Reportage sur les meurtres de Jack l’éventreur dans Le Figaro, septembre – décembre 1888

Contexte

Jack l’éventreur était un tueur en série qui a assassiné plusieurs femmes dans le district Londonien pauvre de Whitechapel en 1888. On ne connaît pas avec certitude le nombre de victimes, mais il existe cinq victimes définitives, appelées les “cinq canoniques,” que Jack a tuées entre août et novembre 1888. 

Le premier meurtre, celui de Mary Ann Nichols le 31 août, n’a pas reçu beaucoup d’attention par la presse française, mais les quatre suivants recevaient de couverture considérable. J’ai décidé de me concentrer sur la couverture dans Le Figaro, parce que j’ai trouvé que ce journal offrait la couverture la plus détaillée et la plus fréquente de ces meurtres de tous les journaux français. J’ai choisi les articles de septembre à décembre, parce que le Figaro n’a commencé à parler des meurtres qu’à partir du meurtre d’Annie Chapman, le 8 septembre. Les meurtres suivants, ceux d’Elisabeth Stride et de Catherine Eddowes, étaient tous deux le 30 septembre. Le dernier meurtre canonique et le plus brutal, celui de Mary Jane Kelly, s’est passé le vendredi 9 novembre. En décembre, il n’y a plus de nouveaux meurtres, et Le Figaro a cessé de rapporter l’enquête.

Dans ce projet, j’expliquerai chaque meurtre, comment les journaux ont décrit ces actes de violence, les théories sur les suspects et les motivations, les opinions du public sur la police anglaise, et la manière dont la prostitution et le district de Whitechapel ont été décrits.

Meurtre d’Annie Chapman

9 septembre 1888

La première mention des meurtres de Whitechapel dans le Figaro est le 9 septembre. L’auteur rapporte dans un petit paragraphe qu’on pense que l’assassin est aussi responsable pour des autres meurtres commis plus tôt cette année. 

10 septembre 1888

Le jour suivant, on trouve un rapport plus détaillé avec une description de la scène du crime. Selon le rapport, “le corps de la victime a été littéralement ouvert de bas en haut. Une partie des entrailles était enroulée autour du cou.” L’auteur présente une première théorie de ce qui serait beaucoup. Les inspecteurs ont trouvé un tablier de cuir et un couteau près du lieu, alors la police soupçonne un mystérieux homme qui porte un tablier de cuir. Les citoyens croient que cet homme est juif. Enfin, les propriétaires de la maison où le corps a été laissé font payer l’accès à la scène de crime, et de nombreuses personnes sont venues pour la voir.

12 septembre 1888

L’auteur rapporte que des meurtres de cette nature se passent régulièrement dans le district de Whitechapel, et c’est la quatrième meurtre non résolu depuis avril. On critique le manque de compétence des inspecteurs anglais. Les victimes des ces crimes sont Emma Smith (tuée en avril), Martha Tabram (tuée trois semaines auparavant), Ann Nichols (tuée huit jours auparavant) et Annie Chapman (tuée le samedi précédent). 

L’auteur exprime la misogynie flagrante. Toutes ces femmes avaient “la même profession inavouable.” En plus, il dit, “sauf la première, les autres étaient âgées de quarante à quarante-cinq ans, point belles, sales à faire peur, leurs offres ne pouvaient donc tenter que des ivrognes formant du reste leur unique clientèle.” L’auteur insulte aussi Whitechapel parce que c’est pauvre, il sent mauvais, et il abrite les “misérables.”

La police a arrêté 10 hommes au hasard, et la colère envers les juifs de Whitechapel augmente. De nombreux juifs vivent dans ce district et le public continue de soupçonner que le meurtrier est juif.

19 septembre 1888

Selon cet article, la police a affirmé à plusieurs reprises d’avoir trouvé le coupable, mais chaque fois il s’est avéré qu’il est innocent. Tout le monde a abandonné la rumeur du tablier de cuir. Les “rodeuses de nuit” – les prostituées – portent des grands couteaux quand elles sortent maintenant.

26 septembre 1888

La police n’a toujours pas trouvé le coupable. Un médecin demande que la police enquête sur “tous les pensionnaires de maisons de fous mis récemment,” parce qu’il soupçonne qu’un fou est responsable pour ces crimes.

Meurtres d’Elisabeth Stride et Catherine Eddowes

2 octobre 1888

Selon l’auteur, Whitechapel est un “ghetto où se refuge en majeure partie de la lie de la population londonienne.” C’est une description très désobligeante et sans rapport avec le sujet de l’article. 

Il y a eu deux nouveaux meurtres qui se sont passés dans Whitechapel samedi soir dernier. Le première victime est découverte par un homme en calèche, qui a vu le cadavre et a trouvé la police. Quand la police est arrivée, le corps était encore chaud, que a signifié que la meurtre a été commis très récemment. La victime avait “des coupures à la tempe et à la joue gauches, qui étaient couvertes de boue,” mais, contrairement aux victimes précédentes, elle n’a pas été éventrée. Cette femme, Elisabeth Stride, était “une fille publique” qui “était toujours ivre.”

Une heure plus tard, la police a trouvé une autre femme morte dans la rue, le corps encore chaud. L’auteur écrit, “La gorge était coupée à moitié et la tête, presque détachée, était penchée, laissant voir la carotide tranchée d’un seul coup. Comme dans les meurtres de Whitechapel le cadavre avait subi les mêmes mutilations. Le ventre était ouvert; les intestins arrachés avaient été placés autour du cou.”

Étonnamment, à cette heure matinale, les gens se rendaient au marché, mais personne n’a rien entendu. Les inspecteurs soupçonnent que l’attaque a été rapide et que l’agresseur a coupé “le larynx et le carotide afin d’empêcher tout cri.” Les inspecteurs ont aussi une théorie sur la raison pour laquelle l’assassine n’a pas coupé le ventre de la première victime. Ils croient que l’homme en calèche est arrivé à la scène avant que l’assassin n’ait terminé son travail, et le bruit du calèche “l’a empêché de mutiler Elisabeth Stride.” Mais pour la deuxième victime, “il a eu le temps d’accomplir son œuvre infâme.”

3 octobre 1888

Il y a de nouveaux détails sur l’assassin, mais d’abord l’écrivain insulte les victimes et le district où elles habitaient. Il écrit, “les victimes sont toujours des femmes, misérables créatures de la plus basse classe.” Ces victimes dorment dans les hôtelleries pas chers, où on trouve “toute une population de mendiants, de marchands ambulants, de vieilles et horribles prostituées, de voleurs et de voleuses vit là, sans grand souci de la police, qui connaît parfaitement les métiers divers pratiqués parles hộtes de ces puantes demeures.”

Le jeudi passé, dit le journaliste, L’Agence du Central News a reçu une lettre par quelqu’un qui prétend être l’assassin. Dans la lettre, écrit à l’encre rouge, l’auteur se moque de la police parce qu’elle ne l’a pas encore arrêté. Il menace de continuer à assassiner des femmes. L’auteur dit, “dans mon œuvre prochaine, je couperai les oreilles de la dame et je les enverrai aux officiers de police, ça sera une bonne farce.” Il faut noter que pour le meurtre de Catherine Eddowes, commis quelques jours après que l’Agence du Central News a reçu cette lettre, l’assassin lui a coupé les oreilles.

L’auteur de la lettre souhaite bonne chance à la police, et il signe la lettre “Jack the Riper.” À partir de ce moment, la presse française appelle le meurtrier Jack l’éventreur.

Le journaliste ajoute un autre détail. Dans cinq des six meurtres récents à Whitechapel, le tueur a enlevé l’utérus de la femme. Ce détail est important parce que ça signifie que l’assassin connaît l’anatomie humaine. Un médecin anglais soupçonne un homme américain parce que cet homme lui a un jour demandé un utérus.

4 octobre 1888

Les rues de Whitechapel sont devenues vacantes la nuit. La police continue d’arrêter des hommes au hasard, mais elle n’a pas trouvé le coupable. Les gens ont fait plusieurs recommandations folles à la police, par exemple, ils conseillent aux policiers de se déguiser en femmes pour que le tueur les approche. Le lord-maire a offert une récompense de 12,500 francs pour des informations sur le tueur. D’après l’auteur, l’enquête “ne s’est pas assez occupé[e] dès l’origine.”

7 octobre 1888

Le nouveau suspect est un Malais, qu’un marin a rencontré dans un café en août. Le marin dit que cet homme a exprimé qu’il voulait tuer des prostituées.

17 octobre 1888

Les Anglais croient maintenant que le coupable est allemand, simplement parce que l’Angleterre a des relations tendues avec l’Allemagne. La police attend un autre meurtre pour trouver Jack l’éventreur.

24 octobre 1888

Les inspecteurs ont trouvé la femme qui avait envoyé des lettres à la police se faisant passer pour Jack. C’étaient toutes des farces. Récemment, quelqu’un a envoyé une moitié de rognon au président du comité de vigilance avec la note “prends-moi, si tu peux.” Selon le journaliste, il faut douter que c’était envoyé par Jack.

De plus, la police a pris un mois pour décider de visiter une à une toutes les maisons de Whitechapel, et elle a donné un préavis de 15 jours à tous les résidents, donnant à Jack beaucoup de temps de se cacher.

Meurtre de Mary Jane Kelly

10 novembre 1888

Dans un bref paragraphe, l’auteur écrit qu’une femme a été trouvée assassinée dans une maison du district de Spitalfields, à côté de Whitechapel. Elle s’appelait Mary Jane.

12 novembre 1888

L’auteur donne plus de détails sur le récent meurtre à Londres. Jack a encore tué, cet fois dans une maison “située dans une cour où grouille une immonde population qu’il va travailler,” où “il va s’acharner sur le cadavre d’une malheureux jeune femme, à ce point de le rendre inconnaissable.”

Le journaliste visite Whitechapel en compagnie d’un pickpocket local qui lui sert de guide. Le guide parle fort de l’incompétence de la police. Tous les deux vont voir la maison où Mary Jane Kelly habitait.

Quand la police est arrivée chez-elle, “Jane Mary Kelly était étendue toute nue sur son lit; la tête était séparée du tronc, le nez, les oreilles avaient été coupés, les seins arrachés, le foie, les entrailles étaient déposés sur la table, les jambes, les bras étaient tailladés à coups de couteau; la bête féroce avait assouvi sa rage sans avoir été dérangée, sans que l’on ait entendu le moindre bruit.”

Les inspecteurs ne sont pas sûrs quand elle a été tuée, mais quelqu’un a parlé à Kelly vers 8 heures et le corps était froid quand les inspecteurs l’ont trouvé à 11h30. Donc, c’est possible que Jack l’a tué entre 9 et 10 heures du matin. Le guide est certain que Jack n’est pas un local.

Les gens sont très en colère contre Charles Warren, le chef de la police, parce que la police n’a pas réussi à attraper l’assassin donc ces attaques violentes continuent. Il y a une rumeur que Warren va quitter son emploi.

13 novembre 1888

La rumeur est vraie. On trouve une petite annonce le jour suivant: “Sir Charles Warren, chef de la police municipale, a donné sa démission à la suite du scandale causé par le nouveau crime de Whitechapel.”

14 novembre 1888

Les inspecteurs s’habillaient en effet en femmes et sortaient dans les rues de Whitechapel chaque nuit. Cependant, selon l’auteur, ces efforts étaient inutiles, parce que Kelly a été tuée chez elle.

Les femmes de Whitechapel ne sont pas d’accord sur l’apparence de Jack. Mais, elles ont toutes déclaré à la police qu’il portait un petit sac noir. La police a donc arrêté tous les hommes qui portaient un petit sac noir. Le problème? Tous les hommes d’Angleterre portent un petit sac noir. La police a promis l’immunité à tout complice de Jack, mais le public est assez certain qu’il tue seul. La récompense est maintenant de 25,000 francs.

Les Londoniens ont tellement perdu confiance en la police qu’ils ont organisé une force bénévole de détectives pour patrouiller dans les rues chaque nuit. Ils n’ont rien découvert.

21 novembre 1888

Un fruitier a entendu un homme dire qu’il croit que son cousin est Jack l’éventreur, juste parce qu’il correspond à la description de l’assassin. La police est en train d’enquêter sur lui.

L’auteur signale qu’on ne soupçonne jamais un anglais . Le public soupçonne toute personne qui ressemble, parle, ou s’habille comme un étranger. En bref, les Anglais sont nationalistes.

Mary Jane Kelly a été enterrée et une grande foule a assisté à la cérémonie. Mais, dit le journaliste, les gens ont exagéré la tristesse de la cérémonie. Il trouve que sa mort n’est pas seulement sans surprise, mais que Kelly le méritait à cause de son travail dangereux et honteux. À tout le moins, dit-il, elle ne mérite pas le degré de sympathie dont elle a fait l’objet. Ici, on peut constater une misogynie intense.

5 décembre 1888

Il n’y a pas de nouveaux meurtres dans Whitechapel depuis Mary Jane Kelly, et un nouveau chef de police a été nommé. La police attend un nouveau meurtre, espérant de nouveaux indices.


Mais ce meurtre n’est jamais passé et Jack l’éventreur n’a jamais été arrêté.