Le roman au XIXe siècle

Le roman et le désir comme moteur du récit

By the nineteenth century, the pícaro’s scheming to stay alive has typically taken a more elaborated and socially defined form: it has become ambition. It may in fact be a defining characteristic of the modern novel (as of bourgeois society) that it takes aspiration, getting ahead, seriously, rather than simply as the object of satire (which was the case in much earlier, more aristocratically determined literature), and thus it makes ambition the vehicle and emblem of Eros, that which totalizes the world as possession and progress. Ambition provides not only a typical novelistic theme, but also a dominant dynamic of plot: a force that drives the protagonist forward, assuring that no incident or action is final or closed in itself until such a moment as the ends of ambition have been clarified, through success or else renunciation. […] The ambitious heroes of the nineteenth-century novel—those of Balzac, for instance—may regularly be conceived as “desiring machines” whose presence in the text creates and sustains narrative movement through the forward march of desire, projecting the self onto the world through scenarios of desire imagined and then acted upon.

Peter Brooks, Reading for the Plot (1992), pp. 39-40

Je vais vous révéler en peu de mots un grand mystère de la vie humaine. L’homme s’épuise par deux actes instinctivement accomplis qui tarissent les sources de son existence. Deux verbes expriment toutes les formes que prennent ces deux causes de mort: VOULOIR et POUVOIR

Balzac, La Peau de chagrin, 1831

Être jeune, avoir soif du monde, avoir faim d’une femme, et voir s’ouvrir pour soi deux maisons ! mettre le pied au faubourg Saint-Germain chez la vicomtesse de Beauséant, le genou dans la Chaussée-d’Antin chez la comtesse de Restaud ! plonger d’un regard dans les salons de Paris en enfilade, et se croire assez joli garçon pour y trouver aide et protection dans un cœur de femme ! se sentir assez ambitieux pour donner un superbe coup de pied à la corde raide sur laquelle il faut marcher avec l’assurance du sauteur qui ne tombera pas, et avoir trouvé dans une charmante femme le meilleur des balanciers ! Avec ces pensées et devant cette femme qui se dressait sublime auprès d’un feu de mottes, entre le Code et la misère, qui n’aurait comme Eugène sondé l’avenir par une méditation, qui ne l’aurait meublé de succès ? 

Balzac, Le Père Goriot, 1835

Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière, et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s’attachèrent presque avidement entre le colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer ! Il lança sur cette ruche bourdonnante un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ce mot grandiose : —À nous deux maintenant !

Balzac, Le Père Goriot, 1835

Littérature, scandale, moralité

L’exemple de Madame Bovary de Flaubert (1857) :

La noirceur de l’intrigue, l’immoralité des personnages, mais aussi la neutralité narrative refusant toute norme et toute vérité définitive, choquent les lecteurs et la censure. Flaubert, ainsi que le gérant de la revue et son imprimeur, sont jugés pour « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs ». Le procureur Ernest Pinard lui reproche notamment le « réalisme vulgaire et souvent choquant de la peinture des caractères », ses « tableaux lascifs » et ses « images voluptueuses mêlées aux choses sacrées ».

Christine Genin, BnF Essentiels, «Madame Bovary»

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