Les chroniqueuses et les chroniqueurs

Introduction aux chroniqueurs·ses (diaporama)


Voici “La Vie à Paris” de Claretie dans le journal Le Temps du 9 mars 1880.


Delphine de Girardin [pseudonyme : le vicomte de Launay]

Quand il ne s’est rien passé dans la semaine, le vicomte ne laisse pas tomber la conversation pour cela, il la soutient à lui tout seul, et avec quel esprit étincelant, quelle ironie incisive, quelle finesse pénétrante! Que de vérités ingénieuses, que de frivolités profondes, et à travers ce babil qui affecte d’être léger, quelle droiture de coeur, quelle hauteur d’âme, quel parfait sens moral! Comme le mondain vicomte cingle de sa badine tout ce qui est lâche, tout ce qui est laid, tout ce qui est hypocrite! comme il fait la guerre aux mensonges, aux bassesses, aux turpitudes, sans jamais prendre le ton déclamatoire! avec quel art il sertit le ridicule dans une monture de plaisanteries !

Théophile Gautier, Introduction aux Œuvres complètes de Delphine de Girardin (1857)
  • Les chroniques de Delphine de Girardin ont apparu sous le titre «Courrier de Paris», signé du pseudonyme «Le vicomte de Launay», dans le journal La Presse (fondé en 1836 et dirigé par son mari, Émile de Girardin), et ont été publiées en volume plus tard sous le titre Lettres parisiennes.
  • Voici sa première chronique telle qu’elle apparassait dans La Presse le 29 septembre 1836, en bas de la première page, dans la rubrique ‘feuilleton’.
  • Article très intéressant sur RetroNews au sujet de Delphine de Girardin et le genre de la chronique.

Léo Lespès [pseudonyme : Timothée Trimm]

Timothée Trimm était le pseudonyme de Léo Lespès, le chroniqueur très populaire—dans les deux sens du terme—au Petit Journal aux années 1860:

Pseudonyme de Léo Lespès, de son vrai prénom, Joseph Napoléon, journaliste et romancier dont le rôle de chroniqueur dans Le Petit Journal l’a assuré d’une renommée sans égale. Après avoir travaillé au Figaro de Villemessant, il fait sa première chronique le 26 juillet 1863 sans discontinuité jusqu’à son départ pour Le Petit Moniteur en 1869. Il est remplacé par Thomas Grimm (pseudonyme collectif regroupant Henri Escoffier et ses collaborateurs). Méprisé par l’intelligentsia de l’époque, ses chroniques prenaient la forme de conversation avec le lecteur pour aborder des sujets de la vie quotidienne et des faits-divers

Julien Ebersold, «La fondation du Petit Journal en 1863», RetroNews

Quant au chroniqueur du Petit Journal, pourquoi le peuple ne l’aimerait-il pas, comment pourrait-il ne pas l’aimer? Dédaigneux des règles, méprisant la solennité, il sait accommoder l’événement du matin, l’accident du soir, au goût des lecteurs, saupoudrant toutes les tartines avec un sel gris piquant comme celui que les ménagères jettent à poignées dans la marmite honnête du pot-au-feu.

[…] sans savoir comme d’autres aiguiser les mots, ciseler les phrases, il est devenu le chroniqueur aimé, le journaliste indispensable. Ils sont des millions en France qui n’ont été qu’à la mutuelle ou à la primaire, point au collège; il ne faut pas avec eux être trop instruit ou trop brillant, jeter de l’éclat ou faire de la majesté; on doit leur parler de choses qu’ils savent, des gens qu’ils connaissent. A ce prix-là on est populaire, et je comprends cette popularité, sans être fou de cette littérature.

Jules Vallès au sujet de Trimm dans Le Figaro, 1866 (RetroNews)
Diogène avec sa lanterne, avec légende qui lit en partie "Messieurs, je cherche un homme, et de mon œil lent terne, je n'en vois pas"
Daumier – caricature montrant Diogène, «Bon mot du temps» (Boston Public Library)

Jules Vallès

Les activités journalistiques de Jules Vallès (1832-1885) sont inséparables de son engagement politique. Celui qui fut l’un des élus de la Commune est aussi le fondateur de l’éphémère Cri du peuple, journal emblématique de l’insurrection de 1871.

Le Cri du Peuple, premier grand quotidien socialiste (RetroNews)

«Hier-Demain», déclaration de mission journalistique, dans Le Nain jaune en 1867 :


Caroline Rémy [Séverine]

Il y avait des grandes femmes journalistes avant Séverine, au 19ème siècle : des chroniqueuses d’une part, des publicistes d’autre part. Mais Séverine a inauguré une nouvelle lignée, celle des femmes reporters. Elle va inventer autre chose. Elle met en scène un corps émotif, un corps exposé, en montrant qu’elle prend les mêmes risques les hommes, c’est un journalisme total, de terrain. La peur est instrument de validation du reportage. Elle la met en scène, et va même plus loin que les hommes, en pratiquant pour la première fois en France un journalisme d’identification. Elle choisit de prendre la place du sujet dont elle écrit l’histoire.

Marie-Ève Thérenty

Images de Séverine: