Sur les traces du patrimoine franco-américain à travers l’imprimé et l’image

Cette page propose une exploration chronologique des documents visuels et imprimés retraçant l’évolution des communautés franco-américaines en Nouvelle-Angleterre. Couvrant une période allant des années 1700 jusqu’au milieu du XXe siècle, elle met en lumière les migrations, les installations et les transformations culturelles de ces communautés au fil du temps.

À travers des documents historiques, des photographies, des coupures de journaux et d’autres matériaux en deux dimensions, cette collection illustre les défis, les réussites et l’héritage durable des Franco-Américains. L’étude de ces artefacts permet de mieux comprendre l’évolution des dynamiques linguistiques, identitaires, professionnelles, religieuses et communautaires, offrant ainsi une vision plus complète de leur histoire riche et complexe.


La dernière page de la première édition du Courier de Boston et la première page de la seconde. La déclaration de mission du journal y est exposée en français et en anglais, accompagnée de quelques extraits d’actualités commerciales.

1789 – Premier journal français à Boston: Le premier journal de langue française en Nouvelle-Angleterre était un hebdomadaire éphémère lancé à Boston par Joseph Nancrède en 1789. Intitulé Courier de Boston (selon son prospectus), il n’a existé que six mois, mais il a marqué l’émergence d’une voix franco-américaine croissante. Ses articles en français avaient pour objectif d’encourager le commerce et la compréhension entre la jeune république américaine et le monde francophone – un exemple précoce d’imprimé éphémère servant de pont entre les cultures en Nouvelle-Angleterre.


L’essor des usines et la migration urbaine (1840–1870) – Au milieu du XIXe siècle, l’industrialisation a transformé l’expérience des Franco-Américains, alors que des vagues d’immigrants canadiens-français ont commencé à s’installer dans les usines textiles en pleine expansion de la Nouvelle-Angleterre. Des villes industrielles comme Lowell (MA), Manchester (NH), Woonsocket (RI) et Lewiston (ME) sont devenues des pôles majeurs pour les travailleurs francophones en quête d’opportunités économiques.

Détail d’une carte de 1850 représentant les moulins de Lowell, Massachusetts, réalisée par Sidney et Neff.

Avec la croissance de leur population, leur empreinte culturelle s’est également élargie: les Franco-Américains ont fondé des écoles, établi des commerces et créé des sociétés de secours mutuel. Cependant, cette expansion rapide des institutions francophones et des paroisses catholiques au sein d’une Nouvelle-Angleterre majoritairement protestante a suscité du ressentiment, des discriminations et parfois même des violences.

Cette peinture de John Hilling illustre l’incendie de l’Old South Church à Bath, Maine, en 1854.

Dans les années 1850, ce climat d’hostilité anti-catholique a culminé avec l’incendie d’une église catholique qui servait les communautés immigrées françaises et irlandaises. Cet acte a été mené par le mouvement “Know-Nothing,” un groupe politique qui cherchait à limiter l’influence catholique et à restreindre l’immigration. Des foules ont attaqué des institutions catholiques, les accusant de menacer les valeurs américaines.

Malgré ces attaques, les Franco-Américains ont reconstruit leurs églises et consolidé leur influence, faisant preuve de résilience et de détermination pour préserver leur héritage. Dans les années 1870, des dizaines de paroisses franco-américaines ont vu le jour à travers la Nouvelle-Angleterre, servant de piliers culturels et religieux pour les générations futures.


Cette photographie montre l’ASD de Lewiston, Maine, une organisation fraternelle fondée en 1896 par le Père dominicain Paul Duchaussoy pour offrir aux jeunes Franco-Américains un “emploi utile et honnête de leurs loisirs”. Les Gardes d’Honneur, communes dans les paroisses franco-américaines de la Nouvelle-Angleterre, participaient à des exercices militaires, des défilés et des conventions régionales, reflétant l’esprit de patriotisme et d’engagement civique de la communauté. L’ASD a également maintenu une équipe de hockey prospère pendant de nombreuses années. Le club a été dissous en 1941 lorsque son local a été converti en la première école secondaire St. Dominic’s. ​

Essor culturel et débats identitaires (1900–1920) – Le début du XXe siècle a marqué un âge d’or pour les organisations sociales franco-américaines. Presque chaque paroisse francophone comptait des confréries, des fanfares, des troupes de théâtre ou des équipes sportives. Par exemple, l’Association St. Dominique de Lewiston (ASD), fondée en 1896, dirigeait une Garde d’Honneur pour les jeunes hommes. Ces derniers apparaissaient en uniforme lors des événements religieux, des cérémonies civiques et des congrès régionaux, illustrant la fusion entre la fierté franco-américaine et l’engagement citoyen aux États-Unis. Les femmes, quant à elles, s’organisaient en groupes comme les Dames de Sainte-Anne, se consacrant aux œuvres de charité et au service des paroissiens de leur communauté.

Cette bannière représente les Dames de Sainte-Anne de la paroisse de Saint Agatha, une confrérie féminine dédiée au service des paroissiens depuis le début des années 1900.

Célébrations culturelles – Fêtes, festivals et clubs au début du 20e siècle

Char de parade de la boulangerie Gelineau lors d’un défilé franco-américain

Les Franco-Américains exprimaient aussi leur héritage avec enthousiasme durant cette période. Les festivités annuelles de la Saint-Jean-Baptiste (24 juin) représentaient un moment fort de leur calendrier culturel.

Cette photographie montre les membres de la fanfare du Club St. André de Biddeford, Maine, en 1926

Il y avait des fanfares fraternelles et des troupes de théâtre parcouraient les Petits Canadas de Nouvelle-Angleterre, renforçant le sentiment d’appartenance à la communauté.

Scène de combat d’une pièce inconnue interprétée par des acteurs amateurs franco-américains à Biddeford, vers 1925.
Deux participantes en tenue traditionnelle lors d’une convention de raquetteurs à Lewiston, vers les années 1920-1930

Les clubs de loisirs, notamment les sociétés de raquette (les raquetteurs), ont connu un immense succès. En 1925, Lewiston a accueilli la première Convention internationale des raquetteurs aux États-Unis, attirant des milliers de Franco-Américains en uniformes colorés. L’événement comprenait des courses et un défilé aux flambeaux autour d’un palais de glace spécialement construit dans le parc municipal.


En février 1925, Lewiston, Maine, a accueilli le premier Congrès international des raquetteurs, attirant des milliers de participants du Canada et des États-Unis. L’un des points forts de cet événement a été la construction d’un palais de glace impressionnant dans le parc de la ville, servant de pièce maîtresse aux festivités. ​

Tableau d’honneur des membres de la Fanfare Ste Cécile ayant servi pendant la Seconde Guerre mondiale, Lewiston, vers 1945.

Manifestations de patriotisme et la seconde guerre mondiale — Les Franco-Américains ont servi en grand nombre dans les forces armées des États-Unis, et leurs communautés les ont honorés avec fierté. Un exemple frappant est le Roll of Honor de la Fanfare Ste Cécile à Lewiston (vers 1945), un tableau recensant et illustrant les membres de cette fanfare franco-américaine ayant combattu pendant la guerre. Des tableaux d’honneur similaires, ainsi que des drapeaux de service, étaient affichés dans les églises paroissiales francophones à travers la Nouvelle-Angleterre. Ces artefacts de guerre montrent à quel point l’identité franco-américaine s’était entremêlée avec le patriotisme américain dans les années 1940 : des fils d’émigrés québécois se battaient pour l’Oncle Sam, célébrés en français et en anglais.


Préservation communautaire et évolutions

Les programmes de langue française, les organisations culturelles et les initiatives communautaires ont contribué à redonner vie au patrimoine franco-américain, assurant la transmission des traditions, des récits et des identités. Bien que l’assimilation ait profondément marqué l’évolution de ces communautés, une reconnaissance croissante de leur histoire unique a ravivé la fierté et l’engagement culturel.

Aujourd’hui, l’identité franco-américaine n’est pas seulement un vestige du passé, mais une tradition vivante et en constante évolution—une identité qui continue de s’adapter tout en honorant ses racines profondes.