Qui était Bouamama?
Une rapide recherche en ligne nous apprend que la guerre en Algérie, également connue sous le nom de révolution algérienne, s’est déroulée de 1954 à 1962. Cependant, les Algériens luttaient pour leur indépendance, c’est-à-dire contre le projet colonial français, depuis les années 1830, lorsque la France s’est emparée d’Alger, mettant fin à 300 ans d’existence de l’Algérie en tant que province autonome de l’Empire ottoman.
Ces mouvements de résistance ont été propulsés par des personnalités telles que Cheikh Bouamama ou Shaykh Bu ‘ Amamah, qui était une figure historique, un personnage mystique et un combattant notable de la résistance révolutionnaire algérienne contre la colonisation française. Il est né en 1833 à Figuig, au Maroc, et il est mort en 1908. Il est notamment connu pour avoir dirigé un vaste mouvement de résistance dans le sud-ouest de l’Algérie de 1881 à 1908, en mobilisant et en dirigeant une tribu appelée Awlad Sidi Shaykh.
Il est difficile de trouver des illustrations de Bouamama à son époque. En revanche, voici d’autres illustrations parues dans les journaux français de l’époque, dont celle-ci, datant de 1894, qui glorifie les chemins de fer en Algérie mis en place par les Français de l’époque afin d’étendre le projet colonial.
Dans ce projet de recherche, j’utiliserai des sources telles que Britannica et BBC pour obtenir des informations historiques, des dates et des calendriers sur la période coloniale française en Algérie, et RetroNews pour examiner les sources primaires et la rédaction des journaux français à l’époque de Bouamama en Algérie. Je vais me concentrer sur deux questions principales : que disaient les journaux français sur Cheikh Bouamama pendant qu’il était au pouvoir, et comment cela a-t-il pu influencer l’opinion publique française sur l’Algérie à l’époque ?
À partir de ces questions principales, d’autres idées vont émerger en relation avec les différentes positions adoptées par les journalistes français quand ils représentent l’Algérie dans les journaux. La façon dont les gens sont représentés dans les médias est importante aujourd’hui, et cela a toujours été le cas. Grâce à une étude de la représentation, nous pouvons voir où la politique, le pouvoir et la presse se croisent, et les articles sur Cheikh Bouamama seront un reflet de la fausse représentation et des injustices brutales dans le cadre du projet colonial français en Algérie au sens large.
Informations historiques :
Le premier affrontement militaire entre Cheikh Bouamama et les forces françaises a lieu à Sfissifa le 27 avril 1881. Il s’est conclu par la défaite de l’armée française, même s’il y a eu des morts et des blessés de part à d’autre.
Citations de journaux français
Le fameux Bou-Amama, dont la presse opposante a fait une sorte de prophète et de chef militaire capable de renouveler contre nous les exploits d’Abd-el-Kader, n’a point les moyens d’action nécessaires, ni même l’ambition assez haute pour remplir ce rôle.
(La Situation en Algérie, La Petite Gironde, 1 Septembre 1881).
La guerre que nous fait Bou-Amama a bien plutôt le caractère d’une expédition de pillards que celui d’une insurrection véritable, et jusqu’à présent on peut même dire qu’il n’a réussi à réunir autour de lui aucune tribu importante.
(La Situation en Algérie, La Petite Gironde, 1 Septembre 1881).
Analyse : nous pouvons voir que de nombreux journalistes et politiciens français n’ont pas prédit ou compris les capacités de Bouamama et son pouvoir d’organisation.
C’est que les rebelles ne se battent aujourd’hui que pour les vivres, ou plutôt pour vivre.
(Guy de Maupassant, Le Gaulois, 26 juillet 1881)
On les a chassés de chez eux sous prétexte de sécurité; on les a poussés à bout et affamés. Ils sont partis vers le désert avec leurs trois mille chameaux. Puis de là ils ont écrit pour demander l’aman, arguant qu’ils ne s’étaient pas révoltés, qu’ils n’avaient commis aucune action contraire à nos lois, qu’ils demeuraient nos sujets dévoués, mais demandant à rentrer chez eux, refusant de mourir de faim, réclamant simplement ce qui est un droit pour tous, la vie. Et, même ici, on leur donne raison. Je sais des militaires, des hommes énergiques mais sages, qui m’ont dit: “Ils ont raison, ces gens, mille fois raison.” Et, si le gouvernement ne cède pas, voici quelques centaines de cavaliers de plus pour suivre Bou-Amama et piller nos convois de vivres.
(Guy de Maupassant, Le Gaulois, 26 juillet 1881)
Analyse : Il est intéressant de lire les chroniques de Maupassant datant de son séjour en Algérie, parce qu’il a le ton et les origines du colonisateur, et pourtant il y a des moments d’empathie dans ses écrits. La lecture est parfois étrange, car il qualifie les Algériens de « sujets dévoués » aux Français et utilise d’autres termes dégradants, mais il défend aussi leur droit de vivre, d’être nourris, d’avoir un maison.
Depuis quelque temps, l’opinion publique, en France, avait un peu délaissé la question du Sud oranais pour ne plus s’occuper que de la question tunisienne. Il ne restait plus chez nous, en dépit des émotions de la première heure, qu’un assez vague souvenir des massacres d’Espagnols commis à Saïda par le marabout Bou-Amama et les bandes d’indigènes qu’il avait fanatisées, des déprédations auxquelles il s’était livré, des meurtres d’officiers et de soldats isolés, de la confusion qui régna au début dans la répression de ces brigandages.
(La Petite Gironde, 9 avril 1882).
Analyse: L’opinion publique française s’est rapidement désintéressée de l’Algérie. Le public français est clairement influencé par le projet colonial de son pays, notamment parce que les journalistes écrivent sur les pays d’Afrique du Nord comme s’il s’agissait de modes de vêtements. Ils se fatiguent d’entendre parler de l’Algérie et discutent alors de la Tunisie. En outre, les journalistes décrivent Bouamama comme un homme faible et confus, ce qui contraste avec les batailles intenses qui ont eu lieu, au cours desquelles Bouamama a mené et les Algériens ont gagné.
Reportage posthume sur Bouamama :
Analyse : Le même titre concis annonçant la mort de Bouamama aux lecteurs français a été reproduit à des dizaines d’exemplaires. Ce sont des copies les unes des autres, qui disent toutes la même chose, en insistant sur des termes comme « assassinat », « agitateur grossier », « révolte dangereuse », « déprédations de toutes sortes ». Le terme « l’homme au turban » est toujours utilisé, c’est-à-dire l’homme différent. On cherche à le faire passer pour un « autre », un ennemi.
Ils le décrivent comme « toujours hostile à la France ». «Il se réfugia sur le territoire marocain, où, dès lors, il vécut, toujours hostile à la France, cherchant toutes les occasions de nous nuire et appuyant de son autorité, comme par exemple à Ber-Rechid, les entreprises qui étaient dirigées contre nous. »
« Contre nous ». Dans les journaux français, il y a toujours cette rhétorique de l’altérité contre les pays nord-africains, en particulier le Maroc et l’Algérie. Nous et eux. Nous contre eux. Est-ce que la distance est irrémédiable? La France a changé cette relation pour toujours quand ils ont colonisé l’Algérie pendant des années sanglantes, brutes, et injustifiées. Ces écrits nécrologiques après la mort de Bouamama montre comment les phrases et le terminologie créent les histoires variées et préjuger, ce qui dépend sur l’auteur… on écrit ce qu’on veut croire. En France, même aujourd’hui, on veut oublier l’histoire de douleur, des souffrances qu’on a directement facilité pour des millions de personnes. Comment compter avec ces faits… et comment les personnes au pouvoir—comme les français et les journalistes—d’aujourd’hui peuvent reconnaître leur rôle et faire des efforts contre la perpétuation des préjugés et des divisions qui nous séparent et nous fracturent?
À ce moment dans l’histoire, je crois que nous sommes obligées de parler des injustices qui ont passées, et de comprendre qu’ils continuent même maintenant. Il faut ouvrir nos yeux et voir les perspectives différentes—les perspectives des peuples qui ont volé de leur pouvoir et humanité et qui souffrent des conséquences infinis à cause de ces colonisateurs. Mais je ne veux pas dire que Bouamama et ses contemporains étaient les victimes—non, ils étaient les révolutionnaires, les humains imparfaits comme nous qui voulait se protéger ; protéger la culture, la communauté, le pays, la terre, et la vie. Les journaux français ont joué un rôle profond dans le perpétuité et représentation du colonialisme Français en Algérie. J’espère que ce portrait de Cheikh Bouamama à travers le regard des journalistes français contribue à une petite partie de cette histoire douloureuse et forte. Il y a toujours des motivations sous les lignes des écrits journalistiques.
On écrit ce que l’on veut croire.