Les Femmes Modernes à la Belle Époque : La Presse

La Belle Époque

La Belle Époque est une période de la fin du XIXe siècle, qui se situe généralement entre la fin de la guerre franco-prussienne en 1871 et le déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914. Mais en France, on pensait d’ailleurs que cette période était ont commencé vers le milieu ou la fin des années 1880 en raison des troubles politiques et des problemes économiques successives pendant les années 70 et 80. La période est caractérisée par la prospérité économique, des progrès culturels et artistiques importants, l’innovation technologique et aussi un sentiment de paix relative à travers le continent européen. Cette période était considérée comme un “âge d’or” par rapport aux années de guerre suivantes.

Le Boulevard Montmartre, 1897, par Camille Pissarro
Marchand de fleurs, la rue du Havre, Paris par Louis Marie De Schryver (France, 1893)

La Belle Époque a été une époque de grands changements et d’expansion pour les publications quotidiennes d’information et la publicité. Il y a eu un grand épanouissement artistique et littéraire, notamment avec la montée de l’impressionnisme et de l’art moderne. La période est marquée par des événements marquants comme la construction de la Tour Eiffel, du métro de Paris et de l’Opéra de Paris.

Moulin Rouge: La Goulue, un affiche par Henri de Toulouse-Lautrec
Affiche pour l’exposition de la tour Eiffel (1889)
Grand globe céleste. Exposition Universelle de 1900

Événements Notables de la Belle Époque

Les événements énumérés ci-dessous se sont produits entre 1871 – 1914 et sont soit français, soit “adjacents à la France” (pertinents pour la France).

  • 1871: La Commune de Paris
  • 1877: La reine Victoria est proclamée impératrice des Indes
  • 1881: Liberté de la presse
  • 1883: La campagne du Tonkin; pour occuper le nord du Vietnam.
  • 1884: Les lois Naquet
  • 1885: Louis Pasteur et Émile Roux développent le vaccin contre la rage
  • 1886: La campagne du Tonkin se termine par une victoire française.
  • 1887: L’Indochine française est établie.
  • 1889: La tour Eiffel est achevée à Paris pour l’Exposition Universelle de Paris de 1889.
  • 1893: La guerre franco-siamoise; l’annexion du Laos actuel à l’Indochine française.
  • 1894: L’affaire Dreyfus commence.
  • 1898: La guerre hispano-américaine, se terminant par le traité de Paris.
  • 1900: L’Exposition Universelle de Paris
  • 1903: The first Tour de France is held
  • 1906: La résolution de l’affaire Dreyfus
  • 1910: Crue de la Seine.
  • 1914: L’archiduc Ferdinand d’Autriche est assassinés, déclenchant la Première Guerre mondiale.

Belle Époque et La Presse Féminine

Palais de l’Industrie, août-novembre [1892] – Exposition des Arts féminins – La Parisienne du Siècle. Affiche de Jean-Louis Forain

À la Belle Époque, les publications grand public ont commencé à décrire les femmes comme des personnes capables. Cela a contribué à commencer à normaliser l’idée de l’égalité intellectuelle des femmes avec les hommes. Les femmes se sont davantage impliquées dans des domaines tels que les arts, la littérature et la mode. Les femmes ont joué un rôle essentiel dans l’élaboration du paysage culturel.

Vélo de sécurité pour dames de 1889 – doté d’un cadre découpé pour accueillir des robes longues et d’une chaîne mécanique
Une dame en costume de chasse avec une dame en costume de marche sur un chemin de montagne de La Mode Illustrée, (Adèle-Anaïs Toudouze, 1881)
Imprimerie Lithographique: Travaux d’Art Boisselet. par Lefèvre en 1897. Haut Musée d’Art

Cette période voit l’essor des revues féminins promouvant un nouveau modèle de féminité et d’indépendance. Beaucoup de ces revues et journals ont contribué à créer un nouveau modèle de féminité à la fois indépendant et moderne, tout en conservant des aspects de la féminité. Ces revues proposaient une version différente du féminisme par rapport à l’idéal de la “la Nouvelle Femme” (New-World Women), considéré principalement comme une importation britannique, et une suffragette.

Ces deux idéaux étaient souvent vus et représentés comme des femmes abandonnant leur féminité. Plutôt, ces nouveaux médias présentaient la “femme moderne” comme une personne capable de forger sa propre vie indépendante tout en conservant les aspects traditionnels de la féminité. Ces revues ne plaidaient pas pour une réforme du code civil français ni pour le droit de vote des femmes. Ces revues visaient plutôt à exposer les Françaises à la littérature, à encourager l’écriture et à leur inculquer une certaine capacité d’action personnelle.

Une bande dessinée avec une caricature de suffragette; Les Belles Image pg 4, Jan. 22 1914
Caricature des suffragettes, Bing et Sigle, 1909

La Fronde

Lancé par Marguerite Durand en 1897, La Fronde fut le premier journal français entièrement dirigé par des femmes. La Fronde est comparable à la plupart des autres quotidiens de l’époque. Il contient des articles sur des sujets tels que la finance, la politique, et les feuilletons, y compris les conditions de travail, droits de citoyenneté, et l’égalité salariale. Mais ce qui le distingue, c’est que le journal est produit par un personnel exclusivement féminin. Parmi les auteurs, on retrouve des écrivaines, des profs et l’œuvre de Séverine. La Fronde défend la cause dreyfusarde et fut publiée jusqu’en 1903.

Fondatrice de La Fronde, Marguerite Durand

D’autres journaux critiquent la présence des femmes, remettant souvent en question leur capacité à aborder des sujets qu’elles considèrent comme spécifiquement masculins, comme la guerre. La Fronde a été largement critiquée comme militante féministe. Aussi, lancer un journal en pleine affaire Dreyfus était un défi pour Durand, d’autant plus que le journal était financé par un banquier juif.

“Plus de distinction entre celle de rue et celle de foyer: la femme tout court, l’espece feminine”

La Fronde, 9 décembre 1897 (1st issue), Marie Anne De Bovat “Menageres ou Courtisanes”

“Qu’on laisse aussi les femmes ordonner leur vie á leur guise et á leur risques, le plus honnêtement possible”

La Fronde, 9 décembre 1897 (1st issue), Marie Anne De Bovat “Menageres ou Courtisanes”

“Pourquoi j’ai fondé ce journal ? nous dit Mme Marguerite Durand ; le voici. L’an dernier, j’assistais aux séances du congrès féministe de Paris [..] Je fus fort surprise de voir là des femmes, qui avaient des idées bonnes, de grandes qualités et du cœur, et je fus prise pour elles d’une vive sympathie. Je réfléchis alors que ces femmes, que les théories qu’elles défendaient pas toujours très habilement, il est vrai, n’étaient pas connues du public, qui se faisait sur les unes et sur les autres des idées fausses.”

Le Temps, 7 Dec. 1897, pg 3/4

“Nous ne cherchons pas à prendre votre place, nous voulons notre place à côté de vous.”

La Fronde, 11 mars 1899, pg 1/6

Le titre, La Fronde, fait référence à la rébellion de la Fronde de 1648 à 1653 contre la monarchie en France. La tradition du “frondeur” au sein du journalisme dérive de cette rébellion. L’allusion dans le titre s’aligne sur la notion “frondeur” selon laquelle les groupes marginalisés ont le droit de s’engager dans des dialogues sur des questions importantes. Bien qu’à l’époque de la parution de ce journal, fronder ait une connotation qui impliquait une attaque contre l’establishment patriarcal par la satire. Les chroniques de Séverine “Notes d’une Frondeuse” semblent être une tentative de réduire l’écart entre le mode de vie de la haute société de Durand et la privation sociale et l’inégalité entre les sexes que connaissaient la plupart des autres femmes en France à cette époque.

La Fronde exploite le stigmate de la féminité pour justifier l’existence et le raisonnement. Le journal était chargé d’impliquer les femmes dans les questions non domestiques, de réforme sociale et d’activisme. La Fronde a favorisé le concept selon lequel les femmes étaient bien informées et avaient des opinions sur des questions et des sphères traditionnellement masculines. Il a également activement critiqué les représentations inexactes des femmes dans la littérature et les médias.

Salle de composition de La Fronde de The Sketch, Vol. XXI, n° 262, 2 février 1898, pg 59

Les Revues Féminine

La Belle Époque a vu l’essor des publications féminines traitant de sujets tels que la mode, l’entretien ménager et le féminisme. Outre le format de journal typique de La Fronde, deux revues notables ont été produits et distribués au cours de la dernière partie de la période; Femina et La Vie Heureuse. Pus de presse ont commencé à aborder des sujets traditionnellement tabous tant pour les femmes que pour la presse en général, comme le divorce (ou le mariage) et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. D’autres extraits de ces revues concernaient des femmes qui conduisaient, des femmes faisant du sport, ou des femmes qui travaillent. Il y avait de nombreuses publicités, particulièrement destinées aux femmes, qui présentaient des équipements d’exercice, des vêtements et des articles plus liés à la beauté.

Avant ces publications, les femmes écrivains étaient souvent décrites comme égocentriques ou négligeant les institutions sociétales comme la famille. Femina et La Vie Heureuse visaient à communiquer que les femmes pouvaient être plus que des mères et des épouses, tout en tirant une profonde satisfaction d’avoir une famille. Ces revues présentaient les femmes comme des individus capables. Faire cela dans une publication plus grand public a contribué à normaliser l’idée selon laquelle les femmes sont intellectuellement égales aux hommes.

Couverture du premier numéro de Femina du 1er janvier 1901, magazine français publié à Paris

1er numéro de La Vie Heureuse, publié le 15 octobre 1902:

Ces 2 publications rejettent le féminisme de La Fronde et choisissent de créer un modèle de femme indépendante et moderne qui conserve néanmoins sa féminité. C’est ce qu’on appelle parfois le féminisme littéraire Belle Époque. La centre persistant des revues sur les tâches ménagères, la famille et la beauté visait à diversifier les perspectives de leurs lecteurs vers une notion plus discrète de l’identité féminine. Ces revues proposaient des perspectives différentes sans remettre en cause les valeurs défendues par nombre de leurs lecteurs. L’image des femmes présentée par ces revues est celle où les femmes non seulement respectaient les règles sociétales de prendre soin de leur famille. Mais défiaient également ces rôles traditionnels en faisant du sport et en explorant sérieusement le monde professionnel.

“… Femina and La Vie Heureuse performed “imaginative work” by offering an “airbrushed view of the present” that expanded what the “dear readers” might expect of themselves.”

Holmes, D. Having It All in the Belle Epoque: How French Women’s Magazines Invented the Modern Woman. Women’s Writing

Femina

Femina a été l’un des deux premiers revues photographiques destinés aux femmes publiés bimensuellement de 1901 à 1917. C’était sous-titré comme “La revue idéale de la femme et de la jeune fille”. Le revue s’adressait aux lectrices de la bourgeoisie. Ce revue présentait un mélange de reportages sur la mode, les arts et l’actualité, avec une couverture des loisirs comme le sport et des conseils de professionnels en matière de décoration d’intérieur. Il présentait le profil de femmes célèbres; auteurs, actrices, etc. et incluaient des publicités de détaillants et de fabricants de luxe couvrant environ cinq pages de chaque numéro. Les illustrations et les images étaient le principal attrait du revue. Contrairement à La Fronde, Femina n’a pas été réalisé dans l’intention d’être une presse féministe mais plutôt un revue féminin. La stratégie de son créateur, Pierre Lafitte, s’est inspirée d’une publication anglaise similaire.

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Couverture de 1908 montrant une femme jouant au tennis.

Femina publie sur 15 Jan. 1910: parle de chasse, mode, livres, femmes nobles, etc

Couverture de 1911 montrant une femme jouant au bowling.

La Vie Heureuse

La Vie Heureuse est un autre des deux premiers revues photographiques destinés aux lectrices. Publié mensuellement de 1902 à 1917, il était sous-titré “revue féminin universel illustré”. Ce revue a été initialement publié sous forme de contenu littéraire, aristocratique, élitiste et culturel destiné aux lectrices aristocratiques. Il a également été écrit en partie par des écrivaines féminines, comme la célèbre poétesse Anna de Noailles. Quelques numéros plus tard dans sa production, le revue adopte un ton plus léger, sur le modèle de son concurrent Femina. Le sous-titre disparaît du revue, la couverture devient moins formelle et présente alors à nouveau des reproductions photographiques de portraits de femmes en couverture. Le revue aborde également des sujets alors généralement réservés aux hommes; donc des sujets comme le sport féminin, les automobilistes, et la pêche.

3ème numéro de LVH première couverture avec un portrait. Parle de femmes de l’élite culturelle, d’actrices, de révolutionnaires, de chats, etc.:

Numéro LVH publié le 15 novembre 1904, page 12/36, représentant des images de femmes chassant.
Numéro LVH publié le 15 octobre 1904, page 7/37, montrant des images de femmes pêchant.

Numéro LVH publié le 15 février 1908. Parle des femmes de la haute société (princesse, noble), de la mode, des conditions de travail, des sports d’hiver, etc.:

Numéro LVH publié le 15 décembre 1910, p. 41/74, montrant des bijoux et des vêtements de femmes de cultures non européennes.

Numéro LVH publié le 15 février 1913. Parle de sports d’hiver, de poésie, de chaussures (sportives ou formelles), d’art, de théâtre, etc:

En 1906, La Vie Heureuse publie un supplément à la revue intitulé Le Conseil des femmes : journal de tous les emplois, carrières et professions qui permettent aux femmes de se perfectionner ou de gagner leur vie. En 1917, La Vie Heureuse est vendue aux producteurs de Femina et les deux revues fusionnent, puis le titre Femina est conservé.

En 1904, tous les rédacteurs de la revue décident de former un jury pour décerner Le Prix La Vie Heureuse à Myriam Harry en réaction au prix Goncourt; où Harry s’est vu refuser le prix Goncourt en raison du refus des membres du jury Goncourt de lui décerner alors qu’Harry était le favori pour le prix. Plus tard, Hachette (éditeur LVH) et Pierre Lafitte (éditeur Femina) ont collaboré pour que ce prix perdure. Il devient prix Femina-Vie Heureuse en 1918 puis prix Femina à partir de 1922.

Les Conclusions

La presse féminine de la Belle Époque a contribué à définir un nouveau modèle de féminité et à élargir le rôle des femmes dans la société. Le féminisme a été exploré à la fois dans un format “militant” extérieur, comme on le voit dans La Fronde. Femina et La Vie Heureuse ont introduit une perspective pragmatique mais progressiste dans la vie de femmes qui ne se sont peut-être jamais considérées comme politiques. Les femmes qui se détournaient de l’idéal féministe exploré dans La Fronde auraient probablement pu trouver une communauté plus attrayante créée par ces publications.

Ces revues ont changé la façon dont leurs lecteurs se percevaient. Ils ont créé un espace permettant à ces femmes d’établir une identité en dehors du foyer et ont contribué à donner une plateforme aux femmes qui ont choisi de faire connaître leurs contributions intellectuelles et professionnelles. Les femmes étant décrites comme des personnes compétentes dans ces revues, le féminisme exploré à travers ces représentations a contribué à normaliser les femmes dans les publications grand public, renforçant ainsi l’idée selon laquelle les femmes sont intellectuellement égales aux hommes. À leur tour, on pense que les nouvelles perspectives apportées par cette forme de presse ont contribué à jeter les bases des droits et de l’inclusion des femmes – comme les femmes à l’Académie française ou le droit de vote.

Les Ouvrages Cités: