Le musée de la Louisiane française

Dalia Cohen et Jenny Yang

Notre projet est un musée de la Louisiane française. Pourquoi visiter un musée—physique ou digital—sur ce sujet ? Souvent, on vit la culture franco-louisianaise en mangeant dans les restaurants cadjins, en visitant le Quartier Français et en fêtant Mardi Gras. Ces expériences démontrent quelques aspects de la Louisiane française. Le but de notre musée est de dépeindre un portrait plus complexe et plus varié de cette culture. Ce musée sert à faciliter le contact entre plusieurs cultures.

Notre musée focalise sur l’histoire des créoles noirs, mais montre aussi les aspects culturels des cadiens et des autres francophones en Louisiane. Nous espérons que ce petit musée vous enseigne quelques aspects de la culture franco-louisianaise !

Les peintures

Qui sont les Acadiens ? Quelle est l’histoire de la francophonie en Louisiane ? Ces deux peintures nous aident à comprendre comment la culture franco-louisianaise a formé.

La dispersion des Acadiens

La dispersion des Acadiens par Henri Beau1

Il présente une peinture du Grand Dérangement d’Henri Beau, impressionniste canadien-français.2 Le Grand Dérangement est l’expulsion forcée des Acadiens de l’Amérique du Nord britannique, principalement de la Nouvelle-Écosse, en 1755. Cette expulsion, menée par le gouvernement britannique, visait à empêcher les Acadiens de soutenir la France pendant la guerre franco-indienne en cours. De nombreux Acadiens ont été expulsés vers les 13 colonies, la Grande-Bretagne, la France et la Louisiane. En Louisiane, les « Acadiens » sont devenus des « Cajuns ».

Jacques Amans, Créole en turban rouge, vers 1840

Une peinture d'une femme créole qui porte un turban rouge

Ce tableau dépeint une jeune femme créole qui apporte un tignon rouge. Il est peint par Jacques Guillaume Lucien Amans, un artiste français qui a travaillé à la Nouvelle-Orléans pendant les années 1840 et 1850.3 Cette peinture montre deux types de francophones louisianais qui ont des niveaux très différents du pouvoir social. Amans a peint des planteurs esclavagiste et des esclaves. Le sujet de la peinture peut être une esclave. Toutefois, elle porte une bague d’or, qui signifie la richesse. À l’époque coloniale de Louisiane, les femmes libres de couleur ont été requis de couvrir leurs cheveux. Cette loi a été créée pour forcer une distinction plus grande entre les femmes blanches et les femmes noires riches qui ont la peau claire.4 Après que cette loi fut établie, le tignon devint un symbole de la mode et de la richesse pour les femmes noires.5

L’art dans la vie quotidienne

La plupart des Franco-Louisianais n’avaient pas la richesse de faire des peintures à l’huile. Ils créent leurs-mêmes formes d’art, qui sont souvent communales.

Courtepointe acadienne

Une fête acadienne de la courtepointe.

Cette image représente un groupe de femmes acadiennes en train de confectionner des courtepointes. Les femmes acadiennes ont apporté avec elles leurs traditions de piquage en Louisiane lors du Grand Dérangement. Bien que la culture matérielle des Acadiens n’ait pratiquement pas survécu au Grand Dérangement, la culture de la courtepointe a persisté en Louisiane. En Louisiane, les femmes acadiennes tissaient le coton, une plante importante de la région, pour en faire un tissu appelé cotonnade.6 Les quilts acadiens en cotonnade sont devenus un symbole d’autosuffisance, de frugalité, de conservatisme culturel et de loyauté familiale. De nombreuses courtepointes, nées de la frugalité et de l’autosuffisance, ont été confectionnées à partir de vieux vêtements ou de textiles ménagers. C’est pourquoi les motifs varient d’une courtepointe à l’autre.

David Alan Harvey, USA. Louisiana. Cajun Country. 2003

La musique et la danse, comme la courtepointe, sont des activités qui unifient les familles et les communautés. Cette photo montre deux des instruments le plus importants dans la musique zydeco : l’accordéon et le frottoir. L’accordéon est un instrument durable et fort qui peut tout seul stimuler une fête. Le frottoir tire son origine dans les planches à laver qui n’ont qu’un but récréatif. Le mot « frottoir » vient du verbe « frotter ». Il devient un instrument de percussion (qui remplace souvent les batteries) qui est facilement trouvé ou fait d’acier ondulé. Les joueurs de la musique zydeco utilisent un vest frottoir, porté autour du cou et joué avec les cuillères ou des autres objets en métal.7 L’énergie de ces deux instruments est évidente dans cette photo ! 

La carte des salles de danse louisianaises

Cette carte est créée par le Center for Louisiana Studies, qui est associé avec l’Université de Louisiane. Il montre les points où les salles de danse existent aujourd’hui ou ont été. Pour chaque salle de danse, il y a une petite description qui explique son histoire. Une histoire particulièrement frappante est celle de Berro’s, une salle de danse dans la commune d’Acadie par Albert Robert  « Berro » Picou. Le nom indique que la famille vient d’héritage français. Le  grand-fils de Berro, Steve Picou, écrit que plusieurs groupes de musiques connus afro-américains ont joué là, y compris The Inkspots, The Platters et Louis Armstrong and His All Stars. Berro’s, qui était tenu par une famille blanche, a reçu des coups de téléphone menaçants à cause d’engager Louis Armstrong, qui joue avec un pianist blanc.8 Dans l’époque de ségrégation, les salles de danse peuvent être un lieu dans lequel l’intégration (entre les noirs et les blancs, entre les créoles, les cadiens et les anglos…) devient possible. 

La nourriture

La musique et la danse franco-louisianaises ne peuvent pas comprendre sans la nourriture. Le gombo accompagne souvent le zydeco.9 Voyez les histoires culinaires des Franco-Louisianais en dessous.

Gumbo et gombo

Une personne en train de cueillir des gombos dans un petit jardin acadien10

Cette photo représente une personne en train de cueillir des gombos dans un petit jardin acadien. Le gombo est un ingrédient important du Gumbo. Le Gumbo est souvent une représentation des diverses cultures qui existent en Louisiane. Le nom gumbo est dérivé d’un mot d’Afrique de l’Ouest désignant le gombo. Le gombo a été apporté dans le sud des États-Unis par les Africains esclaves.11 Outre le gumbo, le filé (feuilles de sassafras) est un ingrédient emblématique apporté par les communautés indigènes. La base du ragoût est un roux, originaire de France.12 Toutefois, le roux du gumbo est nettement plus foncé que la version française d’origine. Il existe des différences entre le gumbo créole et le gumbo cajun, mais il s’agit de deux variantes délicieuses qui illustrent la diversité des cultures de la Louisiane.

Crevettier cajun

Ces photos représentent un crevettier cajun transportant un panier de crevettes. La vie en Louisiane s’est développée en fonction de l’environnement physique de la région, des voies navigables, des bayous et des marécages qui ont alimenté la solide industrie de la pêche à l’écrevisse et à la crevette. Nombre de ces bateaux étaient commandés par des familles canadiennes, faisant de la pêche à la crevette une partie intégrante de leur vie quotidienne et de leur culture. 15 Leur croyance catholique s’inscrit également dans cette tradition à travers les festivals « Annual Blessing of the Fleet » organisés dans les communautés de la côte du golfe du Mexique.16 Lors de ces événements, les bateaux paradent dans les eaux locales pour recevoir la bénédiction d’un prêtre avant le début de la saison de la pêche à la crevette. Destinées à l’origine à protéger les équipages des dangers de la mer, ces bénédictions ont pris un nouveau sens avec le déclin de l’industrie et la diminution du nombre de jeunes qui se lancent dans le travail. Aujourd’hui, les festivals sont aussi un moyen de préserver et de célébrer l’identité cajun, enracinée dans la foi, la pêche et la tradition familiale.

L’expression de soi

Dans cette exposition, nous soulignons les parties de l’histoire franco-louisianaise qui sont souvent oubliés. Alors que ces aspects de la Louisiane sont moins appréciés, le folklore, le travail et la tradition écrite forment le bas de cette culture à côté de l’art et la nourriture.

Les cow-boys louisianais

Les cow-boys sont associés avec le Far West des États-Unis. Toutefois, la Louisiane française a une forte tradition des cow-boys cadiens et créoles qui travaillent dans les bayoux au lieu des prairies ou déserts. Cet héritage est préservé dans les noms des groupes de musique comme Jeffery Broussard & The Creole Cowboys et l’album de Geno Delafose Le Cowboy Créole (2007). Le documentaire Footwork raconte l’histoire des créoles noirs qui étaient et sont des cow-boys, pour troubler l’image du cow-boy comme un homme blanc au Texas. La culture des cow-boys créoles survive aujourd’hui avec les sentiers équestres (« trail rides ») qui se passent chaque dimanche dans la commune de Saint-Martin.19

Madame Grands Doigts

Madame Grands Doigts est une légende cadienne. Pour beaucoup de monde, elle est terrifiante : une femme avec des longs doigts, qui est utilisé par les adultes pour faire peur aux enfants. Cette version de Madame Grands Doigts est réfléchie dans la vidéo à gauche, et dans le Dictionary of Louisiana French: As Spoken in Cajun, Creole, and American Indian Communities qui définit effrayant (« frightening, appalling, scary ») avec l’exemple « Madame Grands Doigts est effrayante. »20 Elle apparaît aussi dans le chapitre sur les traditions orales dans Cajun Country, qui décrit Madame Grands Doigts comme une femme qui vient pendant la nuit pour tirer sur les orteils des enfants désobéissants.21 Toutefois, la version de Madame Grands Doigts qui est raconté dans la vidéo à droite (transcrit par Amanda LaFleur) est une femme qui apporte des fruits et des pétards aux enfants sur le réveillon. Cette légende montre l’importance de la tradition orale dans la Louisiane cadienne, et comment une histoire orale change quand elle est racontée beaucoup de fois.

L’Union – Premiers journaux afro-américains du Sud des États-Unis

L’Union22

L’Union est l’un des premiers journaux afro-américains du Sud des États-Unis. Son premier article a été publié le 27 septembre 1862 à la Nouvelle-Orléans. Sa principale langue de publication était le français en raison de son public, généralement libre, multiracial, originaire de Louisiane et éduqué, et principalement descendant de Français. La mission de L’Union était de publier un « Mémorial Politique, Littéraire et Progressiste ». Parce qu’il s’adressait à un large public de Louisianais libres et multiraciaux, il promouvait directement les idées républicaines et critiquait fréquemment le rôle de l’esclavage dans la démocratie américaine, ainsi que la guerre de Sécession. En 1863, L’Union essaie d’augmenter le nombre de ses lecteurs par le développement d’une publication bilingue. Cependant, le manque d’abonnés, l’intimidation des pro-confédérés et l’affaiblissement des autorités locales ont conduit le journal à imprimer son dernier numéro en 1864.  Malgré sa courte durée de vie, L’Union a servi de porte-parole à la communauté créole afro-américaine de Louisiane, a défendu les droits des citoyens et a sensibilisé l’opinion à la guerre de Sécession et aux injustices commises à l’encontre des Noirs.23

Bibliographie

  1. Henri Beau, La dispersion des Acadiens. Oil on canvas. Amerique Francaise. http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-683/Le_camp_d%E2%80%99Esp%C3%A9rance,_les_r%C3%A9fugi%C3%A9s_acadiens_de_la_Miramichi,_1756-1761.html#.UPIovHcTSSo. ↩︎
  2. “Henri Beau.” LochGallery. https://www.lochgallery.com/artist/henri-beau. ↩︎
  3. Jennifer Van Horn, “Haunted Portraits,” dans Portraits of Resistance: Activating Art During Slavery (New Haven: Yale University Press, 2022), https://aaeportal.com/?id=-23614#A-23614_56. ↩︎
  4. Emily Suzanne Clark, “The Disharmony of New Orleans City Life,” dans A Luminous Brotherhood: Afro-Creole Spiritualism in Nineteenth-Century New Orleans, 52 (Chapel Hill: University of North Carolina Press, 2016), http://www.jstor.org/stable/10.5149/9781469628790_clark.6. ↩︎
  5. Farah Jasmine Griffin, “At Last…?: Michelle Obama, Beyoncé, Race & History,” Daedalus 140, no. 1 (2011): 140, http://www.jstor.org/stable/25790448. ↩︎
  6. Dale Drake, “Louisiana Acadian Cotonnade Quilts: Preserving the Weaving Heritage of a People,” Uncoverings 38 (2017): 68-100. ↩︎
  7. John Minton, “Creole Community and ‘Mass’ Communication: Houston Zydeco as a Mediated Tradition,” Journal of Folklore Research 32, no. 1 (1995): 14–15, http://www.jstor.org/stable/3814394. ↩︎
  8. “Berro’s,” Louisiana Dance Halls, Center for Louisiana Studies, University of Louisiana, accédé à 18 avril, 2025, https://louisianadancehalls.com/dance_hall/15802/. ↩︎
  9. Gumb-OH! LA! LA!, season 1, episode 7, “Horace Trahan,” directed by André Forcier, presented by Marie-Jo Thério, October, 2002, Télé-Vision, Ciné-Mundo, and Louisiane à la carte. https://www.youtube.com/watch?v=yv_6qroAGnk&list=PL5R4AMfPFpUKxwueGNBj1ByX81wPJPzqE&index=7. ↩︎
  10. Oct. 1946. Picking okra for gumbo from typical small Acadian garden, Louisiana Digital Library, State Library of Louisiana Historic Photograph Collection, https://louisianadigitallibrary.org/islandora/object/state-lhp%3A3378. ↩︎
  11. Jody Ray, “Gumbo’s long journey from West Africa,” BBC, February 20 2023, https://www.bbc.com/travel/article/20230219-gumbos-long-journey-from-west-africa. ↩︎
  12. Stanley Dry, “A Short History of Gumbo,” Southern Foodways, https://www.southernfoodways.org/interview/a-short-history-of-gumbo/. ↩︎
  13. Cajun shrimper, Louisiana Digital Library, Center for Louisiana Studies Archive, https://louisianadigitallibrary.org/islandora/object/ull-lsa%3A552. ↩︎
  14. Cajun Queen – Shrimp Boat, Louisiana Digital Library, 
    Louisiana Film Commission, https://louisianadigitallibrary.org/islandora/object/state-lfc%3A371. ↩︎
  15. Hubbard, Audriana, “The Blessing of the Fleet : heritage and identity in three Gulf Coast communities” (2013). LSU Master’s Theses. 2695. https://digitalcommons.lsu.edu/gradschool_theses/2695 ↩︎
  16. Addie K. and Jeremy Martin, “The Blessing of the Fleet,” Slices of America, May 7, 2016, https://www.slicesofamerica.com/2016/05/07/the-blessing-of-the-fleet/. ↩︎
  17. Cajun cowboy, Louisiana Digital Library, Louisiana Sea Grant Digital Images Collection, Louisiana State University, https://louisianadigitallibrary.org/islandora/object/lsu-sea-p15140coll21%3A246. ↩︎
  18. “Darryl Guillory – A legendary Creole cowboy,” Kreol International Magazine, 21 juillet, 2016, https://kreolmagazine.com/culture/features/darryl-guillory-a-legendary-creole-cowboy/. ↩︎
  19. “Footwork: The Creole Cowboys of Louisiana | La Veillée,” Louisiana Public Broadcasting, 21 mars, 2024, https://www.youtube.com/watch?v=gpNnmrC7ZwM. ↩︎
  20. Albert Valdman, Kevin J. Rottet, Barry Jean Ancelet, Richard Guidry, Thomas A. Klingler, Amanda LaFleur, Tamara Lindner, Michael D. Picone, and Dominique Ryon, editors. Dictionary of Louisiana French: As Spoken in Cajun, Creole, and American Indian Communities, 233 (Jackson: University Press of Mississippi, 2010), https://doi.org/10.2307/j.ctt2tv922.16. ↩︎
  21. Barry Jean Ancelet, Jay D. Edwards, Glen Pitre, Carl Brasseaux, Fred B. Kniffen, Maida Bergeron, Janet Shoemaker, and Mathe Allain, “Oral Traditions, in Cajun Country, edited by Lynwood Montell, 215 (Jackson: University Press of Mississippi, 1991), http://www.jstor.org/stable/j.ctt2tv9hb.18. ↩︎
  22. L’Union. (New Orleans, LA), Sep. 27 1862. https://www.loc.gov/item/sn83026401/1862-09-27/ed-1/. ↩︎
  23. L’Union. (New Orleans, LA), Sep. 27 1862. https://www.loc.gov/item/sn83026401/1862-09-27/ed-1/. ↩︎