Les tableaux de Paris et la littérature panoramique

COURS 3

La littérature panoramique et le journal

The Revolution generated an immense amount of writing about France, and the production about Paris increased astronomically. Many contemporaries must have agreed with J. B. Pujoulx, who noted in the first chapter of Paris à la fin du XVIIIe siècle that no period favored the observer more than the present: ‘Everything is new.’ […]

The great number of guidebooks to Paris that appeared in the new century testifies to the need for guidance, not simply because of the altered topography but also, and more urgently, because of the radically altered character or, to use the term favored by contemporaries, the ‘physiognomyof a city that had been shaken to its foundations by revolution.

Ferguson, p. 55

[…] the mass press incessantly conjured a never-ending festival of modern life that unfolded in and around the grands boulevards. The new mass press provided a printed digest of the flâneur’s roving eye.

Schwartz, p. 16

Le diable boiteux

Asmodeus (Asmodée), a rather benevolent king of demons […] first made his appearance in the popular 1707 novel Le diable boiteux, by Alain-René Lesage. Lesage’s demon, typically depicted with a crooked back and a cane, explores the city of Madrid and the everyday life of its inhabitants by removing rooftops and peeking inside people’s homes. References to this figure appear frequently in works written after Lesage’s novel, most notably in Louis-Sébastien Mercier’s Tableau de Paris (1781-1788), a work that also served as a key precursor to Paris, ou le livre des cent-et-un. Lesage’s character thus provided a literary model for the project of Paris, ou le livre des cent-et-un and for panoramic literature as a whole.

Anne O’Neil-Henry and Masha Belenky, Popular Literature from Nineteenth-Century France, p. 3

Balzac, dans son roman Ferragus (1833), décrit Paris comme un «monstre complet:

Il fait écho aux éditeurs du « Diable boiteux à Paris, ou le livre des cent-et-un » (un projet auquel Balzac avait participé) qui avaient dit la même chose à la page 3 du Figaro (25 juillet 1831).

Mercier, Le Tableau de Paris

J’ai tant couru pour faire Le Tableau de Paris que je puis dire l’avoir fait avec mes jambes ; aussi ai-je appris à marcher sur le pavé de la capitale d’une manière leste, vive et prompte. (…) On ne peut rien faire lentement à Paris, parce que d’autres attendent.

Louis-Sébastien Mercier, Tableau de Paris, 1781

L’Hermite de la Chaussée d’Antin

Entre 1811 et 1814, Étienne de Jouy a publié dans la rubrique feuilleton du journal la Gazette de France des observations sur les mœurs françaises et parisiennes sous le pseudonyme «L’Hermite de la Chaussée d’Antin» :

Ces écrits ont aussi été publiés en volume :

Les Français peints par eux-mêmes

La chronique dans le journal comme continuation de la littérature panoramique

Magic lantern show

Jules Claretie parle de ses chroniques comme « une sorte de lanterne magique » (image ci-dessus) où on peut observer les personnages de son temps (« Préface » p. VIII).

Ailleurs, en parlant du 19e siècle, il a dit :

Ce temps-ci tient surtout à deux choses : être amusé et être renseigné. […] Aujourd’hui, le renseignement s’imprime. Il n’y a plus de causeurs [notez : causer = parler, discuter] à proprement dire ; il n’y a qu’un causeur gigantesque, un causeur inépuisable, un causeur extraordinaire, qui rabâche parfois, mais qui plus souvent a bien du nouveau à nous apprendre — et ce causeur, c’est le journal. Ce Gargantua de la causerie avale toute l’actualité et ne laisse au beaux esprits de dessert que les miettes de son repas. C’est pourquoi, la plupart du temps, la causerie actuelle […] se compose des bons mots de la gazette du matin ou de la nouvelle de la feuille du soir répétés simplement et récités par ceux qui se taillent de l’esprit tout fait dans la chronique.

Jules Claretie, La Vie à Paris 1880, p. 2

Le coût de la vie et le prix du journal au 19e siècle

Combien coûtait la vie à Paris au 19e siècle ?

Avant 1836, on s’abonnait à la plupart des journaux au prix de 80 francs par an. En 1836, deux journaux, La Presse et le Siècle, ont réduit le prix de l’abonnement à 40 fr par an, par le moyen des annonces (qui financent l’autre 40 fr).

En 1863, les journaux non-politiques ont pu se vendre au numéro, sans abonnement, pour un prix de 5 centimes – ce qu’on appelle plus communément un sou. Les abonnements annuels coutaient entre 36 et 48 francs par an.

Après 1881, tous les journaux pouvaient se vendre au numéro ; les quotidiens coûtaient un ou deux sous (5 ou 10 centimes). Une revue illustrée se vendait généralement à 20 centimes le numéro.

Mais que représentaient 80 francs ? 40 francs ? un sou ?

Notez : un sou = 5 centimes ; 20 sous = 1 franc

Pour vous donner une petite idée :

  • Vers 1830, un grand pain coûtait environ 20-24 sous (1 franc ou 1 franc 20 centimes) à Paris. On pouvait acheter une bouteille de vin ordinaire pour 15-25 sous (entre 75 centimes et 1 fr 25). Un manteau coûtait entre 50 et 100 francs, une robe de femme entre 6 et 20 francs, selon la qualité.

  • Vers 1835, un ouvrier dans l’industrie de la soie à Lyon gagnait environ 2 fr ou 2 fr 50 par jour. Un ouvrier pouvait payer ses repas et un peu de vin avec 30 sous (1 fr 50) par jour. Il payait le loyer d’un appartement modeste pour 100 fr ou 150 fr par an.

  • Vers 1885, un voyageur à Paris pouvait se payer une chambre d’hôtel à 4 ou 5 fr la nuit. Un dîner dans un restaurant, à prix fixe, coûtait environ 2 fr 50 ou 3 fr 50.

Sources : A New Picture of Paris (1831), Report on the Commercial Relations between France and Great Britain (1835), Paris en poche (1884)

Que peut-on acheter pour un sou dans les rues de Paris ?

Le journal après 1836

COURS 2

Et un article sur le contexte de 1836, l’année où ont été fondés ces deux titres :

Emile de Girardin lance le 1er juillet 1836 La Presse, le premier quotidien à bon marché. Il est considéré comme le fondateur de la presse moderne : un journal d’information et de divertissement, financé par la publicité. Ce journal doit son succès à un prix de vente bon marché et aux romans feuilletons qui lui permettent d’élargir son lectorat. Malgré les critiques, ses innovations sont largement imitées par ses concurrents et font entrer la presse dans « l’ère médiatique ».

Julien Ebersold, “La fondation de la Presse en 1836″

La page des annonces dans La Presse quelques mois après sa fondation en juillet :

Combien coûtait la vie à Paris au 19e siècle ?

Avant 1836, on s’abonnait à la plupart des journaux au prix de 80 francs par an. En 1836, deux journaux, La Presse et le Siècle réduisent le prix de l’abonnement à 40 fr par an, par le moyen des annonces (qui financent l’autre 40 fr).

Mais que représentaient 80 francs ? 40 francs ? Voir par ici.

La nation, la «communauté imaginée», la presse

COURS 2

[The nation] is an imagined political community – and imagined as both inherently limited and sovereign. It is imagined because the members of even the smallest nation will never know most of their fellow-members, or even hear of them, yet in the minds of each lives the image of their communion. […]

The nation is imagined as limited because even the largest of them […] has finite, if elastic, boundaries, beyond which lie other nations. […]

It is imagined as sovereign because the concept was born in an age in which Enlightenment and Revolution were destroying the legitimacy of the divinely-ordained, hierarchical dynastic realm. […]

Finally, it is imagined as a community, because, regardless of the actual inequality and exploitation that may prevail in each, the nation is always conceived as a deep, horizontal comradeship.

Benedict Anderson, Imagined Communities, pp. 6-7

Or l’essence d’une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses. Aucun citoyen français ne sait s’il est Burgonde, Alain, Taïfale, Visigoth ; tout citoyen français doit avoir oublié la Saint-Barthélemy, les massacres du Midi au xiiie siècle. […] La nation moderne est donc un résultat historique amené par une série de faits convergeant dans le même sens.

Ernest Renan, «Qu’est-ce qu’une nation?» (1882)

Das Zeitungslesen des Morgens früh ist eine Art von realistischem Morgensegen. (La lecture du journal, le matin au lever, est une sorte de prière du matin réaliste).

Georg Wilhelm Friedrich Hegel, philosophe allemand, Notes et Fragments, 1803-1806

Introduction à la presse du 19e siècle

COURS 1

La «civilisation du journal»

Les historiens du livre et de la lecture ont souvent vu le XIXᵉ siècle comme le moment du triomphe du livre; il faudrait sans doute plutôt parler du triomphe de l’imprimé et, plus précisément, de l’imprimé périodique. Car c’est par la presse, celle du roman-feuilleton et des quotidiens à un sou, que les nouveaux alphabétisés entrent dans la lecture. […] Plus avant dans Ie siecle, on observe que les classes populaires viennent à la lecture par le journal, et par le roman-feuilleton en particulier. […]

En 1803, les onze titres de quotidiens parisiens autorisés par le pouvoir représentent un tirage journalier de 36 000 exemplaires. Entre 1830 et 1914, la presse parisienne, dont la diffusion est à la fois parisienne et provinciale, voit ses tirages multipliés par soixante. Deux moments de changements d’échelle se détachent : la rupture de 1836, tout d’abord, avec la division par deux du prix de l’abonnement, qui passe de 80 à 40 francs et permet en deux décennies le doublement des tirages, atteignant 145 000 exemplaires en 1845. Ensuite, la rupture de 1863, avec l’affirmation de la presse vendue au numéro pour un sou (5 centimes) : entre 1845 et 1870, les tirages quintuplent et dépassent le million d’exemplaires, dont 600 000 pour la presse à un sou en 1870. Les quatre-vingts quotidiens parisiens atteignent, en 1914, 5,5 millions d’exemplaires.

Judith Lyon-Caen, «Lecteurs et lectures», La Civilisation du Journal, p. 29

Les journaux mentionnés par Judith Lyon-Caen au début du chapitre «Lecteurs et lectures»:

L’alphabétisme

Un graphique montrant que de plus en plus d’hommes et de femmes peuvent signer leur nom entre le début et la fin du 19e siècle (Jean-Pierre Pélissier et Danièle Rébaudo, « Une approche de l’illettrisme en France », Histoire & mesure, XIX – 1/2 | 2004, 161-202)

La matérialité du journal

Deux courts-métrages de l’année 1896 où on peut voir la taille d’un journal quotidien :

Le Coucher de la mariée (1896) – Scène légèrement érotique. On voit un mari qui attend que sa femme se déshabille. Pour passer le temps en attendant, il ouvre un journal – à l’envers !
Court-métrage de Nadar (1896) – On voit Nadar lui-même fumant et ouvrant un journal. On peut voir que le journal se plie en accordéon et peut se porter de cette manière dans la poche.

Les présentations orales – sujets et dates

Vous présenterez à l’oral une des lectures, un groupe de lectures, ou un des thèmes au programme et en animerez la discussion en classe.

Votre temps de parole sera environ 10-15 minutes, mais votre présentation durera plus longtemps puisqu’il y aura des questions, des discussions, des interventions de ma part, etc.

Pour ce faire, il y a beaucoup de ressources disponibles (lien à des articles, des sources, pour chacun des textes/auteur·es).

La semaine précédant votre présentation, vous devrez prendre rendez-vous avec moi : vous viendrez à la réunion ayant lu le(s) texte(s) en question et avec une ébauche des questions que vous poserez à la classe.

Au lieu de faire le diaporama habituel, vous publierez un «post» sur WordPress dans la catégorie «Présentations». Dans ce post, vous pouvez ajouter des images, des citations, vos questions, quelques phrases pour structurer votre présentation, etc. Nous projetterons cette publication pendant votre présentation en classe, alors mettez-y tout ce que vous voulez montrer à la classe !

Inscrivez-vous ici pour un sujet et une date (après le cours du mercredi 18 septembre) :

Les présentations orales – sujets et dates (Google Doc – lien à venir)