Séverine a traité leur histoire avec compassion et a écrit des articles fort en défendant ses valeurs et les droits des femmes moins privilégiées qu’elle-même. 

  1. Le Petit Journal, 10 janvier 1891. ↩︎
  2. Lefèvre 2023. ↩︎
  3. Gil Blas, 4 novembre 1890. ↩︎
  4. Le Courrier de L’Est, 23 novembre 1890. ↩︎
  5. La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, 21 novembre 1890. ↩︎
  6. Le Petit Caporal, 11 novembre 1890. ↩︎
  7. L’Ordre de Paris, 11 novembre 1890. ↩︎
  8. L’Égalité, 11 novembre 1890. ↩︎
  9. Le Courrier du Soir, 14 novembre 1890. ↩︎
  10. Le Parisien, 15 novembre 1890. ↩︎
  11. La Patrie, 28 novembre 1890. ↩︎
  12. L’Égalité, 5 novembre 1890. ↩︎
  13. L’Esprit de la Femme, 16 novembre 1890. ↩︎
  14. La Souveraineté Nationale, 12 novembre 1890. ↩︎

Le Rôle des Images Pendant la Guerre Franco-Prussienne et la Commune de Paris

Pendant les périodes d’instabilité et de bouleversements, en particulier en France pendant la guerre franco-prussienne (1870) et la Commune de Paris (1871), l’art politique et les caricatures ont joué un rôle essentiel dans la formation et l’influence de l’opinion publique. À une époque où la censure gouvernementale était omniprésente, les dessins et les imprimés politiques publiés dans les journaux satiriques sont devenus des outils essentiels pour exprimer la discorde, critiquer les détenteurs du pouvoir et rallier le soutien des mouvements révolutionnaires. Ce projet examine comment les caricatures ont transmis des messages politiques puissants, souvent en recourant au symbolisme, à l’humour et à l’exagération, offrant au public un moyen accessible de s’engager dans le discours politique, en particulier à une époque où les pourcentages d’alphabétisation augmentaient encore, mais n’étaient pas encore universels.

La formation de l’opinion publique à travers les médias visuels

Les caricatures politiques n’étaient pas seulement une source d’humour : elles transmettaient des messages politiques sérieux. Grâce à la narration visuelle, ces images ont pu critiquer les actions du gouvernement, satiriser les personnalités politiques et défendre le changement, souvent d’une manière que le journalisme traditionnel ne pouvait pas faire en raison d’une forte censure. En utilisant des représentations exagérées des structures de pouvoir, des personnalités politiques et des idéaux révolutionnaires, ces images ont contribué à façonner la manière dont le public a perçu des événements.

Exemple 1. Le Grelot, “La Réunion Des Partis”

  • Adolphe Thiers est représenté tiré par différentes factions (gauche, centre, droite), avec en arrière-plan la figure menaçante de la Commune et de l’empereur prussien.
  • Cette caricature met en évidence la vulnérabilité de Thiers et son incapacité à diriger effectivement dans un contexte de pressions politiques cotradictoire.
  • L’image avec le sous-titre ajoute de l’humour en présentant Thiers comme un personnage sans contrôle pris entre des forces idéologiques.

Exemple 2. “La Situation”

  • Une femme en rouge regarde deux soldats se battre, et l’empereur de Prusse et Napoléon observent. Les deux soldats représentent la situation politique fracturée de Paris, tandis que la figure de la France est représentée dans la défaite.
  • Cette image reflète le traumatisme spirituel et émotionnel subi par le peuple français pendant la guerre et la Commune. L’imagerie souligne l’absurdité et la frustration de l’agitation politique, avec des forces extérieures qui semblent regarder pour se divertir.
  • Deux femmes vêtues de blanc se trouvent sur le sol, apparemment vaincues, entre les deux soldats qui se battent. Les femmes à terre tiennent des papiers cassés et déchirés, l’un portant l’inscription “liberté de la presse” et l’autre “liberté de reunion” , bien qu’il soit difficile de les voir. Ces papiers déchirés symbolisent l’érosion des droits fondamentaux, notamment la liberté de la presse et la liberté de réunion, cette dernière faisant référence au droit de se rassembler pour des réunions politiques ou pour former des syndicats et des organisations ouvrières. Cette répression des libertés fondamentales souligne les tensions entre les mouvements populaires et les forces répressives pendant cette période.

Représentation des structures de pouvoir et du peuple : Allégorie et symbolisme dans la caricature politique

Les caricatures politiques de cette période utilisent souvent des figures allégoriques pour représenter des idéaux abstraits ou des nouvelles politiques. Des figures telles que Le Père Duchêne, la Commune et la France personnifiée (sous la forme d’une femme) ont été utilisées pour incarner la lutte politique au sens large. Les créatures symboliques étaient également courantes, représentant souvent différentes factions politiques, classes sociales ou idéologies. Les caricatures de personnages tels qu’Adolphe Thiers et l’empereur de Prusse ont également contribué au récit visuel des tensions politiques de l’époque.

Exemple 3. ” Le Père Duchène en Colère”

  • Cette image présente un Père Duchêne puissant et enragé, figure mythique du peuple, qui piétine de petites caricatures de personnages politiques/élites
  • Le Père Duchène : Traditionnellement un symbole radical de la Révolution française, représentant le peuple, il est ici représenté dans une position puissante et en colère, symbolisant l’indignation de la classe ouvrière.
  • Cette image souligne le ressentiment de la population à propos des élites et des personnalités politiques qui les ont abandonnées ou opprimées.

Exemple 4. L’Eclipse,” Les Aboyeurs”

  • La France (incarnée par une femme) est attaquée par des chiens, chacun symbolisant une faction politique différente. Chaque chien représente un pouvoir politique différent (la République, les Bonapartistes, les Royalistes et la Commune).
  • Malgré les attaques contre la nation, la sous-titre souligne que la fierté de la France reste intacte, un commentaire sur la résilience du peuple face au chaos politique.
  • L’utilisation de chiens comme symboles déshumanise les factions politiques, les réduisant à des forces vicieuses qui menacent la stabilité du pays.

Exemple 5. Le Grelot, “Paris Cuit Dans Son Jus”

  • Adolphe Thiers et l’empereur Allemand sont représentés près du feu, en train de remuer une marmite portant l’inscription Paris , symbolisant le chaos et l’agitation politique qui règnent dans la ville. L’image utilise la métaphore de Paris comme une marmite en ébullition pour montrer les tensions croissantes, à la fois politiques et sociales, à Paris à cette époque.
  • Les figures diaboliques qui “mettent de l’huile sur le feu” représentent les forces externes et internes qui alimentent le conflit et la destruction de Paris.

Exemple 6. “Les Circulaires de M.Thiers”

  • Une femme révolutionnaire éclaire la caricature de Thiers en forme de hibou, révélant ses serres ensanglantées. La lumière éclaire Thiers, révélant sa violence et sa corruption morale, symbolisées par le sang qui coule de ses talons.
  • La figure féminine représente les idéaux révolutionnaires et la clarté morale, contrastant avec la corruption de Thiers.
  • La figure existe à la fois comme une figure féminine mythique et comme une allégorie de la vérité. L’image est une critique visuelle du rôle de Thiers et de sa culpabilité dans l’effusion de sang des conflits en cours.
  • Les symboles, tels que les chiens et le hibou représentant Adolphe Thiers, témoignent de la manière dont les artistes utilisaient des métaphores pour renforcer leurs messages tout en contournant la censure. En réutilisant ces figures dans divers contextes, les artistes créaient une reconnaissance immédiate auprès du public, tout en rendant leur message plus difficile à interdire ou à censurer. Ces symboles agissaient comme des codes visuels partagés, accessibles même aux spectateurs peu lettrés.

Exemple 7. “La Grande Crucifiée”

  • Une femme révolutionnaire, vêtue d’une robe rouge avec un bonnet phrygien, pointe du doigt un signe versaillais, debout sur le corps d’un révolutionnaire tombé au combat. Son épée et sa forte expression expriment une menace directe à l’égard de l’élite versaillaise.
  • La figure féminine, symbole de l’esprit révolutionnaire, est une représentation forte et provocante de la justice. Sa pose est destinée à inspirer la peur aux élites et aux Versaillais. La légende dessous suggère que le sang versé des révolutionnaires sera vengé.
  • Les femmes allégoriques occupent une place centrale dans la communication visuelle de l’époque, mais leurs significations sont multiples et souvent ambiguës. Par exemple, la France est souvent représentée comme une figure protectrice et héroïque, tandis que la République peut apparaître sous une forme plus austère ou idéalisée. À l’inverse, la Commune, souvent associée à des figures féminines rebelles ou subversives, incarne une menace pour l’ordre établi. Ces multiples représentations peuvent prêter à confusion, surtout pour un public divers, leur interprétation dépendant du contexte politique et social de l’époque.

La censure et l’innovation dans l’expression politique

La suppression de la presse par le gouvernement a créé un environnement dans lequel les artistes ont dû trouver des moyens créatifs d’exprimer leurs opinions. Grâce à une utilisation intelligente de la satire, du symbolisme et de l’exagération visuelle, les artistes ont pu critiquer le gouvernement tout en contournant les lois sur la censure. Ces images sont devenues une forme essentielle de résistance et de mobilisation pour les idées révolutionnaires, lorsque le gouvernement français a cherché à supprimer les voix dissidentes. En plus de la censure des journaux écrits, les images de presse subissaient une répression encore plus sévère. En raison de leur accessibilité et de leur capacité à transmettre un message de manière visuelle et immédiate, ces images étaient perçues comme particulièrement menaçantes par le gouvernement. Par exemple, l’interdiction de certains journaux critiques en mars 1871 comprenait également la suppression des images associées, reflétant une peur accrue de l’impact visuel sur l’opinion publique.

Exemple 8. “Suppression De La Liberte Le La Presse”

  • Une épée sanglante tranche les noms des publications révolutionnaires réduites au silence, représentant la censure de la presse. Cette répression ne s’est pas limitée aux mots : les images, telles que les caricatures et les affiches, ont également été attaquées pour leur pouvoir de diffusion d’idées subversives, même auprès d’un public analphabète. L’épée tranchant les noms des journaux symbolise la suppression brutale de la liberté d’expression au cours de la période, visant en particulier les journaux révolutionnaires et les journaux de gauche.
  • Cette image fait directement référence à l’interdiction des journaux critiques à l’égard du gouvernement en mars 1871. Cet acte de censure du gouvernement républicain visait à supprimer la dissidence, mais il a également alimenté la colère populaire qui a conduit à la Commune de Paris. Cette illustration montre comment la censure peut, paradoxalement, renforcer les mouvements de résistance en exacerbant les tensions sociales.
  • En dénonçant la censure de la presse, cette image elle-même devient un acte de résistance visuelle, illustrant la tension entre liberté d’expression et contrôle gouvernemental. Elle montre comment les images pouvaient contourner les restrictions pour défendre la diffusion des idées révolutionnaires malgré la répression.

Conclusion : Le pouvoir de l’art dans le discours révolutionnaire

  • Ces images montrent que les caricatures politiques n’étaient pas seulement des outils d’humour, mais aussi des armes de critique et de mobilisation pendant une périodes tumultueuses dans l’histoire de France. L’utilisation de la satire pour exposer, critiquer et résister aux détenteurs du pouvoir a façonné la compréhension des événements par le public et a contribué à encourager les mouvements révolutionnaires.
  • De manière particulièrement ingénieuse, les artistes ont utilisé des symboles tels que des animaux – comme des chiens attaquant une figure féminine, ou Adolphe Thiers représenté sous la forme d’un hibou – pour contourner la censure et obscurcir leur message tout en conservant leur impact critique. Ces choix symboliques ont rendu les images plus difficiles à supprimer ou à censurer, tout en restant puissamment évocatrices pour le public. En intégrant des significations complexes derrière les métaphores animales, ces images ont révélé les dynamiques de pouvoir tout en protégeant leurs créateurs contre les représailles.
  • Même face à la répression, ces œuvres visuelles démontrent la résilience de l’art et sa capacité à véhiculer des idées subversives. Elles nous rappellent que l’art n’est pas seulement une forme d’expression esthétique, mais qu’il peut aussi être un outil de résistance, capable de transcender les restrictions pour éclairer et mobiliser. Ces caricatures, avec leurs symboles ingénieux et leurs critiques mordantes, restent un témoignage durable de l’importance de la créativité dans la lutte pour la liberté d’expression et la justice sociale.
Sources